Alors que l'Université de Louvain était la seule universitésur le territoire actuel de la Belgique depuis 370 ans, elle resta fermée sous le régime Napoléonien. Mais dès la chute de l'Empire (Waterloo 1815), les membres de l'ancienne université etles édiles de Louvain entreprirent des démarches auprès des vainqueurs, puis auprès du roi Guillaume Ier. Ils demandaient le rétablissement de l'ancien Studium dans sa forme antérieure. Guillaume Ier souhaitait pour sa part créer dans les provincesdu sud un enseignement non confessionnel calqué sur le système hollandais (qui disposait de trois universités à Leyde,Utrecht et Groningue). Il laissa cependant une commission réunieà Bruxelles étudier le problème. Celle-ci préconisad'abord la création d'une université unique, mais ses membresne purent se mettre d'accord quant au choix de Bruxelles ou de Louvain.De guerre lasse, elle se rallia aux vues du roi. Trois universitésd'Etat furent donc créées en 1816, à Louvain, àGand et à Liège. L'installation de l'université d'Etat de Louvain s'effectua dans des conditions difficiles, en butte au mécontentement général. Le choix de Louvain, avec l'éviction de Bruxelles, avait irrité les milieux progressistes de la capitale, la plupart des membres de l'ancien Studium manifestaient leur opposition et les autorités ecclésiastiques ne pouvaient admettre la neutralité de l'enseignement. La population très largement catholique entra naturellement dans le climat d'hostilitégrandissante. La question la plus difficile resta celle du recrutement du personnel enseignant que l'on devait choisir parmi ceux qui avaient reçu eux-mêmes une instruction supérieure et qui avaient donc, pour la plupart,été formés à l'ancienne école de Louvain. On ne retint d'ailleurs que les personnalités reconnues pour la modération de leurs idées et de leurs opinions. Onne trouva pas assez de candidats dans le pays et on eut dès lors recours à plusieurs professeurs allemands, hollandais et français. Les 16 professeurs — trois ou quatre par faculté — devaient enseigner toutes les branches inscrites au programme; la tâche était lourde et se fit au détriment de leurs travaux personnels, ce qui explique le faible nombre de publications scientifiques à cette époque. La nouvelle faculté de médecine se constitua sans trop de difficultés. On y retrouvait Guillaume Joseph Van Gobbelschroy, de Louvain, qui avait fait partie de l'ancienne faculté et Charles François Jacmart, de Namur, qui enseigna la médecine interne; Pierre Craninx sera son assistant. La Faculté comptaitdans ses rangs François Harbaur, d'origine alsacienne, médecindu roi et premier recteur de l'université. Appelé assez rapidement sous d'autres cieux, il fut remplacé par Jean Marie Baud, qui avait participé aux campagnes de l'Empire, fut médecin de la marine à Brest, puis chirurgien-en-chef à Bois-le-Duc. Il enseigna l'anatomie, la chirurgie et la pathologie externe. L'obstétrique fut confiée à Adrien Van Solingen (1759-1830), puis à Joseph-Antoine Leroy (1800-1839). La personnalité la plus remarquable arrivée en 1818 fut sans doute Antoine Gérard Van Onsenoort (1782-1841), ancien chirurgien de marine et qui fit campagne successivement avec et contre l'armée napoléonienne. Il dispensa un enseignement de chirurgie et d'ophtalmologie au GrandHôpital de la Reine (l'ancienne pédagogie du Faucon, écoled'application pour les militaires créée à Louvainpar Guillaume Ier) avant d'introduire un enseignement de l'ophtalmologie à l'université. Il quitte Louvain en 1822. Frédéric Hairion lui succédera quand l'université catholique resurgira. Le nombre d'étudiants inscrits à l'universitérestait très en deçà de ce qu'il avait étéauparavant, atteignant péniblement quatre cents. L'enseignementsemble avoir pourtant été d'assez bonne qualité. Leniveau scientifique à la faculté de médecine profitaitd'ailleurs de la présence de l'école pour les militaires etdu dynamisme de la Société de Médecine de Louvain créée en 1821 dont les membres se réunissaient deux fois par mois, groupant professeurs de la faculté et médecins de la ville, y compris les professeurs de l'ancienne faculté. Cependant la tension due à la présence de calvinistes et d'orangistes augmentait d'année en année, pour s'exacerber lorsque Guillaume Ier voulut installer un collège philosophique à Louvain. N'ayant pas tiré la leçon des déboires de son prédécesseur Joseph Il, le roi Guillaume entrait ainsi en conflit ouvert avec les évêques. Ceux-ci ne pouvaient admettre d'être privés du droit constitutionnel qu'ils exerçaient sur leurs séminaires. Le clergé devint le fer de lancede l'opposition et un élément clé de la future révolution. L'indépendance sonnait le glas de cette universitéd'Etat mal aimée. La refonte médicale de l'enseignementtarda cependant à se réaliser. Les trois institutions deGuillaume Ier, amputées de plusieurs facultés, ne méritaient plus le titre d'universités, mais les affrontements continuelsentre la crosse et le maillet ne permettaient pas de statuer sur leursort futur. Les évêques belges décidèrent finalement de forcer la main des pères fondateurs du pays en créant un institut d'enseignement supérieur dans l'esprit et les traditions de l'ancienne université catholique. Il semble que ce projet ait pris corps dès 1832, sous l'impulsion de l'évêque de Gand. Un an plus tard, le 14 novembre 1833, le corps épiscopal soumettait le projet au pape Grégoire XVI. Celui-ci accéda à la demande le 13 décembre de la même année. Toutefois l'université d'Etat existait toujours à Louvain, du moins en droit, et il n'était donc pas possible d'y implanter l'université catholique. Le 4 novembre 1834, les évêques installèrent le siège de l'Université catholique de Louvain à Malines, tout en insistant sur le caractère provisoire de la situation et sur les avantages de Louvain pour accueillir une véritable université. Entre-temps, le courant libéral progressisteet largement laïcisant, issu de la Révolution, fut la basede l'Université libre de Bruxelles, fondée par les instanceslibérales le 20 octobre 1834 et inaugurée le 20 novembre1834. Des "coups de force" à répétition finirent par porter leurs fruits, puisqu'en 1835 la loi sur l'enseignement supérieur rayait d'un trait de plume cette université d'Etat si mal aimée. Ainsi disparaissait une institution sans doute peu rayonnante dans leconcert européen, mais qui avait eu le mérite d'existeret de promouvoir un enseignement universitaire après la sombrepériode française. Le pays disposait ainsi en 1836 de quatre universités : celles de Louvain et de Bruxelles, ainsi que deux universités d'Etat, l'une à Gand et l'autre à Liège, remplaçant les institutions établies sous Guillaume Ier. En 1837, la Faculté de Médecine comptait neuf professeurs. C'est en 1968 que, suite aux revendications du "droit du sol" par le mouvement flamand, l'Université de Louvain fut contrainte de se diviser enimplantant sa section francophone en territoire wallon : la Katholieke UniversiteitLeuven resta sur les lieux, tandis que l'Université Catholique deLouvain s'installa au voisinage d'Ottignies (Louvain-la -Neuve). Lemême mouvement séparatiste se produisit à Bruxelles entraînant la création de deux universités, la Vrije UniversiteitBrussel et l'Université Libre de Bruxelles. Pour faire droit àune population néerlandophone plus importante que la population francophone,une septième université fut créée à Anvers: Universiteit Antwerpen.C'est ainsi que la Belgique compte depuis lors septuniversités : deux universités d'Etat (Gand RUG et LiègeULg), deux universités à Bruxelles (ULB et VUB), deux universitécatholiques (UCL et KUL) et l'université pluraliste d'Anvers (UIA). |