9. Quels intérêts présentent les tourbières ?
9. Quels intérêts présentent les tourbières ?
A. Intérêts scientifiques (rappels)
1. Paléontologique
La tourbe, grâce à sa composition chimique particulière, permet de conserver intacts des objets, des restes végétaux, animaux ou humains. Ces fossiles relatent l'histoire et la vie ancestrale d’une région.
Les grains de pollen, très résistants et facilement identifiables, permettent de reconstituer le paysage végétal ainsi que les climats qui existaient à différentes périodes.
Les restes animaux ou humains nous renseignent sur les conditions de vie de nos ancêtres et leurs pratiques agricoles, pastorales ou artisanales.
Certaines tourbières ont également restitué des cadavres dans un parfait état de conservation, momifiés, tannés par la tourbe, datant du début de l'ère chrétienne (il y a 2 000 ans), de l'Age du Fer (il y a 3 000 ans) ou même du Bronze (il y a 3 800 ans).
2. Botanique et zoologique
Ce sont des milieux relictuels. On trouve dans les tourbières une flore et une microfaune venues des pays froids, réfugiées là depuis la fin des glaciations, il y a environ 12 000 ans. Ce sont des « morceaux de Laponie » isolés qu'il est nécessaire de sauvegarder car ce sont des musées vivants. Les tourbières abritent de nombreuses espèces rares ou en voie de disparition qu'il est urgent de préserver car elles présentent de nombreuses particularités originales (Drosera rotundifolia, Andromeda polifolia, Lycopodiella inundata, Empetrum nigrum, Aeshnea subarctica, Somatochlora arctica, Boloria aquilonaris….). Sur les 80 espèces végétales croissant dans les tourbières d'Ardenne belge, 7 sont protégées en Région wallonne.
B. Intérêts économiques
D'immenses quantités d'eau sont piégées dans la masse de tourbe, au moins autant que dans un barrage. On a longtemps pensé que cette eau était lentement redistribuée aux cours d'eau, selon les besoins. En fait, il s'agirait plutôt d'une eau fossile, prisonnière de la tourbière depuis sa création, c'est-à-dire depuis 10 à 15 000 ans ! Néanmoins, pendant la saison humide, les tourbières peuvent absorber une certaine quantité d’eau et la restituent progressivement par leurs déversoirs (ruisseaux) : elles permettent une certaine régulation du débit des sources et des cours d'eau mais ne peuvent en aucun cas être considérées comme des « bassins d’orage » !
C. Intérêts paysagers
Ilots de pays nordiques enclavés par des plantations d’épicéas ou des forêts, les tourbières présentent un intérêt paysager incontestable. Leurs couleurs et leurs variations au fil des saisons enchantent les visiteurs. Les tourbières sont les seuls milieux encore « naturels » de nos régions. Nous avons tous le droit de les contempler, d’aller y rêver... L'exploitation touristique de tels paysages peut constituer un apport intéressant pour la région. Cependant une fréquentation sauvage de ces milieux met en grave danger la faune et la flore locale. Un encadrement strict de l’accès à ces sites et une valorisation adéquate (chemins en caibottis, points ou tours d’observations, …), sont les garants d’une valorisation touristique durable des tourbières.
D. Exploitation de la tourbe
La tourbe a été le seul combustible des européens du Nord et de l’Est et de certains montagnards jusqu'après la seconde Guerre mondiale. En Irlande, Écosse, France, Allemagne, dans les pays scandinaves, ou ici en Belgique, un peu partout, les paysans pratiquaient le tourbage familial avec les mêmes gestes.
Famille Huet au tourbage, Grand Passage, Tailles, août 1942
Photo : R. Huet
Dès la fonte des neiges, on allait dans la tourbière. Après avoir décapé la couche végétale supérieure, on coupait des blocs de tourbe à la bêche qu'on étalait à terre ou qu'on dressait en tas pour le séchage.
Trouffeur au travail.
Photo : E. Dauchot, extraite du livre « Ardenne bien aimée», Duculot 1976
Empilement des mottes de tourbe afin d’accélérer le séchage durant l’été.
Photo : E. Dauchot, extraite du livre « Ardenne bien aimée», Duculot 1976
On pratiquait des techniques appropriées différentes selon les régions et les types de tourbières. Quand la tourbe avait séché tout l'été, on la rentrait. Elle alimentait poêles et cheminées pendant tout l'hiver. En tourbière basse, le trou d'exploitation se remplissait d'eau et était vite envahi par la végétation pionnière. En tourbière haute, le front d’exploitation restait en place d’une année à l’autre.
D'une manière générale, en Belgique, la tourbe extraite a servi à couvrir les besoins domestiques. Par exemple, sur les communes de Samrée, Odeigne et Bihain (plateau des Tailles), l'exploitation, en régression vers 1912, a cessé vers 1920 pour reprendre momentanément au cours de la seconde Guerre mondiale. La Grande Fange (Bihain, Vielsalm) quant à elle, a été entièrement détourbée au profit de l'abbaye de Stavelot.
Aujourd'hui en Europe ou en Amérique du Nord, l'exploitation industrielle des tourbières pour en sortir un produit horticole est beaucoup plus ravageuse ! Les horticulteurs et les maraîchers ont recours à la tourbe pour améliorer les sols des jardins (ce qui est inutile, voir définition de la tourbe) ainsi que pour les cultures ou les semis en pots.
Zone d’exploitation de tourbe en Finlande.
Photo : Pascal Ghiette