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Comment les élites africaines légitiment leur pouvoir: l’importance de la formation pour la branche africaine du Lions Club.
par Jean-Frédéric de Hasque. Le Lions Club International est une organisation implantée dans plus de 200 pays grâce à 45 000 clubs. Le recrutement et la formation des membres sont des objectifs qui concernent tous les clubs pour accomplir les actions philanthropiques ou la récolte de fond (de Hasque 2017). Sans administration ni comptabilité gérée (bénévolement) par les membres, il serait impossible de mener à bien des projets et d’utiliser à bon escient les sommes allouées à cet effet. Pour les Lions Clubs d’Afrique de l’Ouest, la formation des membres revêt une importance particulière, c’est un enjeu stratégique à l’aube de la création de la branche Africaine du Lions Club. Pour atteindre ce but, qui se concrétise en mai 2019, les effectifs africains ont dû augmenter considérablement. Dans un pays comme le Bénin (où j’ai enquêté de 2010 à 2015) ceux-ci ont gagné 50 à 100 membres par an entre 2010 et 2015, passant de 900 à 1500 membres, et devenant de cette manière un poids lourd du continent. Le Lions Club International existe depuis 1917 et apparaît en Afrique après la seconde guerre mondiale. Les premiers clubs sont créés et dirigés par des européens mais intègrent rapidement, en Afrique de l’Ouest, la jeune élite locale.…
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Antoine Laugrand « Des nomades à l’arrêt » Corps, lieux et cosmologie des Blaan de Malbulen (Philippines)
Un livre Antoine Laugrand dans la collection « Anthropologie propective » (éditions Académia). Antoine Laugrand est doctorant, membre du Laboratoire d’anthropologie prospective à l’UCLouvain. Il mène des recherches sur les savoirs des montagnards aux Philippines et les relations qu’ils entretiennent avec leur environnement et leurs non humains. En tant que co-éditeur il a travaillé sur une série Verbatim de douze livres bilingues sur les savoirs des Ibaloy, des Blaan et des Alangan (https://pul.uclouvain.be/collection/?collection_id=116). Il a également publié comme auteur et co-auteur des articles sur les rituels, les chevaux, les oiseaux et les serpents, les chauves-souris, et les cochons dans des revues canadiennes, hollandaises, françaises, anglaises, philippines, et japonaises. Comment une société nomade et sans chef se transformerait-elle si, plutôt que de pratiquer la chasse et la vendetta, elle se mettait à cultiver du riz, du maïs et du café, à occuper un territoire, et à s’organiser sous la tutelle de l’État ? L’auteur a suivi la trace des Blaan de Mindanao (sud des Philippines) et marché avec eux pendant plus de dix mois pour tenter d’y répondre. Des montagnards en cavale Il y a encore moins d’un siècle, les Blaan habitaient les plaines et les collines de l’île de Mindanao, côtoyant une…
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La socialisation sexuée par le mouvement dansé : du formatage du corps à l’enfermement dans la prison du modèle féminin
Par Héloïse Gonnissen, assistante de recherche au Laboratoire d’anthropologie prospective (LAAP), UCLouvain En Europe occidentale, la pratique de la danse chez les enfants, et plus particulièrement chez les petites filles, est un loisir très répandu. L’école de danse leur offre la possibilité de s’exprimer autrement, de construire un langage par le corps permettant d’extérioriser ce qui ne peut être mis en mots. Elle constitue en outre un lieu de refuge, hors des préoccupations de la vie quotidienne, un espace de reconnaissance où l’on peut partager sa passion, renforçant le sentiment d’appartenance. L’école de danse est enfin une instance de socialisation corporelle[1] très importante. Cependant, cette socialisation est également sexuée. Les jeunes danseuses s’enferment alors fréquemment, à leur insu, dans un modèle féminin fixe dès leur plus jeune âge et jusqu’à l’adolescence. Un formatage dès le plus jeune âge En effet, pratiquer la danse[2] permet la construction d’une certaine forme de socialisation, vecteur d’intégration corporelle de normes sociales, de codes d’une culture, et de mise en relation avec autrui. Mais plus implicitement, cette socialisation est également genrée, tendant à construire un univers de normes et de codes qui sont à adopter par les filles et les garçons. Une forme de « division…
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Ecouter le quartier Européen.
Une tentative d’ethnographie par les sons. Par Etienne Dalemans et Gabrielle Fenton Que peut-on apprendre sur le quartier Européen et ceux qui l’investissent lorsque l’on prête attention à ses espaces sonores ? A travers ce podcast de 12 minutes, nous vous emmenons pour une promenade sonore dans les rues du quartier européen. Nous y suivons les sons tels des pistes d’investigation de l’anthropologue et réfléchissons autour de ces sons aux modalités d’une écoute ethnographique. Ce podcast a été confectionné dans le cadre d’un workshop de la Chaire d’Anthropologie d’Europe Contemporaine sous la guidance de Marie Baltazar et Laurent Legrain et avec la participation de Faustine Bertin, Etienne Dalemans, Gabrielle Fenton, Eléonore Haddioui, Julie Hermesse, Céline Janssens, Julia Lareau, Camille Pée, Mathilde Pozza et Alice Truyffaut. Bibliographies mentionnées dans le podcast : Ingold Tim, 2007, “Against soundscape”, in E. Carlyle (ed.), Autumn Leaves: Sound and the Environment in Artistic Practice, Paris, Double Entendre, 10-13. Schafer Murray R., 1977, The Soundscape. Our Sonic Environment and the Tuning of the World, Rochester, Destiny books. (Introduction : 3-12)
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Deux thèses défendues en décembre au LAAP !
Ce n’est jamais anodin de défendre une thèse. Encore moins en ces temps de pandémie. Nous sommes donc particulièrement fiers d’annoncer que le Laboratoire d’anthropologie prospective a eu le bonheur de voir deux doctorantes défendre leur thèse avec succès en décembre dernier ! Le 15 décembre, Chenna Wang a défendu une thèse intitulée « Cross Border Services on Global Consumer Goods. An Ethnographic Study of How Chinese Daigou Sell their Labor to Chinese Clients ». Le 21 décembre, Marie-Noël Cikuru a défendu une thèse intitulée « De la violence aux servitudes : ces corps combustibles des marchés de la modernité au Kivu, à l’Est de la RDC ». Encore félicitations à elles pour ce bel accomplissement !
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Accéder au terrain et pratiquer l’ethnographie en temps de pandémie
Un compte-rendu de Gabrielle Fenton, Julie Hermesse et Gloria Michiels Qu’en est-il du terrain en ces temps de catastrophe sanitaire et de distanciation physique ? Nous résumons ici les échanges d’un workshop où, à travers des réflexions d’ordre méthodologique sur notre pratique ethnographique, nous en venons à débattre autour de questions épistémologiques liées à notre conception du terrain. Si nos explorations anthropologiques nous aident à décentrer notre regard pour mieux comprendre la pandémie et ses conséquences, comment s’y prendre pour collecter des données alors que la pratique même de l’ethnographie est radicalement bouleversée voire est contrainte à l’arrêt sur image, pour la conduite de nombreux terrains ? Cela fait plus d’un an que ces questions ne cessent de tarauder de nombreu.se.x anthropologues. Et c’est avec une grande soif de réflexion collaborative que nous – une douzaine de membres de la Chaire AEC et du LAAP – nous sommes réunis en ligne pour les aborder. Le débat s’est construit autour de nos propres expériences mais également en dialogue avec des écrits d’anthropologues (à titre d’exemple : Rutherford, 2020 ; Boukala et Cerclet, 2020 ;Sourdril et Barbaro, 2020). Si la problématique de base est d’ordre méthodologique, ses retentissements déclenchent des enjeux dont l’ampleur nous semble bien plus vaste…
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Pandémie et tourisme de masse : les Tao face à des crises environnementales identitaires
Par Julien Laporte, doctorant en sciences politiques et sociales à l’Université Catholique de Louvain. Avant même que la Covid-19 n’atteigne l’Europe, en janvier 2020, Taïwan décida de la fermeture de ses frontières internationales, créant ainsi une concentration inattendue de visiteurs sur le territoire des Tao. Depuis 2020, les membres de la communauté ne peuvent qu’observer les conséquences de ce tourisme de masse qui menace la population locale. Pongso no Tao, qui se traduit par “l’Île des Hommes” en ciriciring no tao, la langue des Tao, est un archipel de 45 km2situé au sud-est de Taïwan. Également appelée l’Île aux Orchidées, ce territoire appartient aux Tao (Yami), une communauté autochtone dont les 5 000 âmes humaines sont réparties entre 6 villages côtiers qui vivent, pour la plupart, des activités ichtyologiques, agricoles et touristiques. Depuis la fin des années 1970, les Tao se battent contre des injustices environnementales de taille. Cherchant un lieu propice pour se débarrasser des déchets des centrales nucléaires situées sur l’île de Taïwan, le territoire des Tao s’est vu réquisitionné par le régime du président Chiang Ching-kuo (蔣經國), avec la participation du Conseil de l’Énergie Atomique (AEC) et de la compagnie d’électricité Taipower (Taiwan Power Company). Ayant obtenu l’accord…
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La chauve-souris, responsable du Coronavirus? Pas sûr !
par Frédéric Laugrand, chercheur au sein du Laboratoire d’anthropologie prospective, professeur à l’UCLouvain Depuis le début de la pandémie, la chauve-souris est accusée d’avoir transmis le virus du SARS-Cov-2 à l’humain. Vrai ? En dépit d’un génome dont la structure est à 96% identique, aucune preuve scientifique ne permet encore de l’affirmer avec certitude. Par contre, le chiroptère pourrait être un allié précieux pour lutter contre le désastre écologique que nous vivons. Certains peuples autochtones des Philippines et d’Océanie vivent depuis longtemps avec la chauve-souris. Ils la respecte. L’anthropologue Frédéric Laugrand a rencontré plusieurs de ces ethnies. (dessein de Diniaté Pooda, in Miclèle Cros ) Pourquoi les chauves-souris sont-elles montrées du doigt aujourd’hui? « Dans n’importe quel type de crise ou de pandémie, la recherche d’un coupable est un réflexe, une réaction typique de la sidération. Assommés par ce qu’ils vivent, les gens tentent de trouver un bouc émissaire », explique Frédéric Laugrand, chercheur au sein du Laboratoire d’anthropologie prospective de l’UCLouvain. La chauve-souris a réveillé un imaginaire profondément ancré dans nos esprits. Elle apparait depuis longtemps comme monstrueuse et maléfique. Pour des raisons physiologiques et biologiques, la chauve-souris est, certes, une espèce réservoir de nombreux virus transmissibles à l’homme comme la rage,…
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Relations familiales à distance dans l’île de Boa Vista au Cap-Vert
« Si loin et si proche » Familles et circulation dans l’île de Boa Vista au Cap-Vert, le livre d’Andrea Lobo, anthropologue africaniste de l’université fédérale de Brasilia, disponible en français, dans la collection Anthropologie prospective (LAAP), Academia. Andréa Lobo est titulaire d'un doctorat en anthropologie sociale. Elle est actuellement professeur à l'Université de Brasilia (UnB). Elle est chercheuse et coordinatrice du Laboratoire des "Etudes en Ethnologie dans les Contextes Africains" (ECOA) et du Groupe de Recherche "Ethnographie des Circulations et Dynamiques des Migrations" (MOBILE). Mène des recherches au Cap-Vert depuis la fin des années 1990 sur l'organisation familiale dans des contextes de flux de personnes, d'objets et de valeurs; genre; migrations et mouvements mondiaux. Elle est l'auteur de livres et de plusieurs articles sur la société capverdienne. Si loin et si proche (Boa Vista, Cap-Vert) Comment vivre des relations familiales à distance ? Les membres d’une famille vivent parfois, pendant de longues années, dans différents pays. Comment partagent-ils leur amour et entretiennent-ils les liens de proximité, malgré la distance ? Le livre d’Andréa Lobo nous présente la société du Cap Vert, petit archipel africain perdu au milieu de l’Atlantique, structurée sur la mobilité migratoire. À partir des récits de familles rencontrées sur l’île…
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Femmes invincibles et résistantes au sein de la résistance locale Maï-Maï
Kalambi BISIMWA BULANGALIRE (doctorant en Sciences Politiques et Sociales à l’UCLouvain et Chercheur au Laboratoire d’Anthropologie Prospective (LAAP) ; travaille sur les violences de genre et les conflits au Sud-Kivu (Bukavu et Uvira) L’est de la République démocratique du Congo est un espace propice aux violences armées et communautaires. Cet espace est le lit de prédations, d’exploitations illégales des minerais de sang, de viols massifs et de rébellions étrangères et locales des groupes armés. Plusieurs chercheurs analysent les liens entre les conflits, les groupes armés et les statuts des femmes. Leurs conclusions se rallient derrière le paradigme unidirectionnel des ‘femmes victimes’ pendant et après le conflit. Ce paradigme analyse la féminité sous la posture de viols des femmes comme outils de guerre. Cependant, des ethnologues féministes mettent à l’épicentre de leurs réflexions la réhabilitation des femmes comme actrices sociales (Mathieu,1985 : 7). Notre constat empirico-théorique montre également les limites d’une appréhension des femmes congolaises comme étant uniquement victimes. Ce regard empirique intègre de nouvelles pistes de recherche qui articulent deux postures : le paradigme de ‘femme victime’ et celui de ‘femme actrice’ dans la résistance locale Maï-Maï. Ces lunettes socio-anthropologiques permettent de saisir la complexité des jeux d’acteurs dans les violences armées.…