L’enseignement continu : une action permanente de l’UCL depuis 1876

Journal des Sciences médicales de Louvain - Revue médicale de Louvain - Recipe - Louvain médical - AMA UCL et l'ECU. (voir aussi l'histoire des revues)

Dès le 19ème siècle, l’UCL a eu le souci de l’entretien des connaissances chez les médecins qu’elle a formés et a adapté cet enseignement à l’évolution de la communication et aux progrès de plus en plus rapides d’une médecine de plus en plus complexe et spécialisée.
Dès 1876, un groupe d'une quizaine de professeurs lance le Journal des Sciences médicales de Louvain. Dans la préface du premier numéro, Eugène Hubert, rédacteur en chef, écrit " La parution de cette revue répond aux nombreux voeux qui ont été exprimés... Elle vise un seul but: être utile en offrant aux praticiens un recueil au courant des progrès de l'art de guérir."

Six ans plus tard, en 1882, le Journal change de nom et devient la Revue Médicale, puis peu de temps après la Revue médicale de Louvain. Le texte qui suit évoque l’évolution de la formation post-graduée de 1882, jusqu’en 1967, lors de la fusion de Recipe et de la Revue médicale de Louvain et de la création du Louvain Médical actuel.(1)

La Revue Médicale de Louvain.

Dirigée par Gustave Verriest et Eugène Hubert, la revue publie quelques articles originaux, comme un long exposé sur les maladies mentales, mais surtout des résumés et analyses de publications étrangères, dans lesquelles on retrouve les grands noms de l’époque : Calmette, Neisser, Sabouraud, Marfan, Roux, mais aussi les comptes rendus des réunions de l’Académie Royale de Médecine de Belgique.
Des cours post-universitaires sont organisés tels les cours de propédeutique de Joseph Denys dès 1886 et, en 1887, un enseignement bactériologique pratique par le professeur Vandevelde : 6 heures/semaine du 16 août à la fin septembre (minerval : 50 francs).

A partir de 1900, les exposés sont plus courts, plus didactiques sur des sujets d’actualité (herpès, brûlures, cocaïne, gale, rachitisme…), parfois très spécifiques, comme « la bicyclette et la santé » ou « la gymnastique du ventre dans la constipation ».
L’Académie se préoccupe des « alcoolisés » et de la malaria au Congo.
Arthur Van Gehuchten  relaie les plaintes des étudiants qui estiment que les manuels de cours ne sont ni concis, ni pratiques.

A partir de 1911, Manille Ide va donner une impulsion nouvelle à la revue, grâce à son bon sens, son franc-parler, ses qualités littéraires et son expérience médicale. La formation continuée le préoccupe :
«Comment se reconnaître dans le fouillis d’affirmations aussitôt contredites, dans la succession des méthodes qui apparaissent, se généralisent, triomphent et puis disparaissent parfois sous l’opprobre général »

Ide va mener un combat pour l’organisation de cours de vacances obligatoires. Après quinze ans de diplôme, tout médecin, généraliste, spécialiste, professeur, devrait passer un mois de recyclage à l’hôpital. Il n’y aurait pas d’examen, mais un contrôle de présence. Il fait appel aux députés médecins (ils étaient 13 en 1912), pour qu’ils présentent une loi dans ce sens au Parlement. Cet appel restera sans suite et un essai de séjours hospitaliers de formation pendant les vacances échouera par manque de participants.
Ide conseille alors aux médecins de combiner cours et tourisme en suivant notamment les cours de vacances gratuits qui se donnaient... à Berlin et à Dresde. Les canons d’août 14 n’étaient pas encore braqués sur notre pays.
Lors de sa leçon inaugurale (octobre 1911), Albert Lemaire exprime avec force sa foi clinique :
« La maladie n’existe pas : il n’y a que des gens malades. Je suis un clinicien qui s’aide des méthodes de laboratoire et non l’inverse »
Après la pause pendant la Grande Guerre, la revue reparaît.

En 1923, Manille Ide, au nom de la Faculté, plaide à nouveau pour une formation pratique post-graduée, volontaire, puisqu’il n’a pas obtenu qu’elle soit légale :
« Que le médecin vienne quand il lui plaît assister en élève libre et en amateur à tous les travaux qui se font dans les hôpitaux…visites en salle, analyses, chirurgie, assistance aux consultations »
On ne sait pas si ce généreux appel a été suivi par les anciens.

En 1926, la Faculté organise des cours gratuits de culture générale destinés aux étudiants et diplômés en médecine et pharmacie. Après deux ans ces cours, d’art, de musique, d’histoire et de géométrie sont abandonnés par manque d’audience.
La revue publie assez souvent des articles de médecins « extérieurs », tel le docteur Laloyaux  qui donne sa statistique de césariennes dans sa petite maternité de Thuillies.

A partir de 1934, Richard Bruynoghe assume la direction de la revue et va y écrire jusqu’à sa mort, plus de la moitié des articles !
Pendant l’occupation (1940-1944), la Revue continuera à paraître. Beaucoup d’articles de cette époque concernent des maladies favorisées par la situation socio-économique désastreuse, l’hygiène déplorable et la pénurie de médicaments (notamment l’insuline), diphtérie, tuberculose, gale, typhus exanthématique, fièvre typhoïde…
Après la guerre, les conférences post-universitaires  reprennent progressivement et l’on découvre de nouveaux « jeunes » enseignants : Hoet, Lambin, Appelmans, De Muylder, Brenez, Lacroix, Lavenne, Van Campenhout, Ferrière, Renaer etc.
Dans chaque éditorial, Richard Bruynoghe insiste sur le fait que la revue ne doit pas publier d’articles originaux, mais des mises au point dans un but didactique. Les conférences, écrit-il,  sont certes très utiles, permettent des contacts et des démonstrations pratiques, mais touchent moins de monde et ne laissent pas de traces écrites.

En 1957, André Simonart succède à Richard Bruynoghe. La revue est dédoublée, avec des éditions néerlandaise et française et la promesse d’échanges d’articles entre la revue médicale et le tijdschrift. Cette bonne intention fera rapidement long feu.
L’enseignement oral se développe, avec les « capita selecta » de médecine interne du mercredi soir, les séances d’enseignement de l’AMA UCL et l’invitation d’orateurs étrangers tels Brom, Froment, Jean Bernard...
En 1967, c’est la fusion avec Recipe (voir plus loin)
La Revue Médicale de Louvain n’a jamais connu un très grand succès, malgré des directeurs prestigieux (Hubert, Ide, Bruynoghe, Simonart) probablement parce que la présentation banale et triste n’a jamais changé et parce qu’on a tardé à faire place aux jeunes.

Recipe (1934-1967)

Le Comité de rédaction de cette modeste publication était constitué d’étudiants et de jeunes médecins enthousiastes et compétents, travaillant sous la responsabilité de la Faculté, du Cercle médical Saint-Luc et de la Maison médicale dite la Mémé. Recipe souffrira tout au long de son existence des changements trop fréquents de rédacteurs en chef (2) et du manque de rigueur et de constance de l’équipe rédactionnelle.
En feuilletant Recipe, mis à part la chronique dite « hyménothérapique », les mots croisés, les « bons mots des profs », les comptes rendus de soupers de cours et de diverses réunions estudiantines, on trouve beaucoup d’articles médicaux intéressants, souvent mieux illustrés que dans la Revue Médicale, des éditoriaux polémiques, notamment à l’époque des projets Leburton et du Walen buiten et des reportages, par exemple lors de l’inauguration du nouvel hôpital Saint- Pierre. En encart, l’étudiant trouve les diagnostics différentiels écrits par Paul Lambin ou notés pendant ses cours.

On peut critiquer un manque de rigueur du comité de lecture, qui a, par exemple, accepté 7 pages de références bibliographiques dans un article sur l’hirsutisme ! La parution des numéros était souvent irrégulière, les auteurs ayant parfois d’autres chats à fouetter.
La publicité était abondante, probablement parce que les firmes pharmaceutiques espéraient  toucher les étudiants et les médecins à la source. Les noms des médicaments de l’époque, oubliés aujourd’hui, ne laissaient pas de doute sur leur indication : Panallergine, Ulcérocure, Arthrolysine, Tensibel, Rhumacure...
 
A partir de 1965, la qualité scientifique de Recipe s’améliore grâce aux numéros spécialisés coordonnés par les différents chefs de service : chirurgie, hématologie, gynécologie, neurologie, pédiatrie…
Il serait injuste de ne pas souligner le rôle essentiel du Père Lemaire et de « sa » Mémé dans l’esprit chrétien et humaniste de la revue. C’est lui qui écrit l’éditorial un peu mélancolique lors de la fusion avec la Revue médicale de Louvain et le baptême de Louvain Médical et de sa prise en main par Michel De Visscher et Jacques Prignot.

Rôle de l’AMA-UCL.

Avant 1909, les anciens de l’UCL étaient groupés en une Association Générale dont le moteur principal avait été le professeur Ferdinand Lefebvre (1821-1902). Le 9 mai 1909, dans un discours prononcé à l’occasion des 75 ans de ce qu’on appelait à l’époque l’Ancienne et la Nouvelle Université de Louvain (3), le professeur Ernest Masoin, secrétaire perpétuel de l’Académie de Médecine, annonce la création d’une Association de Médecins sortis de Louvain :
« La vieille Association ne souffrira pas de l’opération qu’elle va subir, car c’est la transfusion d’un sang nouveau, celui de la spécialité… L’ombre du docteur Lefebvre ne se lèvera pas pour vous condamner : nous sommes des  schismatiques affectueux et fidèles ».

Après avoir rappelé les grands noms de l’UCL et notamment les médecins, Vésale, Van Helmont et Verheyen, le professeur E. Masoin, désirant atténuer le traumatisme de la scission, poursuit dans un langage digne du jeune Werther : « L’union des médecins accroche son berceau aux branches du vieil arbre universitaire qu’un souffle d’allégresse et d’amour fait tressaillir délicieusement ».
La jeune union ne semble avoir eu qu’une activité assez réduite avant la Grande Guerre. Tout au moins, je n’en ai pas trouvé de traces.

A la reprise en 1926, dirigée par E. Hertoghe, elle s’engage résolument dans l’enseignement post-universitaire en organisant des exposés didactiques, des démonstrations cliniques, au cours de deux réunions annuelles au printemps et à l’automne.
La première séance s’est tenue le 19 décembre 1926 à l’hôpital Saint-Pierre à Louvain et a réuni 320 médecins. Des exposés d’Albert Lemaire (anémie pernicieuse), de Georges Debaisieux (chirurgie de l’ulcère gastrique) et de Manille Ide (système réticulo-endothélial) ont été suivis d’une Messe à la Chapelle des Jésuites, rue des récollets et d’un déjeuner à La Royale, place des martyrs. Joseph Hoet, secrétaire de l’Association était chargé de réserver des chambres d’hôtel pour les participants qui le désiraient.
En juillet 1926, l’AMA UCL participe à l’inauguration de la nouvelle bibliothèque, en présence du Prince Léopold et de la princesse Astrid, et de plusieurs centaines d’Américains, avec concert de carillons et embrasement de la tour, non criminel pour une  fois.

En 1929, l’AMA participe activement aux Journées Médicales de Bruxelles et, à partir de 1939, invite des orateurs étrangers de renom (Lepoutre, Laroche, Sergent et Lian).

Le 5 mai 1940, peu de jours avant l’attaque allemande, Appelmans, Lambin et Sebrechts prennent la parole lors de la séance de printemps.

En 1948, les réunions flamandes et francophones sont séparées. Gaudart D’Alaines vient faire une conférence avec projection d’un film sur la chirurgie de la maladie bleue. Une réception est organisée à l’Institut d’Education Physique (Professeur P.P. De Nayer), avec match de football et démonstrations de gymnastique.
Plus tard seront invités, Jean Lenègre et Lortat-Jacob de Paris et Barret de Londres.
A partir de 1958, l’AMA participe à l’organisation de la proclamation des docteurs en médecine et à la réception qui la suit.
En 1963, lors de la scission linguistique de l’AMA, Oswald Van Lantschoot est élu président et Franz Lavenne secrétaire.

L’enseignement post-gradué en médecine est aujourd’hui confié à une Commission Facultaire (ECU) qui organise un enseignement continu dans toute la région francophone du pays et  collabore étroitement avec Louvain Médical et l’AMA-UCL.

                                                                                            René Krémer



1) Prenant la direction du nouveau Louvain Médical, Michel De Visscher comparait cette fusion nécessaire « à la conjugaison des protozoaires et des infusoires par accolement des cellules adultes». (Retour) .

2) Citons parmi d’autres : Henri-Georges Vandenschriek, Jacques Lammerant, Jacques Vincent, Bernard Carlier, Jean-Marie Detry, Léon Cassiers. (Retour)

3) L’ancienne Université, créée en 1425 a été fermée en 1789, lors de l’intégration des provinces belges à l’Etat français. Une Université d’ Etat fut rouverte à Louvain en 1817 par le pouvoir hollandais. La nouvelle Université Catholique a été inaugurée solennellement à Louvain le 8 novembre 1834. (Retour)