10. Pourquoi les tourbières sont-elles menacées ?
10. Pourquoi les tourbières sont-elles menacées ?
A. Surexploitation de la tourbe
Aujourd'hui, l'exploitation industrielle des tourbières pour en sortir un produit horticole est ravageuse ! Le travail se fait avec des engins qui décapent toute la couche de tourbe. En Grande-Bretagne, 1,76 million de m3 de tourbe sont extraits chaque année. Après exploitation, le milieu devient un plan d'eau stérile sans aucune possibilité de réhabilitation.
Vue aérienne d’une zone d’exploitation commerciale de tourbe. La majeure partie de la tourbière est dépourvue de végétation.
Photo : L. Gill, extraite du livre «Bogs: the ecology, classification and conservation of ombrotrophic mires», R. Lindsay, 1995, Scottish Natural Heritage, Perth
Utilisez donc des produits de remplacement tout aussi efficaces tel que le compost issu de déchets alimentaires !
B. Le drainage
Le drainage a été utilisé de manière systématique dès le 19e siècle et de manière très intense (drains tous les 5 mètres !) pour la « mise en valeur » forestière, surtout pour permettre la plantation d'épicéas.
Or les conditions écologiques, sol acide, asphyxiant et pauvre en sels minéraux, sont trop défavorables pour envisager cette « mise en valeur » forestière des tourbières.
C. La sur-fréquentation humaine
Le piétinement des promeneurs, les bruits, les déchets sont autant de facteurs directs dégradant la tourbière. Les gaz d'échappement ou les sels de déneigement font partie des pressions touristiques indirectes et tout aussi néfastes en cas de sur-fréquentation. Les Hautes Fagnes, par exemple, accueillent entre 150 000 et 300 000 visiteurs chaque année sur seulement 4 000 ha de zones tourbeuses !
D. Les pollutions
La pollution atmosphérique a augmenté de façon notoire (dépôts solides et liquides, minéraux ou organiques et en particulier l’eutrophisation par les dépôts atmosphériques azotés). Or les organismes de la tourbière incorporent et concentrent les produits toxiques (PCB, métaux lourds) et l'excès d'azote eutrophise les eaux et déséquilibre la tourbière. Par exemple, les Hautes Fagnes reçoivent près de 20 kg par ha et par an d'azote sous forme nitrique ou ammoniacale et les tourbières du centre des Pays-Bas jusqu'à 150 kg !
E. Les incendies
La destruction à la suite d'incendies, parfois gigantesques (jusqu'à 5 000 ha d'un seul tenant) est catastrophique et détruit complètement la tourbière si la tourbe entre en combustion.
Des drains ont été creusés pour éliminer l’excès d’eau en surface, de jeunes plants d’arbres sont repiqués
Photo : R. A. Lindsay, extraite du livre «Bogs: the ecology, classification and conservation of ombrotrophic mires», R. Lindsay, 1995, Scottish Natural Heritage, Perth
Une tourbière des Hautes Fagnes dévastée par un gigantesque incendie en 2011.
Photos : Pascal Ghiette
Les épicéas se développent mal sur les tourbières et sont plus sensibles aux maladies. En général, ces plantations forestières ont un faible rendement. La végétation typique de la tourbière a disparu.
Photo : A.-L. Jacquemart; sud de la Fange aux Mochettes, Samrée
Pour des raisons qui semblent dépendantes de l’activité humaine (fauchage, détourbage, drainage), des siècles passés à nos jours, d’importantes zones de tourbières sont devenues inactives. Ces modifications des conditions hydrologiques superficielles ont provoqué la disparition des groupements caractéristiques, à base de sphaignes et de linaigrettes, et ont permis l’extension d’une graminée normalement quasi absente de ces milieux : la molinie (Molinia caerulea). Cette graminée se développe en touradons dits « tiesses di mwerts » (têtes de morts). Les feuilles desséchées sont très combustibles et sont à l’origine d’incendies se propageant très rapidement. Les bourgeons de molinie, protégés dans les touradons, résistent parfaitement au feu, le reste de la végétation est détruit, ce qui permet l’extension de la molinie ! Cette espèce compétitrice est également favorisée par l’eutrophisation.
Tourbière envahie de Molinie (Molinia careulea). Les autres espèces, étouffées, ne peuvent plus se développer.
Photo : A.-L. Jacquemart, vue printanière de la Fange aux Mochettes, Samrée
Eutrophisation, n. f. = excès de nutriments et en particulier d’azote (et de phosphore) entrainant un déséquilibre nutritionnel des sols et des eaux .