Conceptualisation de l’application: Françoise Muller et Aurore François
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1. Etapes préliminaires
2. La catégorisation des données
3. La base de données
4. Apports scientifiques et méthodologiques
5. Migration et remise à jour
1. Etapes préliminaires
Deux étapes préliminaires ont été nécessaires à la réalisation de cette base de données prosopographique, initiée depuis 2005 : d’une part, le recensement des magistrats et, d’autre part, la définition du contexte institutionnel et politique.
1.1. L’identification des sources et le recensement des magistrats
Le recensement des magistrats a débuté par la magistrature ordinaire belge 1830-1914, corpus sur lequel portait le projet initial, avant de s’étendre à d’autres périodes ou à d’autres magistrats.
1.1.1. Magistrature ordinaire « belge » (chercheuse : Françoise Muller)
Toute prosopographie exige préalablement de dresser la liste des personnes qui composeront l’étude. Un dilemme s’est posé quant au choix de la source : fallait-il travailler à partir d’une source officielle et exhaustive mais colossale, à savoir le Moniteur Belge ou à partir d’une source non officielle, moins fiable mais dont le dépouillement s’avèrerait plus rapide, à savoir des revues juridiques spécialisées ? Les considérations pratiques ayant prévalu, les sources officielles ont été dépouillées jusqu’à la création des revues juridiques en 1843. Même si les informations obtenues par ce biais n’étaient pas exhaustives, il était toujours possible de recourir aux sources officielles pour les compléter. La liste des magistrats belges a donc finalement été dressée grâce aux sources suivantes :
- 1830-1831 : le Bulletin officiel des lois et arrêtés royaux et l’Union belge
- Fin 1831-1842 : le Moniteur belge
- 1843-1899 : la Belgique judiciaire
- 1900-1914 : La Belgique judiciaire ne mentionnant plus les nominations judiciaires à partir de 1900, il a fallu lui substituer le Journal des Tribunaux.
- 1919-1939 (tribunaux de première instance et cours d’appel) : Almanachs royaux
Force est de constater qu’au fil du temps, les informations relatives aux magistrats deviennent de plus en plus succinctes. Ainsi, si au début de la période, les prénoms sont indiqués, ceux-ci sont vite remplacés par des initiales. Après la Première guerre mondiale, le Journal des Tribunaux ne renseigne plus non plus systématiquement les nominations judiciaires. Les Almanachs royaux constituent un bon substitut puisqu’ils mentionnent à côté du nom, la date de nomination du magistrat. Néanmoins, cette source présente deux faiblesses : d’une part, la date de nomination n’est pas toujours correcte et, d’autre part, elle n’indique pas la date de nomination à des fonctions spécialisées comme juge d’instruction ou juge des enfants (la date indiquée est celle de nomination au sein du tribunal de première instance et non celle de désignation à la fonction spécialisée). Ces informations complémentaires doivent dès lors être recherchées dans le Moniteur Belge.
Les problèmes rencontrés lors de cette première phase de recension ont été de différents ordres. En ce qui concerne les noms, cela va de la simple faute de frappe à l’existence de plusieurs écritures différentes pour un même nom (ex. : Klensch et Keutsch). Au niveau des fonctions, le principal problème fut celui qui se présentait quand plusieurs magistrats d’une même famille siégeaient dans la même juridiction et y occupaient la même fonction. L’absence des initiales du prénom faisait obstacle à une identification précise de la personne promue ; il a donc fallu encoder le magistrat sous une nouvelle entrée en attendant de trouver d’autres sources. Quant aux juridictions où le magistrat était nommé, elles étaient parfois incorrectes, obligeant là aussi à la plus grande prudence.
Un grand nombre d’incertitudes ont pu être levées grâce au dépouillement du principal fond d’archives sur le sujet à savoir celui du Secrétariat Général du Ministère de la justice conservé aux Archives générales du Royaume à Bruxelles. Classé par juridiction, ce fonds est constitué par les dossiers de nomination aux fonctions judiciaires. Les dossiers sont donc classés chronologiquement suivant la vacance des places.
Au niveau des magistrats, le fonds contient approximativement 430 références d’archives à consulter (seules celles des cours et des tribunaux de première instance de Bruxelles et Liège l’ont été systématiquement). On y trouve des renseignements de type biographique (nom, prénoms, lieu et date de naissance), le cursus de la carrière, les candidatures à des fonctions judiciaires, les avis des supérieurs hiérarchiques, les mises à la retraite, et parfois des indications de liens familiaux et l’appartenance politique. La quantité de renseignements varie d’un dossier à l’autre et a tendance à diminuer vers la fin du dix-neuvième siècle.
Des sources complémentaires ont été utilisées, à savoir : les archives des procureurs généraux, les revues judiciaires (nécrologie, mercuriales des procureurs généraux, articles divers), les dictionnaires biographiques, certains mémoires et thèses.
A noter que nous avons eu accès aux archives de la Cour de cassation et notamment aux dossiers personnels des hauts magistrats et ce pour la période 1832-1939.
1.1.2. La magistrature française (chercheuse : Catherine Goffin)
L’équipe de recherche a bénéficié des dépouillements effectués par Jacques Logie (†) dans le cadre de sa thèse (Les magistrats des cours et des tribunaux en Belgique, 1794-1814 : essai d’approche politique et sociale, Genève, Librairie Droz, 1998, 513 p.). Le travail préalable d’identification des magistrats a donc été grandement facilité, moyennant les réserves émises infra.
1.1.3. La magistrature militaire (chercheuse : Laurence Montel)
L’étude prosopographique de la magistrature militaire a été effectuée à partir d’imprimés (almanachs, annuaires, notamment pour les années 1895-1914), et d’archives conservées aux Archives générales du Royaume et aux Archives d’État d’Anderlecht (resp. série I 130 et Correspondances des auditeurs cartons 1-108 non cotés). Grâce à ces sources, 69 juridictions militaires ont été créées et hiérarchisées, de la période hollandaise à la période belge, ainsi que les fonctions correspondantes (auditeurs, adjoints, juges civils). Une centaine de fiches personnelles ont été soit créées (pour le personnel spécifiquement militaire) ou complétées (pour les magistrats civils qui occupent un temps la fonction de juge civil, à partir de 1899).
1.1.4. La magistrature coloniale (chercheuses : Laurence Montel, puis actuellement Amandine Dumont et Pascaline Le Polain)
Ces recherches sont effectuées sur la base du Recueil mensuel des circulaires, instructions et ordres de services/ EIC (puis Congo belge) ainsi que dans le Bulletin officiel de l’État indépendant du Congo, le Bulletin officiel du Congo belge, le Bulletin officiel du Ruanda-Urundi mais également dans la Biographie coloniale belge suivie depuis 1960 de la Biographie belge d’outre-mer. Ces sources seront complétées avec les archives conservées au Ministère des Affaires Étrangères (Registres du Service du Personnel d’Afrique, Conseil Supérieur, Registres matricules du Ministère de l’Intérieur, arrêtés non publiés, dossiers individuels).
1.2 La définition du contexte institutionnel et politique
En parallèle à la recension des individus, il a fallu travailler au contexte institutionnel. En effet, l’un des points forts de ce projet est la prise en compte de la dimension évolutive des données. L’étude de la magistrature exige par conséquent de savoir comment se composaient les juridictions durant la période concernée.
1.2.1. La magistrature belge ordinaire
Plusieurs types de tableaux ont été réalisés afin de conceptualiser et de fournir le matériau de la partie « juridiction » de la base de données :
Un tableau par juridiction (tribunaux et cours) reprenant sa composition en 1832 et toutes les modifications intervenues jusqu’en 1914. Ces tableaux permettent pour chaque juridiction de déterminer à un moment précis le nombre des membres qui la composait.
Une liste des cantons judiciaires, avec mention de leurs dates de création, de suppression et les éventuels changements d’arrondissement judiciaire.
Un dernier tableau reprend l’évolution des classes des tribunaux de première instance.
L’élaboration de ces différents tableaux a demandé le dépouillement exhaustif de la Pasinomie entre 1830 et 1914.
Outre la question des juridictions, se posaient également celles des incompatibilités, de la mise à la retraite des magistrats, de l’emploi des langues en matière judiciaire, etc. autant d’éléments qui influencent les conditions de recrutement et la fin de carrière des magistrats.
Un important travail de documentation du projet a donc été nécessaire. Ces informations sont présentes dans la base de données tant de façon implicite (ex. : programmation de l’évolution des juridictions en cas de recherche concernant la situation d’une juridiction à un moment donné) qu’explicite (zone de documentation reprenant les évolutions intervenues dans l’organisation judiciaire).
Cette documentation s’étend même au-delà du monde judiciaire, les magistrats étant impliqués dans divers organismes, associations sur lesquels il a fallu se renseigner (associations caritatives, commissions administratives diverses, presse, etc.).
1.2.2. La magistrature française
La reconstitution du contexte institutionnel des juridictions françaises, portant sur une période troublée, a été extrêmement compliqué. Ainsi, il est arrivé à plusieurs reprises qu’un magistrat soit en poste dans une juridiction ou exerce une fonction n’existant officiellement pas encore ou plus.
1.2.3. La magistrature coloniale
L’absence d’études historiques sur le sujet a rendu la tâche difficile, d’autant que l’on trouve dans la colonie des juridictions ambulantes, itinérantes, temporaires, etc.
2. La catégorisation des données
La méthodologie suivie pour catégoriser les données fera l’objet d’une attention particulière car cette catégorisation a déterminé le schéma conceptuel de la base de données. S’agissant de produire un outil de recherche, la conception de la base de données se devait d’être des plus précises. La catégorisation des données a dû être opérée en respectant un équilibre entre des catégories qui soit, d’une part, suffisamment rigides que pour ne pas laisser place à l’hésitation lors de l’encodage et, d’autre part, suffisamment souples pour s’adapter à des données évolutives. Elle s’est faite par à-coups et par réajustements successifs. Les choix opérés ainsi que la définition des catégories seront systématiquement justifiés et détaillés.
Outre l’agencement des données en un système cohérent, un second problème s’est posé : celui des dates. En effet, nombreuses sont les informations collectées qui sont relatives. Pensons à l’état de fortune ou aux connaissances linguistiques lesquelles n’ont cessé d’évoluer tout au long de la vie du magistrat. Autre problème : l’aspect fragmentaire des sources. Les dates ont donc exigé un traitement approfondi et une importante réflexion méthodologique. Ainsi, si nous sommes certains qu’un magistrat est professeur d’université en 1853 et qu’il l’est également en 1855, peut-on en conclure qu’il l’était aussi en 1854 ? Quid si l’intervalle de temps est plus long ? Où et comment fixer la limite de ce qui est « déductible » ? Une chose est certaine : la décision n’appartient pas à l’encodeur. Un système d’encodage « neutre » a donc dû être mis au point. Ce système permet à l’encodeur de choisir entre : date effective, date post quem, et date ante quem. Pour chaque « activité » du magistrat, il y aura une date de début et une date de fin. Si l’encodeur est certain qu’une personne commence ou termine une activité à une date donnée, il indique « date effective » ; s’il est incertain il indique soit « date post quem », soit « date ante quem » selon qu’il s’agisse du début ou de la fin d’une activité.
En tenant compte des éléments qui précèdent, une première grille d’encodage – très théorique – a été réalisée, dans les premiers temps du projet, sur base de coups de sonde effectués dans les archives. Une série de catégories ont été définies sur base desquelles l’informaticien a commencé à élaborer le schéma conceptuel de l’application finale. Au fil des dépouillements, cette grille d’encodage a pris sa forme définitive ; elle se divise en cinq types de données (personnelles, socioprofessionnelles, politiques, relationnelles et intellectuelles). Après un bref mot sur les sources, les cinq catégories de données seront successivement analysées.
Il est possible d’indiquer pour chaque information comprise dans la base de données, les sources qui ont été utilisées (archives ou sources secondaires). Le programme mémorise automatiquement une référence la première fois qu’elle a été encodée, il suffit à l’encodeur de la sélectionner dans une liste. La gestion des sources est élaborée de telle façon qu’il est également possible de rechercher si une source a déjà été employée pour la constitution de la base de données. Cette faculté est utile tant pour les encodeurs entre eux que pour l’utilisateur qui voudrait savoir si un dossier précis d’archive a été utilisé pour réaliser la biographie d’un magistrat.
2.1 Données personnelles
Cette catégorie reprend les données de type identitaires suivantes: noms, prénoms, lieu de naissance, date de naissance, lieu de décès, date de décès, état civil, domicile, titre de noblesse, titre honorifique, prix et distinctions, connaissances linguistiques, état de fortune, croyance religieuse, condamnations.
Si cette catégorie peut sembler simple en apparence, certains problèmes sont néanmoins survenus. D’une part, les sources présentent parfois des contradictions : orthographes du nom, dates de naissance différentes pour une même personne, de même pour le lieu de naissance, etc. De plus, certains magistrats se faisaient connaître sous des noms d’emprunt (ex. : Ambroes dont le vrai nom était Duchâteau). Par ailleurs, la dimension évolutive doit toujours être prise en compte, par exemple pour l’état de fortune.
Le programme informatique a été élaboré de telle sorte que ces difficultés soient prises en compte. Il est ainsi possible d’associer plusieurs noms à une seule entrée. Pour reprendre l’exemple cité ci-dessus, Ambroes peut être recherché soit sous « Ambroes », soit sous « Duchâteau », les deux noms ne représentant qu’une seule entrée dans la base de données. Il est aussi possible de hiérarchiser les différentes orthographes d’un nom. Si on trouve par exemple cinq fois un nom écrit d’une façon (ex. Dupont) et une fois d’une autre façon (ex. Dupond), les deux orthographes seront présentes dans la base de données avec une indication que « Dupont » semble être l’orthographe correcte.
Pour les prénoms, il était courant qu’un magistrat ne soit pas connu sous son premier prénom. A l’instar de ce qui se fait dans les dictionnaires biographiques, le prénom sous lequel le magistrat était connu, sera indiqué en italique dans la base de données.
Le système présenté pour les noms, s’applique également aux dates et aux lieux de naissance et de décès : si plusieurs dates ou lieux sont trouvés, ils seront indiqués avec la possibilité d’attribuer un « niveau de confiance » à chacune d’elle.
Chaque information est accompagnée d’un champ « commentaire » et d’un autre baptisé « observation » ; ces champs seront associés à chaque information de la base de données. Le champ « commentaire » est utilisé pour les commentaires qui seraient indiqués dans la source. Les observations, quant à elles, sont introduites par l’encodeur s’il le juge opportun.
Les autres champs contenus dans ces données personnelles ne demandent pas d’explication particulière, leur intitulé parlant de lui-même. Un mot seulement sur les connaissances linguistiques et l’état de fortune. Le plus souvent, ces deux données nous sont connues à travers l’avis des supérieurs hiérarchiques de ces magistrats. Il s’agit toujours d’appréciations, qui de ce fait ne peuvent être catégorisées. Par conséquent, ces deux données doivent être introduites en format texte. La différence entre ces deux données et les autres se situe au niveau du type de recherches qu’il est possible d’effectuer.
2.2. Données socioprofessionnelles
Il était initialement prévu de séparer les données sociales des données professionnelles. On aurait entendu par données professionnelles : les études, la fonction occupée avant l’entrée dans la magistrature, le cursus de la carrière de magistrat, la date et la raison de la fin de carrière, et une éventuelle fonction occupée après la magistrature. Les données sociales, quant à elles, auraient englobé l’appartenance des magistrats à des associations.
Les premières auraient tendu vers l’exhaustivité, tandis que les secondes, vu les difficultés de toutes les cerner, ne pouvaient y prétendre.
En théorie, la distinction entre données professionnelles et sociales ne semblait pas poser problème. Cependant, l’imbrication des données professionnelles avec les données sociales est vite devenue problématique. Un exemple suffira à le démontrer : le procureur du Roi est obligatoirement membre de la commission administrative des prisons. Il s’agit donc d’une fonction sociale inhérente aux attributions de ce magistrat. Si l’on avait suivi notre réflexion initiale, on aurait eu une profession (magistrat – procureur du Roi) et une fonction sociale (commission administrative) séparée. Il était toutefois embarrassant d’avoir des données relatives à la magistrature dans le social. La solution aurait pu consister à indiquer cette donnée sociale dans le professionnel. Dans le cas du procureur du Roi, cela aurait pu se justifier. Mais si un juge avait siégé dans la même commission, cette participation était facultative et elle ne découlait donc plus de ses attributions de magistrat. Cela aurait donc dû figurer dans le social. Pour une même commission, les renseignements auraient ainsi figurés dans deux types de données différents.
Devant ces problèmes, il est apparu nécessaire de fusionner les données sociales et professionnelles. Il a aussi semblé indispensable de hiérarchiser les informations. On a d’abord pensé distinguer d’une part, la profession (entendue comme l’activité principale d’une personne à un moment donnée) et d’autre part, les activités (les anciennes données sociales). Malheureusement, il s’est avéré impossible de déterminer dans chaque cas si une fonction était principale ou secondaire. En effet, imaginons une personne qui avant de devenir magistrat était à mi-temps avocat et à mi-temps professeur d’université : ce n’est qu’arbitrairement qu’on aurait distingué le principal de l’accessoire. On a donc dû abandonner l’idée de la distinction systématique entre profession principale et activités secondaires.
Il a finalement été décidé de subdiviser les données socioprofessionnelles en trois sous-catégories : les études, les professions exercées (dans et hors magistrature) et les activités.
Notons – et c’est une des raisons qui justifient cette subdivision – que les données concernant les professions tendront vers l’exhaustivité, tandis que, par manque de sources, celles concernant les activités ne pourront y prétendre.
2.3. Données politiques
Les données politiques recouvrent tous les mandats politiques exercés par les magistrats ainsi que les commissions dans lesquelles ils ont siégé en tant qu’hommes politiques. Là également, il a fallu tenir compte de la dimension évolutive des données. Ainsi en va-t-il notamment des mandats qui n’ont pu être exercés concurremment avec la profession de magistrat que jusqu’à la loi sur les incompatibilités en 1848.
Notons que les commissions extraparlementaires auxquelles des magistrats auraient participé figureront dans les données socioprofessionnelles (étant donné qu’ils y siègent en tant qu’experts et non en tant qu’hommes politiques).
Un des intérêts de ces données politiques est de mettre en lumière l’influence du politique dans les nominations judiciaires.
Les sources relatives à cet objet sont plus difficiles à obtenir. Si le problème ne se pose pas pour les magistrats ayant siégé dans les assemblées nationales, pour les autres les sources sont plus rares. Pour les premiers, les dictionnaires biographiques ainsi que les ouvrages récents dédiés à l’histoire du Sénat et à l’histoire de la Chambre des représentants permettent d’obtenir l’appartenance politique des magistrats ainsi que des renseignements sur leurs parcours parlementaires. Pour les seconds, le fonds du Secrétariat général ne fait que rarement mention de l’appartenance politique. Certains rapports font toutefois exception en faisant ressortir clairement des nominations politiques. Une dernière source est constituée par la presse, laquelle ne manquait pas de mettre en exergue les nominations paraissant partisanes.
2.4. Données relationnelles
Il s’agit ici de prendre en compte les liens de parentés, d’alliances, d’amitié ou d’inimitié entre différentes personnes à un moment donné. On peut déjà observer l’existence de « dynasties » de magistrats ainsi qu’une certaine endogamie au niveau des alliances. Récemment, un quatrième type de lien a été introduit : « le lien intellectuel ». Ce nouveau lien a la particularité de pouvoir relier deux personnes dont l’une peut être décédée au moment où se créé le lien.
Les données relationnelles ne se cantonnent pas seulement aux magistrats, elles embrassent toutes leurs relations : avocats, hommes politiques, militaires, etc.
Le Secrétariat général fait parfois mention des liens familiaux ou d’amitié, notamment au détour de certaines lettres de candidatures où le postulant fait état de ses rapports avec certaines personnes influentes ou rappelle les services rendus au pays par sa famille. Les sources officielles telles que le Moniteur belge indiquent l’existence d’un lien de parenté ou d’alliance entre deux magistrats. Cette mention est faite dans le cadre de l’application de l’article 63 de la loi du 20 avril 1810 et, à partir de 1869, de l’article 180 de la loi du 18 juin 1869 sur l’organisation judiciaire autorisant le Roi à accorder des dispenses afin que deux magistrats parents ou alliés au degré prohibé par la loi puissent siéger dans la même juridiction. Malheureusement, seul le nom du magistrat faisant l’objet de la dispense est mentionné, le magistrat déjà en place et leur lien ne sont pas indiqués.
2.5. Données intellectuelles
Par données intellectuelles, on entend toutes les publications produites par et sur un magistrat. Il s’agira principalement des ouvrages qu’ils auront écrits ainsi que dans la mesure du possible les articles qu’ils auront publiés dans des revues juridiques ou autres.
En 2010, cette partie a été reliée à la partie références : la publication est encodée comme une référence et l’encodeur va simplement la rechercher.
Afin de faciliter leur encodage et vu le développement de la numérisation de documents ces dernières années, une nouveauté a été introduite en 2015 : la référence de type url. Concrètement, si le livre écrit par un magistrat a été numérisé, par exemple par Google Books, il suffirait d’indiquer l’url correspondante et l’utilisateur pourra d’un simple clic avoir accès à la publication numérisée. Il en va de même si le magistrat a déjà sa production littéraire encodée dans un répertoire bibliographique en ligne (ex. le Research Repository présent sur le site Digithemis) : un lien renverra directement à la page correspondante du répertoire.
3. La base de données
Cette partie présente les interfaces d’encodage, d’affichage et de recherche de la base de données.
3.1. Solution informatique retenue
L’application devant être facilement accessible, il s’imposait de créer un site web dynamique. En effet, la possibilité de mettre l’application sur Internet permet aux utilisateurs un accès simple et souple aux données.
Au niveau des technologies utilisées, l’application se base sur le serveur de base de données PostgreSQL pour assurer le stockage des données et sur le serveur web Tomcat Apache pour les interfaces et la présentation des données. Ces deux types de serveurs sont issus du monde du logiciel libre. Ils sont également activement utilisés pour de nombreux projets de petite à moyenne taille par de nombreuses entreprises, gage de stabilité et sécurité. Dès lors, ils représentaient un choix idéal pour le développement de cette application.
Le développement de la base de données de l’application respecte le standard SQL et est donc portable sur la majorité des serveurs de base de données existants. Le développement des interfaces, quant à lui, respecte le format J2EE (actuellement Java Enterprise Edition). L’application se veut portable et elle a été testée sous les environnements Windows et Linux.
L’application ayant été conçue dans l’optique d’être exploitée sur Internet, un système de login et de mot de passe a été mis en place. Cinq niveaux d’accès ont été créés (voir la page « accessibilité »).
3.2. Entités
Du point de vue de la conceptualisation de la base de données, quatre entités sont à distinguer. D’une part, le magistrat, pilier central de ce projet. Ensuite, la composition et l’évolution des juridictions occupent le deuxième pôle important. Les nominations, c’est-à-dire le détail de chaque nomination (candidats, avis, ministre de la Justice en fonction, etc.), forment la troisième entité. Finalement, les sources (appelées également références dans la suite), documents de base d’où sont extraites toutes les informations sur les magistrats et les juridictions, représentent la quatrième entité de ce projet.
Pour chacune de ces quatre entités, l’application permet d’encoder les données et d’effectuer des recherches en vue de l’exploitation de ces dernières.
3.2.1. Le magistrat
Les interfaces d’encodage permettent d’introduire toutes les données relatives à un magistrat : les données personnelles, les données socioprofessionnelles, les données relationnelles, les données intellectuelles et les données politiques. Concernant les recherches, trois types d’interfaces de recherche ont été mis au point. Une recherche simple, une par mots-clef et une détaillée portant sur chaque champ identifié dans la grille d’analyse. Après une recherche, deux interfaces permettent à l’utilisateur l’exploitation des données. La première formate les principales données du magistrat sous la forme d’un « curriculum vitae ». La seconde présente toutes les données encodées du magistrat de manière exhaustive et permet d’enregistrer ou d’imprimer la fiche au format pdf.
3.2.2. Les juridictions
Les interfaces d’encodage des juridictions permettent de représenter tout le contexte institutionnel ainsi que sa dimension évolutive. Au niveau des recherches, il en existe actuellement deux types : une recherche détaillée offrant plusieurs descripteurs et une recherche par arborescence « déroulant » les juridictions par régime politique. La recherche effectuée, les données sont exploitées par une interface présentant la juridiction, son évolution, la juridiction dont elle dépend, les juridictions qui en dépendent et, finalement, les fonctions à pourvoir. Pour chaque fonction, l’utilisateur peut afficher l’évolution du nombre de places ainsi que tous les magistrats qui l’ont occupée avec les dates d’occupation en regard de leur nom.
3.2.3. Les nominations
Cette partie permet d’encoder les détails d’une nomination. Elle reprend :
- La fonction à pourvoir (renvoie aux juridictions)
- La personne nommée (renvoie aux personnes)
- Le nom du ministre de la justice ayant effectué la nomination (renvoie aux personnes)
- Les références du dossier de nomination (renvoie aux références)
- La date de nomination : seul élément à encoder
Il existe trois types de nomination en Belgique, selon le type de fonctions occupées :
- Fonction où le ministre décide seul, sur base d’avis qui lui sont remis par différentes personnes : correspond à « encoder des avis »
- Fonction où le choix du ministre est limité par des présentations faites par une juridiction et par un organe politique (soit un conseil provincial, soit le Sénat) : correspond à « encoder des présentations ».
- Fonction où le ministre n’intervient pas. La personne est nommée par élection à l’intérieur même de la juridiction : correspond à « encoder des nominations par le pouvoir judiciaire ».
A noter : quand il y a présentations, il arrive que le ministre demande des avis sur les personnes qui ont été présentées. Il est donc possible d’avoir et des avis et des présentations.
3.2.4. Les sources
Chaque donnée encodée d’un magistrat ou d’une juridiction doit être liée aux sources dont elle est tirée. Nous avons mis en place un système permettant non seulement d’encoder et de rechercher les sources utilisées dans cette prosopographie, mais également un système d’attache de photographies numériques afin que l’utilisateur puisse se référer à la source originale lors de ses consultations.
3.3. Problèmes rencontrés
Le dépouillement des sources a permis de mettre en évidence de nombreuses difficultés méthodologiques.
3.3.1. Les données manquantes, erronées, redondantes ou contradictoires
Chaque donnée établie dans la grille d’analyse du magistrat et dans le contexte institutionnel peut être manquante, incomplète, redondante ou erronée. Par exemple, d’une source à l’autre, on verra le nom d’une même personne orthographié de différentes façons, avoir plusieurs lieux ou dates de naissance différents, contenir une profession sans date de nomination, …
Pour faire face à ces types de problèmes, l’encodeur peut, pour un même type de donnée, introduire plusieurs fois une même information. Pour chaque information, il peut associer un degré de confiance, les sources qui y sont associées, un commentaire tel qu’il serait présent dans la source original et enfin des observations personnelles qu’il estime devoir ajouter.
En quoi cette façon de procéder permet d’outrepasser les difficultés? Prenons le cas d’une donnée manquante, par exemple une date de naissance. Aucune date de naissance n’a pu être identifiée pour un magistrat, nous laissons donc le tableau vide indiquant l’absence d’information sur cette donnée. Dans le cas d’une donnée erronée, l’encodeur pourra établir un degré de confiance dans l’information via le champ confiance et ajouter la motivation de son choix dans le champ observation si nécessaire. Dans le cas de données redondantes, il lui suffira de cocher plusieurs références dans le tableau des références lors de l’ajout de la date de naissance. Finalement, dans le cas de données contradictoires, il lui faudra encoder plusieurs dates et lieux de naissances en y associant des sources, commentaires et observations différentes.
Lors d’une recherche ou lors de l’affichage du curriculum vitae d’un magistrat, un affichage succinct des données sera utilisé. La première ligne du tableau sera toujours considérée comme la donnée « la plus correcte » et sera donc la seule retenue pour l’affichage.
3.3.2. La question des sources
Chaque information présente dans la base de données finale provient de différentes sources. Le principal problème qui se pose consiste à permettre d’associer une donnée à une ou plusieurs sources. En plus, pour le confort de l’utilisateur, nous avons voulu mettre en place un système d’accès aux sources originales via des photographies numériques. Un module d’encodage et un module d’interrogation pour les références ont donc été mis en place.
Le champ référence du formulaire est composé d’un tableau de sources. Dans l’intitulé, deux liens « Créer » et « Rechercher » permettent d’accéder respectivement à l’interface d’encodage et à l’interface de recherche d’une source. Une fois les sources ajoutées au tableau, soit par création, soit par recherche, l’encodeur coche les sources à attacher à la naissance pour les y associer.
3.3.3. La question des dates
Deux difficultés rencontrées sont liées aux dates. La première concerne la précision et le format des dates qui varient selon les sources et la période étudiée. Le second problème concerne la représentation interne des dates effectives, ante quem et post quem.
Suivant les sources et les années étudiées, le format et la précision de la date varient. Voici une liste de toutes les écritures de dates rencontrées :
- Une date précise : 28/11/1880 ou 28 novembre 1880
- Le mois et l’année : 11/1880
- L’année seule : 1880
- Une approximation de la date : +-1880
- Une date au format républicain : 10 brumaire an X
Il a été nécessaire de trouver une solution informatique pour formaliser tous ces types de dates. Etant peu nombreuses, les dates au format républicain ne sont pas gérées : l’encodeur doit se charger de les convertir via les nombreux outils disponibles gratuitement sur Internet.
4. Apports scientifiques et méthodologiques
Les avantages de cette base de données se situent à un double niveau : celui de la recherche scientifique et celui de la méthodologie.
4.1. Apports scientifiques du projet
4.1.2. La base de données
Parmi les avantages incontestables qu’elle offre aux chercheurs, la base de données permet la centralisation et l’accès aux informations relatives aux magistrats et plus largement au monde judiciaire, voire même au-delà grâce aux données relationnelles. Jusqu’alors les informations biographiques concernant les magistrats étaient largement demeurées inédites et étaient disséminées parmi des ouvrages, des thèses ou des mémoires de licence.
L’accès à la base de données se fait via internet, par l’intermédiaire d’un site sécurisé à l’adresse : Prosopographie (ucl.ac.be)
La base de données offre également l’avantage d’indiquer pour chaque information, le lien à la/aux source(s) utilisée(s). Cette référence précise à la source est généralement absente dans les recueils cités ci-dessus. Il est en outre possible d’attacher à chaque information, une photographie numérique de la source.
Enfin, la base de données est dotée de moteurs de recherche permettant le croisement de nombreuses données.
4.1.2. La liste des magistrats
Nous disposons à présent d’un répertoire des magistrats belges ayant été en fonction entre 1795-1814, 1830-1914, et même au-delà pour certaines juridictions. Auparavant, cette liste n’existait pas ; or, elle représente la condition préalable à toute étude en profondeur de ce groupe social.
4.1.3. Une documentation
Les informations collectées pour la réalisation de la base de données représentent un travail encyclopédique puisqu’elles embrassent tous les champs de l’organisation judiciaire. Par ailleurs, au-delà des informations biographiques contenues dans la base de données, l’utilisateur sera en même temps renseigné sur le contexte politique, institutionnel et social de l’époque.
4.1.4. Un colloque et plusieurs journées d’étude
Une journée d’étude s’est déroulée le 11 février 2005 aux Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles avec comme invité Vincent Bernaudeau, docteur en histoire contemporaine de l’Université d’Angers. Celui-ci a présenté les apports de sa thèse « Magistrats et juges de paix en Maine-et-Loire 1848-1906 » à travers une conférence intitulée : « La prosopographie des élites étatiques, ses apports et ses limites : jalons d’une réflexion méthodologique ».
Un colloque international « Les praticiens du droit du Moyen-Age à l’époque contemporaine. Approches prosopographiques » a été organisé du 14 au 16 décembre 2006 aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur. Les actes de ce colloque ont été publiés en 2008 aux Presses universitaires de Rennes.
Une journée d’études « Droit et justice coloniale en Afrique. Traditions, productions, réformes » a été organisée aux Facultés universitaires Saint-Louis le 4 mai 2012.
Voir également la page « Publications et colloques ».
4.1.5. « Tag »
Toute personne qui entre des informations dans la base de données a la possibilité de « taguer » ses données. Autrement dit, chaque personne pourra « marquer » ses données de telle façon à ne pouvoir afficher que ce qu’elle a encodé. Comme il est à supposer que la plupart du temps, une personne n’aura encodé que des informations qui l’intéresse pour une recherche spécifique, elle pourra ainsi facilement travailler sur « ses » données sans devoir formuler une requête complexe.
4.2. Apports méthodologiques du projet
4.2.1. L’intégration de la dimension évolutive des données
Le caractère fragmentaire des sources auquel s’ajoute la dimension évolutive de la plupart des données, ont conduit à l’implémentation d’un système distinguant date effective, date post quem et date ante quem. Du point de vue informatique, un système d’uniformisation des dates a été conçu afin d’effectuer les recherches avec un degré maximum de précision.
4.2.2. Préparation de la base de données à une extension
La base de données a été conçue dans l’optique d’une extension future à d’autres périodes ou à d’autres catégories sociales comme les avocats. Son schéma conceptuel peut en effet être adapté à d’autres corps sociaux. Toute la réflexion exposée ci-dessus en ce qui concerne la dimension évolutive des données vaut pour tout travail similaire. En ce domaine, ce projet de recherches constitue en projet pilote.
5. Migration et mise à jour
En 2019, l’application “Prosopographie” fait l’objet d’une troisième refonte. À l’origine conçue pour la magistrature « belge » (1830-1914), la base de données avait déjà fait l’objet de deux extensions, en 2010 et en 2015, afin notamment d’accueillir la magistrature coloniale. En 2019, les initiateurs du projet veulent créer un outil « générique » qui puisse servir pour étudier d’autres professions (avocats, enseignants, etc.), sur un territoire plus large que la Belgique (ex. : les différents territoires annexés par Napoléon c’est-à-dire les actuels Pays-Bas, Allemagne, Italie, etc.) afin d’en faire une « Prosopographie et répertoire du monde judiciaire (1795-1960) ».