Introduction
Dans nos sociétés, une bonne part des connaissances
que possèdent les citoyens est acquise par d'autres voies
que l'enseignement classique (l'école et l'université).
Ces savoirs sont qualifiés de "non formels", ceci pour
les opposer aux savoirs "formels" codés et dispensés
par l'enseignement officiel. De tels savoirs sont l'objet d'évaluations
diverses : quelquefois appréciés positivement, ils
sont le plus souvent déconsidérés parce que
non systématiques et non sanctionnés. Pourtant,
c'est en grande partie en s'appuyant sur ces savoirs que l'individu
contemporain réfléchit son existence et s'oriente
dans la vie (sociale, politique...). Cette situation appelle une
réflexion sur ces savoirs non formels, leurs sources, leur
nature, leurs potentialités dans une perspective de partage
des connaissances et de "démocratie cognitive" (selon la
belle expression d'Edgar Morin). Tel est l'objet de ce colloque.
Des sources médiatiques des savoirs non formels
Il semble évident qu'à côté de la
famille et de divers groupes d'appartenance, les médias
(au sens large) jouent un rôle prépondérant
dans la diffusion des connaissances : la presse quotidienne (diffusant
à travers ses commentaires de l'actualité des notions
économiques, politiques et sociales), la presse spécialisée
de vulgarisation scientifique, les produits de l'industrie culturelle
(CDRoms, jeux multimédias interactifs, BD éducatives...),
les musées et expositions, le cinéma (documentaire
mais aussi de fiction), l'Internet, etc.
Le rapport entre savoirs et médias représente un
phénomène complexe irréductible à
un simple problème de transmission de savoirs préexistants.
Ce phénomène combine des situations où le
savoir est issu d'une déformalisation de connaissances
élaborées dans les sphères scientifiques,
des situations où la forme du savoir est rendue possible
par les médias eux-mêmes (par leurs modalités
spécifiques de représentation de la réalité),
ou encore des situations où les médias précèdent
le réel, créant ou donnant consistance à
des représentations de faits de société,
induisant ainsi la réalisation de ces derniers. Sans oublier
les savoirs sur les médias, point aveugle dont ceux-ci
rendent difficilement compte.
Des dimensions différenciant savoirs formels et informels
Savoirs formels et informels semblent différer sous quantités
d'aspects :
Sur le plan des conditions sociales de communication et de réception,
savoirs formels et informels se caractérisent par des conditions
d'accessibilité, d'énonciation, de reconnaissance,
et un contexte psycho-affectif différents.
Sur le plan de leur mise en forme sémiotique, savoirs
formels et non formels présentent des différences
tout aussi marquées. Au cours de l'histoire, les savoirs
formels et informels se sont chacun stabilisés dans des
supports sémio-techniques particuliers privilégiant
des formes (et des structures) d'expression distinctes.
Sur le plan des thèmes et contenus, chacun des dispositifs
médiatiques énumérés plus haut a ses
thèmes et contenus privilégiés, posant la
question très générale du paysage conceptuel
construit et diffusé par les médias.
Dans le cadre de l'hypothèse générale d'une
relation de détermination réciproque entre cognition
humaine et sémiotique, on peut aussi faire l'hypothèse
d'un fonctionnement différencié des représentations
mentales élaborées par les individus selon les types
de savoirs et leur mode de média(tisa)tion.
Questions et enjeux posés par les savoirs non formels
Tous les points évoqués précédemment
permettent de formuler quelques grandes questions susceptibles
d'orienter la recherche et la réflexion :
- Quels sont les thèmes et contenus de savoirs privilégiés
par les médias ?
- Quelles sont les mises en forme particulières de ceux-ci
dans les médias ? Quel est le rôle de l'évolution
technologique récente sur ces phénomènes
?
- Quelles sont les conditions spécifiques de réception
des savoirs médiatiques ? Quelles types de représentations
(mentales, sociales) et d'opérations cognitives sont
induites ?
- Dans l'évolution en cours, quels sont les rapports
entre les deux types de savoirs ? De quel type de légitimité
bénéficient les savoirs non formels et formels
dans la conscience des divers acteurs sociaux ?
Ces questions réclament une approche interdisciplinaire
combinant l'analyse sémiotique, l'observation anthroposociologique,
la psychosociologie et des concepts issus des sciences cognitives.
Elles mettent également en évidence des enjeux
différents selon les domaines considérés.
Dans l'espace public, il s'agit d'évaluer l'incidence des
représentations acquises par voie non formelle sur la participation
démocratique des citoyens. Concernant les institutions
d'enseignement, l'exposition massive et incontournable aux médias
soulève l'importante question de l'articulation entre savoirs
formels et informels. Concernant la formation des adultes et l'organisation
du travail, il importe de trouver des voies de valorisation, de
légitimation et d'opérationnalisation des savoirs
non formels.
Le présent appel se situe dans le cadre d'une démarche
en deux étapes : outre le colloque dont il est question
ici-même (décembre 2000) et qui portera surtout sur
le rapport médias - éducation, une seconde rencontre
est d'ores et déjà prévue pour décembre
2001 ; cette dernière, sous l'égide du GReMS et
de l'ORM (Observatoire du Récit Médiatique), mettra
davantage l'accent sur les rapports entre médias et citoyenneté.
Modalités de participation
Les propositions de contributions devront se présenter
sous la forme de textes d'une page (entre 1500 et 2000 signes)
motivant le rapport à la problématique selon un
des quatre champs de questions cités au point précédent.
Ces propositions sont à faire parvenir avant le 20 juin
2000 au Secrétariat du GReMS.
Sont particulièrement attendues :
- des contributions proposant ou clarifiant un cadre théorique
sur ces questions, notamment des propositions articulant des
concepts sur la cognition humaine avec les théories de
la communication (sémiotique, analyse des médias,
) ;
- des contributions définissant ou clarifiant des approches
méthodologiques pertinentes sur ces questions ;
- des contributions présentant des résultats de
recherches concrets, ciblés sur ces questions.
Le comité scientifique se chargera d'évaluer la
pertinence des propositions. Le cas échéant, il
proposera des modifications. Dès le mois de septembre 2000,
l'ensemble des propositions retenues sera accessible sur notre
site Web. En outre, une réponse personnelle sera donnée
à chaque proposition.
Les travaux du colloque donneront lieu à une publication.
Contacts
Secrétariat du GReMS
Colloque Savoirs Informels
Ruelle de la Lanterne Magique, 14
B-1348 Louvain-la-Neuve
tél. (32) 10 474605 (Véronique DUCHENNE)
tél. (32) 10 472765 (Jean-Pierre MEUNIER)
fax. (32) 10 473044
e-mail :
grems@reco.ucl.ac.be