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« Là où le soleil ne brûle pas » de Jacinthe Mazzocchetti: une ethnofiction sensible de vécus pré-migratoires.
Jacinthe Mazzocchetti est anthropologue (LAAP), mais aussi autrice de recueil de nouvelles (La vie par effraction paru aux Éditions Quadrature) et de romans. Interview de Jacinthe Mazzocchetti par Chloé Allen. C. A. : Votre roman – Là où le soleil ne brûle pas (Academia/Littérature, 2019) – est un roman, ou les voix, les histoires et trajectoires se mêlent, s’entremêlent pour raconter le départ de quatre jeunes africain.e.s qui quittent le continent africain, au départ de la Lybie pour rejoindre l’Europe. Ces histoires se nourrissent l’une l’autre et amènent peu à peu le lecteur ou la lectrice à se rendre compte de l’incroyable singularité des parcours et raisons de départ. Elles nous disent aussi les enjeux sociopolitiques et économiques sous-jacents qui amènent ces quatre personnes à se retrouver sur le même bateau. Ensemble ces voix deviennent un chant, celui du désir de changement de jeunes africain.e.s en quêtes d’horizons, d’espoir, un chant bafoué aussi par l’Europe et ses politiques migratoires. La quatrième de couverture explicite qu’il s’agit d’un roman choral, qu’entendez-vous par là ? Pourriez-vous brièvement nous parler de ces quatre personnages et ce qui les relie ? J. M. : Un roman choral est un roman où des histoires sont racontées en miroir les unes des autres,…
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Un nouveau livre dans la collection « Investigation d’anthropologie prospective »
Edité par Alice Sarcinelli, Fanny Duysens et Elodie Razy, le livre « Espaces pluriels de la parenté. Approches qualitatives de (re)configurations intimes et publiques dans le monde contemporain » vient de paraître aux éditions Academia-l’Harmattan dans la collection « Investigations d’anthropologie prospective » « Comment comprendre les relations et les catégories de la parenté dans le monde contemporain? Là où le sens commun voit parfois de véritables «révolutions» dans les changements à l’oeuvre, l’ouvrage montre les nuances de diverses (re)configurations dans les espaces intimes et publics sur des thématiques allant de l’inceste à la procréation médicalement assistée, des sans-papiers au polyamour, de l’Algérie au Mexique en passant par la Belgique et la Corée.«
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Un film remarqué
Réalisé par Vanessa Gérard, Philippe Bonneels, et Denise Palermo dans le cadre de l’Atelier de films anthropologiques supervisé par Jean-Frédéric de Hasque, le film « La journée d’une infirmière à domicile » a fait l’objet d’un article dans le mensuel Agora, le journal de l’infirmier(e) belge. Le numéro de décembre 2020 met en avant la qualité immersive du film de 20 minutes : »Une vie décrite sans effets spectaculaires, traitée et filmée avec les proches et les patients et où l’ambition est de placer le spectateur en immersion dans la réalité des relations vécues lors des soins à domicile ». Encore bravo à eux et à tous les étudiants pour ces travaux de qualité réalisés dans des conditions difficiles.
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L’économie des grands barrages (Ziga) L’invention d’une paysannerie sans terre au Burkina Faso
par Romaine Konseiga. Autour du barrage de Ziga, à proximité de Ouagadougou, au Burkina Faso, se met en place un processus de dépossession et d’appropriation des terres paysannes par l’État et les élites locales et nationales. Cet article relève les conséquences sur la société paysanne moaga.
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Le maraîchage biologique sur petite surface en 5 objets
Le maraîchage biologique sur petite surface est un métier complexe. Il l’est d’autant plus lorsqu’il est pratiqué au sein d’une coopérative. A travers cinq objets, je vous propose de découvrir la vie d’une petite coopérative de 6 maraîchers située en région wallonne et cultivant un peu moins 1,5 hectares selon les principes de l’agroécologie. OBJET 1 : Le plan de culture Tout d’abord, le plan de culture. Au sein de la coopérative, la totalité de la saison de production est résumée à travers un document appelé le « plan de culture ». Celui-ci reprend, sous forme d’un tableau EXCEL les différents jardins de la coopérative, les différentes serres et, à l’intérieur de ceux-ci, les différentes planches, à savoir des bandes d’un mètre à un mètre trente de large consacrées à la culture d’une seule variété de légumes. Le plan de culture indique l’occupation des différentes planches en fonction du moment de l’année. Il prend en compte à la fois l’estimation des besoins de production pour les différents canaux de vente et la capacité de travail des différents coopérateurs et stagiaires. C’est une tentative de planification des différentes cultures tout au long de l’année. Tentative, car les imprévus sont monnaies courantes et vont venir en permanence…
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Bilan qualitatif Cinquante-neuf États face à la pandémie de Covid-19
Pierre-Joseph Laurent[1] Tel un tableau de bord, le site de la pandémie de Covid-19 de l’université Johns Hopkins reçoit, certains jours, un milliard de visiteurs : une référence planétaire. Il installe une comparaison entre les pays, dans la lutte contre le virus, en alignant les chiffres de décès par million d’habitants et les courbes supposées traduire l’aplatissement de l’épidémie[2] Mais que disent ces chiffres ? Pas grand-chose, car sans pondération, par exemple, de l’excès de mortalité causée par la Covid-19, par rapport aux années antérieures, ils demeurent incomparables. En marge de ces décomptes officiels, discutables, et de la communication se tiennent les arbitrages opérés par chaque État. Un arbitrage peu quantifiable, à comprendre autrement pour comparer les politiques. Une évidence, le Sars-CoV-2 tue et agir est une obligation. À la différence des questions climatiques, les conséquences de l’inaction portent sur l’horizon temporel du mandat des élus. Inattendu, sans échappatoires, l’arbitrage devient écrasant ; il concerne la vie humaine, l’économie, le marché, le bien-être général, la justice sociale, la liberté. Chaque décision influence différemment les classes sociales et peut accélérer la pauvreté. Avec le changement climatique, les inégalités qui se creusent et les bouleversements de la formation des opinions induits par les réseaux sociaux,…
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Filmer confinés
Les étudiants de l’Atelier de films anthropologiques (LANTR2130) ont réalisé durant le confinement des films d’une durée de 7 a 20 min. Cette année, le COVID 19 a bouleversé la partie pratique du cours, certains étudiants ont pu faire leur tournage en extérieur, d’autre pas. Il leur a été proposé de faire une lettre vidéo.C’est un genre cinématographique qui consiste à s’adresser à un destinataire en prenant sa caméra, plutôt qu’un stylo. Cela permet de travailler à partir de chez soi, en utilisant une voix off ou des textes et en filmant des archives, des photos, des news d’internet, en déambulant dans sa maison, sa chambre, son kot…C’est une écriture au « je », ou en utilisant le « nous » si vous êtes en groupe. Nous vous livrons ici leur travaux, témoignages de cette période inédite et historique. « Le cul entre deux chaises » par Léonie Delvaux, Emma Devos et Simon Ninane « Ensemble séparément » (partie 1, partie 2) par Héloïse Gonnissen et Noémie Matagne « Lettre à notre maison d’enfance, des sentiments partagés » par Emma Erroelen « La journée d’une infirmière à domicile » par Vanessa Gérard, Philippe Bonneels, et Denise Palermo « Journal de confinement » par Quentin Vanreysen « Ceux qui guérissent » par Lisa Depret « Locked Dreams » par…
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La masque attitude ou la contrainte d’inventer une autre culture
Texte de Pierre-Joseph Laurent - Symbole de la pandémie, le visage masqué dramatise l’aléatoire de toutes rencontres. Le masque dit quelque chose de nous à l’autre et inversement (Photo : C Mahaudeau)
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Incertitudes, « deuil anticipatoire » et traumas De la nécessité de penser le confinement au-delà de ses enjeux sanitaires et économiques
Un texte de Jacinthe Mazzocchetti (UCLouvain – LAAP), Florence Noël et Isabelle Loodts, initialement publié dans le rapport « déconfinement sociétal » sur cartaa academica. Outre ses répercussions en termes économiques et sanitaires, la période de confinement a eu des effets psychiques négatifs, voire traumatiques. En plus des altérations dans le courant ordinaire des modes d’existence, nous voudrions ici pointer quelques enjeux, leurs répercussions et l’attention qu’ils demandent dans les perspectives de déconfinement. De près ou de loin, nous avons tous été profondément affectés par la situation de pandémie. Parmi la population, de nouvelles catégories se sont fait jour, dictées par les statistiques de dangerosité du COVID19 autant que par la nécessité de protéger et de soigner les plus faibles. Le monde des travailleurs s’est divisé entre confinés et actifs, rejouant par ailleurs les diffractions de classe, de genre et de race structurant la société (Degrave, 2020 ; Timothy, 2020). Le monde des « inactifs » (enfants et étudiants, sans emploi, retraités) s’est bipolarisé, obligés d’être strictement séparés, les uns pouvant être vecteurs de la maladie pour les autres. Les personnes précarisées, hors de portée d’un État qui s’accommode depuis longtemps de leur gestion uniquement associative, ont été les grands oubliés des…
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La voie des masques
Par Bénédicte Fontaine, doctorante en anthropologie au Laboratoire d’Anthropologie Prospective de l’UCLouvain; Pierre-Joseph Laurent, professeur, membre du Laboratoire d’anthropologie prospective de l’UCLouvain et de l’Académie royale de Belgique, pour Carta Academica (publié le 09/05/2020 sur « Le Soir » ) La pandémie causée par le Covid-19 est une évidence sanitaire, provoquée par un virus objectivable. Mais la gestion de cette pandémie est-elle tout aussi objectivable dès lors que la prise en charge par les États de la quarantaine et du confinement se déroule en fonction de paramètres relevant de l’arbitrage politique et du possible et pas seulement de l’objectivité scientifique ? Dans sa simplicité, pour tout un chacun, le masque devient un bon révélateur de cet arbitrage et du possible. L’arbitrage Les stocks de masques périmés détruits, non renouvelés au motif d’économie budgétaire. La désindustrialisation et les délocalisations mettent en lumière l’imprévoyance, les fragilités, les limites d’une gestion à flux tendus où l’arbitrage politique se fait surtout comptable et financier (1). La conséquence : la mise en place d’un pont aérien entre la Chine et des pays européens devenus dépendants (main d’œuvre trop chère, marge bénéficiaire insuffisante), avec en toile de fond une guerre industrielle et logistique (allongement de la chaîne d’approvisionnement)…