En matière de lexique, le diable (rouge) est dans les détails

Comme en cette année de coupe du monde de football, le ballon rond fait incontestablement recette, REFLEX se met aussi à parler football.

Vandewalle

Enfin presque…

En octobre dernier, Philippe Vande Walle, ancien gardien de l’équipe nationale belge de football, a été remercié par la RTBF où il officiait comme chroniqueur pour avoir diffusé un message sur twitter, qualifié par la presse de « raciste ».

« Bakkali Diable Rouge… »J’sais pas encore »!!!… Ça commence à me pomper l’air!!!!Des »Purs Belges »(Meunier,Vossen) viennent en rampant »…

Autrement dit, pour ceux qui auraient du mal à comprendre ces paroles laconiques : « ça m’énerve qu’un joueur comme Bakkali (qui a la double nationalité) hésite entre l’équipe nationale belge et l’équipe nationale marocaine alors qu’il y a d’autres joueurs (Meunier, Vossen) qui sont de « purs belges » et qui ne demandent qu’à porter les couleurs de la Belgique »

Selon le communiqué de la RTBF, les propos tenus dans ce message sont « contraires aux valeurs que la radio et télévision publique entend défendre » ; ils sont aussi « inacceptables » et « inadmissibles » selon l’article publié dans Le Soir du 6 octobre 2013 pour rendre compte de l’événement.

Chacun jugera sur base de sa morale personnelle s’il estime les propos de Vande Walle admissibles ou non. En revanche, ce dont on peut discuter ici, c’est du caractère raciste de ces propos. Vande Walle s’en est d’ailleurs ému dans un autre message : « Je ne suis en AUCUN cas raciste!!!!!C’est le « principe » choix qui m’interpelle. » Il précisera par ailleurs dans la presse toujours pour se défendre de cette accusation : « Ma fille sort avec un Turc et je suis encore allé manger un couscous le week-end dernier. Donc, franchement, me taxer de racisme, c’est totalement faux  » (Le Soir du 7 octobre 2013). Si le raisonnement prête à sourire (je connais des mangeurs de pizzas qui n’apprécient guère les Italiens…) et n’est pas très valide sur le plan de l’argumentation, il reste qu’on peut se demander si le qualificatif « raciste » est adéquat.

En réalité, rien dans les propos de Ph. Vande Walle ne peut être qualifié de raciste, comme l’a d’ailleurs souligné le Mrax quelques jours plus tard. Par ces propos, Vande Walle témoigne sans doute d’une certaine xénophobie et surtout d’une vision essentialiste de la nationalité : son message suggère que, pour lui, être belge, ce n’est pas une question administrative, c’est une question de sang, de propriétés intrinsèques à l’individu ; ce qui fait qu’indépendamment de votre nationalité officielle, vous pouvez être un vrai belge, un « pur belge », selon que vous possédez ou non lesdites propriétés (ce qui du coup pourrait vous donner certains privilèges, comme par exemple celui d’intégrer l’équipe nationale). Cela relève d’une idéologie nationaliste, mais pas du « racisme » au sens strict qui, selon le TLFI, suppose une hostilité envers une race jugée inférieure. Ph. Vande Walle semble croire qu’il existe des identités nationales, des nationalités en soi, mais il n’a pas posé l’existence de races.

Dans un éditorial commentant cette affaire, Béatrice Delvaux déclarait dans Le Soir (8 octobre 2013): « Les mots ont un sens. Ils ne s’utilisent pas n’importe comment, n’importe où. » Pourtant, elle reprenait à son compte la qualification de « racisme » utilisée auparavant par les journalistes du Soir.

En accusant Ph. Vande Walle de racisme dans un sens très lâche, les journalistes se sont en quelque sorte trompés de cible et n’ont pas pointé les véritables enjeux de ses propos. Ce qui lui a permis par ailleurs de répondre facilement aux critiques en affirmant qu’il n’était pas raciste, puisqu’en réalité ce n’était pas là que se situait le problème. Oui, « les mots ont un sens » et ceci nous montre à nouveau l’importance de les choisir de façon précise en tenant compte de leurs nuances sémantiques, surtout lorsqu’il s’agit de porter une accusation ou d’essayer de décrire un phénomène complexe. À bon entendeur…

 

  Photo © Belga

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