Chapitre II : Écoulement uniforme

4. Forme optimale d'un canal

En conclusion de cette première partie du didacticiel, consacrée au régime uniforme, cette cinquième leçon va aborder la délicate question de la recherche d'un profil de canal "optimal".

Théorie

Exemples

Exemple du déversoir

Imaginons que l'on doive dimensionner le déversoir d'un barrage. Pour cela nous avons besoin de savoir à quel débit maximum devra fonctionner le déversoir (débit centennal ou millénial par exemple). Connaissant ce débit, il nous faut déterminer la section adéquate pour le faire passer. Pour cela, nous pouvons jouer sur deux paramètres : la largeur du déversoir et la hauteur de lame d'eau que l'on peut accepter.

Point de vue LARGEUR, selon vous, il vaut mieux :

Correct ! Au plus le déversoir sera large, au plus il coûtera cher (en excavations, en béton, en revêtement...)
Faux ! Au plus le déversoir sera large, au plus il coûtera cher (en excavations, en béton, en revêtement...)

Il vaut donc mieux un déversoir étroit pour des questions de coûts...


Point de vue HAUTEUR DE LA LAME D'EAU, selon vous, il vaut mieux :

Faux ! La hauteur de la lame d'eau dans le déversoir détermine la sur-hauteur (hauteur du barrage au dessus du niveau normal de retenue) à donner au barrage et donc également son coût..
Correct ! Car la hauteur de la lame d'eau dans le déversoir détermine la sur-hauteur (hauteur du barrage au dessus du niveau normal de retenue) à donner au barrage et donc également son coût..

Il vaut mieux une hauteur de lame d'eau sur le déversoir petite afin de ne pas devoir augmenter la hauteur du barrage et donc son coût...


Ces deux objectifs sont-ils compatibles ?

Faux ! Plus le déversoir sera étroit, plus il faudra une hauteur de lame d'eau élevée pour faire passer le débit que l'on s'est fixé ! Ce qui n'est pas compatible avec notre deuxième objectif... (et inversement)
Correct ! Plus le déversoir sera étroit, plus il faudra une hauteur de lame d'eau élevée pour faire passer le débit que l'on s'est fixé ! Ce qui n'est pas compatible avec notre deuxième objectif... (et inversement)

En conclusion, ces deux objectifs sont contradictoires, il nous faut donc chercher le couple [largeur du déversoir, hauteur de la lame d'eau] optimum.

Cas des canaux

Dans le cas d'un évacuateur de crue, la contrainte imposée est de faire passer un débit donné avec un coût minimum. Les deux objectifs à atteindre (lame d'eau faible et déversoir étroit) sont contradictoires, il nous faut donc chercher un optimum.

Le problème est exactement le même dans le cas d'un canal d'irrigation... Si le canal d'irrigation est creusé dans le sol, deux éléments de coût vont intervenir :

  • Le coût d'excavation qui est d'autant plus grand que l'aire mouillée du canal A est grande,
  • Le coût de revêtement et d'étanchéité qui augmente, lui, avec le périmètre mouillé P.

Le débit est imposé par les contraintes de l'irrigation. Il vaut, pour un écoulement uniforme :

ou encore en exprimant le rayon hydraulique :

On voit que l'on ne peut satisfaire en même temps la minimisation de A et de P. Il convient donc de poser le problème autrement par exemple en fixant A, et en minimisant P pour maximiser le débit, ce qui revient au même.

Posé sous cette forme, le problème devient un problème de maximisation du rayon hydraulique R.

Sections optimales

Section circulaire

Cherchons maintenant la forme de section qui répond à l'optimum décrit : pour une aire mouillée fixée, minimiser le périmètre mouillé, et donc maximiser le rayon hydraulique.

Nous devons donc chercher la forme de section donnant le plus petit P pour un A donné. Nous savons que c'est le cercle qui satisfait à cette condition. De plus, le rayon hydraulique d'un cercle est identique à celui d'un demi-cercle (attention de ne pas confondre rayon du cercle et rayon hydraulique : le rayon hydraulique d'un cercle vaut la moitié du rayon géométrique du cercle).

Le rayon hydraulique vaut :

C'est donc la forme idéale pour faire passer le plus grand débit dans la section ayant le plus petit périmètre. Cependant cette forme n'est réalisable que pour des canaux artificiels en béton ou en asbeste-ciment (petits canaux d'irrigation par exemple). Les grands canaux seront eux de forme trapézoïdale ou rectangulaire.

Section trapézoïdale

La section trapézoïdale est définie par trois éléments :

  1. La largeur au plafond l ;
  2. La profondeur d'eau h;
  3. La pente de talus :

Ce dernier paramètre est souvent imposé par la nature du sol ou du revêtement et n'est donc que rarement un élément de choix économique. C'est donc à partir des paramètres l et h que la section optimale sera définie.


Nous pouvons calculer l'aire et le périmètre mouillé de ce trapèze :

Pour maximiser R = A/P pour une aire donnée, nous pouvons poser :

  1. dA = 0 puisque A est une constante ;
  2. dP = 0 puisque P est minimal.

ce qui se traduit par les deux équations en l et h :

dont on tire, en éliminant dl puis dh :

Ce qui nous donne la relation entre l et h :

ou encore, en remplaçant l/2 par OF, h(1 + p²)1/2 par CD et ph par FD :

Boutons "Montrer sur la figure"

soit encore :

Le triangle ODC est donc isocèle et ses hauteurs sont égales :

Boutons "Montrer sur la figure"

Le profil trapézoïdal optimal est donc circonscrit à la demi-circonférence de rayon égal à la profondeur h et dont le centre est sur l'axe de la surface libre.


Boutons "Montrer sur la figure"

En utilisant la valeur de l tirée de sa relation avec h, on retrouve les expressions de A ,de P et de R :

Nous remarquons que la valeur de R est indépendante de la pente de talus p. De plus, notons que l'on retrouve le même rayon hydraulique que pour la section semi-circulaire inscrite dans le trapèze.

Section rectangulaire

Cette section n'est qu'un cas particulier de la section trapézoïdale avec une pente de talus p = 0. On en déduit que la section optimale correspond à la condition :



Dans la pratique, le problème n'est pas aussi simple. Les solutions trouvées ci-dessus correspondent à des hauteurs d'eau assez élevées et conduisent donc à certains désavantages :

  • Terrassements en profondeur fort coûteux
  • Charge d'eau importante sur le fond : risque d'infiltration d'eau et de fuites
  • Stabilité des parois plus difficile à réaliser

Ces considérations conduisent à choisir, dans la pratique, des profondeurs plus faibles que celles qui sont calculées par les formules théoriques ci-dessus.

Lorsque le dimensionnement du canal est réalisé, il est intéressant de vérifier la vitesse moyenne. Si elle est trop faible, il y a un risque de formation d'algues, si elle est trop grande, il y a risque d'érosion des parois du canal.


La page "illustrations" vous proposera un exemple de calcul d'une section optimale. Deux exercices à choix multiples concluent la leçon.