• A la une,  covid19

    Incertitudes, « deuil anticipatoire » et traumas De la nécessité de penser le confinement au-delà de ses enjeux sanitaires et économiques

    Un texte de Jacinthe Mazzocchetti (UCLouvain – LAAP), Florence Noël et Isabelle Loodts, initialement publié dans le rapport « déconfinement sociétal » sur cartaa academica. Outre ses répercussions en termes économiques et sanitaires, la période de confinement a eu des effets psychiques négatifs, voire traumatiques. En plus des altérations dans le courant ordinaire des modes d’existence, nous voudrions ici pointer quelques enjeux, leurs répercussions et l’attention qu’ils demandent dans les perspectives de déconfinement. De près ou de loin, nous avons tous été profondément affectés par la situation de pandémie. Parmi la population, de nouvelles catégories se sont fait jour, dictées par les statistiques de dangerosité du COVID19 autant que par la nécessité de protéger et de soigner les plus faibles. Le monde des travailleurs s’est divisé entre confinés et actifs, rejouant par ailleurs les diffractions de classe, de genre et de race structurant la société (Degrave, 2020 ; Timothy, 2020). Le monde des « inactifs » (enfants et étudiants, sans emploi, retraités) s’est bipolarisé, obligés d’être strictement séparés, les uns pouvant être vecteurs de la maladie pour les autres. Les personnes précarisées, hors de portée d’un État qui s’accommode depuis longtemps de leur gestion uniquement associative, ont été les grands oubliés des…

  • A la une,  covid19

    La voie des masques

    Par Bénédicte Fontaine, doctorante en anthropologie au Laboratoire d’Anthropologie Prospective de l’UCLouvain; Pierre-Joseph Laurent, professeur, membre du Laboratoire d’anthropologie prospective de l’UCLouvain et de l’Académie royale de Belgique, pour Carta Academica (publié le 09/05/2020 sur « Le Soir » ) La pandémie causée par le Covid-19 est une évidence sanitaire, provoquée par un virus objectivable. Mais la gestion de cette pandémie est-elle tout aussi objectivable dès lors que la prise en charge par les États de la quarantaine et du confinement se déroule en fonction de paramètres relevant de l’arbitrage politique et du possible et pas seulement de l’objectivité scientifique ? Dans sa simplicité, pour tout un chacun, le masque devient un bon révélateur de cet arbitrage et du possible. L’arbitrage  Les stocks de masques périmés détruits, non renouvelés au motif d’économie budgétaire. La désindustrialisation et les délocalisations mettent en lumière l’imprévoyance, les fragilités, les limites d’une gestion à flux tendus où l’arbitrage politique se fait surtout comptable et financier (1). La conséquence : la mise en place d’un pont aérien entre la Chine et des pays européens devenus dépendants (main d’œuvre trop chère, marge bénéficiaire insuffisante), avec en toile de fond une guerre industrielle et logistique (allongement de la chaîne d’approvisionnement)…

  • A la une,  covid19

    Incertitudes, défiance et pensées conspirationnistes : le Covid 19 au prisme du complot

    Chaque crise et le lot d’incertitudes dont elle est la source génèrent simultanément la multiplication et la diffusion de théories de nature conspirationniste. Dans ces conjonctures particulièrement anxiogènes, suscitant une quête de sens collective et la sensation d’une perte de contrôle sur le cours de sa vie, ces formes interprétatives fournissent un ensemble de réponses simples, souvent manichéennes, face à une réalité qui échappe à la compréhension, en raison de la charge émotive qu’elle suscite et de sa trop grande complexité (Sorteras, 2018). Ces théories dénoncent généralement de grands mensonges orchestrés par des « puissants », et véhiculés par la presse mainstream et certains scientifiques, complices ; des mensonges qui dissimulent un projet de grande ampleur, souvent nuisible au plus grand nombre, destiné à renforcer le pouvoir d’une minorité dominante (Taguieff, 2006). La diffusion et le succès des pensées du complot ne sont pas récents, mais il ne fait aucun doute que depuis le début des années 2000, le développement d’Internet comme média de masse ainsi que l’émergence de réseaux sociaux et de plateformes d’hébergement de vidéos ont largement contribué à en faire un phénomène culturel de masse (Bourseillier, 2016). Dans ces espaces numériques où les discours sont libéralisés, diffusés gratuitement, sans tri et…