George Antoine Adolphe Gautier de Rasse, né le 30 décembre 1834 à Arlon et décédé le 8 janvier 1915 à Ellezelles, est un magistrat et administrateur belge de la Sûreté publique. Il est le fils de Georges Adolphe Ferdinand Gautier, ingénieur des mines à la province de Namur, et de Marie Catherine Printz.

Il étudie à la Faculté de droit de l’Université libre de Bruxelles de 1852 à 1857, en même temps que le futur ministre de la Justice Jules Bara. Il y est diplômé docteur en droit avec la plus grande distinction. Après ses études, il intègre le barreau d’Arlon. Il est ensuite nommé substitut du procureur du Roi le 6 janvier 1861 au Tribunal de première instance de Tournai, où il succède à Louis-Frédéric Babut de Marès.

A Tournai, il se marie le 25 août 1863 avec Léopoldine de Rasse, fille d’Alphonse de Rasse, bourgmestre libéral de Tournai. Par arrêté royal du 22 décembre 1885, il obtient l’autorisation d’apposer le nom de famille de sa compagne au sien et de le transmettre à leurs enfants, Georges et Léopold. Le 14 septembre 1867, le ministre de la Justice, Jules Bara, le promeut procureur du Roi à Tournai. Il quitte ce poste le 16 octobre 1879 à la suite de son intronisation en tant qu’administrateur de la Sûreté publique, où il succède à Victor Berden qui devient le bras-droit de Jules Bara.

Sous son mandat, de graves troubles, quasi-révolutionnaires, débutent en 1886 dans le Hainaut (Borinage et région de Charleroi). Il doit alors lutter contre une agitation sociale menée par la figure majeure du Parti Socialiste Révolutionnaire (PSR), Alfred Defuisseaux. Pour se faire, il utilise des agents à la solde de la Sûreté comme Pourbaix (qui a proposé spontanément ses services à la Sûreté publique) ou Jean Laloi, un socialiste déclaré qui présidera le congrès de Châtelet en 1887. Face à ce phénomène, il écrit également l’ouvrage Etude économique sur les coalitions d’ouvriers et sur les grèves (Paris, 1886).

En 1888, une série d’actions insurrectionnelles éclatent à nouveau, dans la lignée des troubles ouvriers qui émaillent le Hainaut depuis 1886. Toute une série de leaders du PSR d’Alfred Defuisseaux sont arrêtés après que les manifestants aient utilisé de la dynamite. L’affaire connait un rebondissement le 26 janvier 1889 : Paul Notelteirs, directeur de la Sûreté publique, révèle que Jean Laloi est en réalité un agent à la solde de la Sûreté. Progressivement, il apparaît que l’administration s’est introduite dans le milieu du PSR via des agents et que ces indicateurs (e.g. Pourbaix, Laloi) s’apparentent plutôt à des agents provocateurs chargés de discréditer les grèves. Ceci implique qu’il n’y a pas de complot contre l’Etat car Auguste Beernaert, figure de proue du gouvernement belge, est au courant de ces agissements.

Le procès s’ouvre le 6 mai 1889 devant la Cour d’assises de Mons. Le 10 mai 1889, Adolphe Gautier de Rasse est appelé à témoigner dans le cadre de l’affaire. Rapidement, cette dernière tourne en faveur des accusés du PSR défendus par des personnalités telles qu’Eugène Robert, Jules Destrée ou Edmond Picard. Ce dernier va jusqu’à déclarer que « le complot n’est que dans l’imagination du Ministère public ». Les accusés sont acquittés le 25 mai 1889. A partir du moment où Auguste Beernaert doit se justifier devant la Chambre des représentants, il renvoie immédiatement Adolphe Gautier de Rasse de son poste d’administrateur. On lui reproche de :

  • Ne pas avoir signalé immédiatement au ministre catholique de la Justice Jules Le Jeune que, lors de leur arrestation, certains leaders du PSR étaient en réalité des agents infiltrés.
  • Avoir sciemment laissé ces indicateurs commettre des actes de provocation.
  • Avoir révélé des informations sensibles à l’ancien ministre Jules Bara siégeant dans l’opposition libérale.

Parallèlement à son poste d’administrateur, Adolphe Gautier de Rasse montre un vif intérêt envers la criminologie. En 1885, il fait partie de la délégation belge au congrès pénitentiaire de Rome avec Adolphe Prins. Il s’inscrit d’ailleurs dans le mouvement de la défense sociale, arguant que la société doit penser à sa défense face aux grèves ouvrières dans le Hainaut.

Sa fin de vie est beaucoup plus discrète. En 1891, il écrit un article de criminologie sur les aliénés criminels dans la revue La Belgique judiciaire. Gazette des tribunaux belges et étrangers. En 1892, alors que son beau-père Alphonse de Rasse vient de décéder, lui et son épouse Léopoldine vendent la maison familiale dans le centre de Tournai. Il finit sa vie à Ellezelles, où il décède le 8 janvier 1915.

Sources:

  • « Carte postale de Tournai, s.d. », Archives privées familiales (Rhode-Saint-Genèse).
  • « Notice d’Adolphe Gautier de Rasse dans une chronique familiale des de Rasse, s.d. », Archives privées familiales (Rhode-Saint-Genèse).
  • Alfred Defuisseaux et le Grand Complot, une page de l’histoire du socialisme borain (1889), http://fr.calameo.com/books/00104647922a435564539 (Consulté le 18 novembre 2017).
  • Gautier de Rasse, Georges, Antoine, Adolphe, http://www.arlonide.be/Magistrats/gautier.php (Consulté le 5 décembre 2017).
  • L’écho du Parlement, 19 octobre 1879.
  • Le Bien Public, 19 décembre 1885.
  • Marc REYNEBEAU, Histoire belge : 1830-2005, Bruxelles, 2005, p. 91.
  • Pourbaix Léonard et le Grand Complot, http://www.goens-pourbaix.be/multima-pourbaix/leonart/POURBAIX%20Leonard.htm (Consulté le 18 novembre 2017).
  • Rôle des inscriptions de l’Université libre de Bruxelles pendant la première période trentenaire (1834-1835 – 1863-1864), Archives de l’Université libre de Bruxelles.

Quentin Arrigoni

Notice rédigée dans le cadre du Séminaire d’histoire de la période contemporaine de l’Université catholique de Louvain (LHIST2280, professeur Emmanuel Debruyne). 

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