Quel est le risque d’événement ?
A l’interruption de la substance
La dépendance de l’héroïne est physique et psychique, et entraîne un risque important de sevrage pouvant apparaître dans les 4 à 6 heures qui suivent la dernière prise. Il est caractérisé par des symptômes d’excitation du système nerveux autonome. A la poursuite périopératoire de l’addiction
La poursuite cachée d’héroïne expose au risque d’overdose dans le contexte périopératoire. La poursuite de l’héroïne peut majorer les effets sédatifs des hypnotiques ou des morphiniques administrés pour l’anesthésie.
Existe-t-il une interférence avec les médicaments de l’anesthésie ?
L’héroïne entraîne une dépendance et une tolérance croisée pour les opiacés. La perception douloureuse et les besoins en morphiniques périopératoires sont majorés chez l’héroïnomane. Les opiacés aux propriétés agonistes antagonistes µ (nalbuphine, butorphanol, pentazocine), et les antagonistes des récepteurs µ (naloxone) peuvent précipiter un syndrome de sevrage aigu.
Les agonistes antagonistes et les antagonistes des récepteurs µ donc sont formellement contre-indiqués chez l’héroïnomane (grade C).
L’héroïne entraîne une augmentation des besoins en hypnotiques. Il existe un risque théorique de majorer la tolérance lors d’utilisation prolongée de protoxyde d’azote.
Si une instabilité tensionnelle est fréquente sous anesthésie générale ou locorégionale, il faut savoir que l’apparition d’une hypotension artérielle peropératoire peut être le signe d’un sevrage.
Quelques cas d’insuffisance surrénale ont été rapportés chez les héroïnomanes.
Proposer une stratégie d’arrêt, de maintien et/ou de substitution
Les sevrages réalisés dans la précipitation lors d’une hospitalisation chirurgicale aboutissent le plus souvent à la récidive. L’hospitalisation d’un patient toxicomane n’est jamais le bon moment pour entreprendre un sevrage.
La stratégie doit prévenir le syndrome de sevrage, éviter un surdosage en opiacés ou une overdose en héroïne, assurer une analgésie efficace et proposer un traitement symptomatique des troubles affectifs et du comportement. Contrat de soins L’hospitalisation d’un patient toxicomane à l’héroïne est souvent vécue comme source de problèmes par le patient et l’équipe soignante. Aussi, est-il fondamental de désamorcer les conflits. Il est recommandé d’établir d’emblée avec le patient un contrat de soins qui doit être explicite. Il est également indispensable de faire appel au concours d’une équipe spécialisée en toxicomanie ou de l’équipe de psychiatrie dans cette démarche.
En pré et peropératoire
La substitution de l’héroïne par la morphine vise à assurer les besoins de base en opiacés pour prévenir un sevrage. Il est recommandé d’administrer le matin de la chirurgie, la dose de substitution par une dose équivalente de morphine orale. Devant un patient présentant un syndrome de sevrage, une titration intraveineuse de morphine en SSPI est possible jusqu’à l’amendement des signes de manque. Une co-dépendance aux benzodiazépines est très fréquemment associée.
Dans cette situation, il est recommandé d’administrer une benzodiazépine en prémédication.
En postopératoire
Un sevrage peut survenir dans les 6 heures qui suivent l’arrêt de l’héroïne. Il est impératif de poursuivre la substitution par la morphine toutes les 4 à 6 heures. La voie orale est utilisée dès que le patient peut s’alimenter.
Proposer une technique d’anesthésie et d’analgésie adaptée
Consultation d’anesthésie La consultation d’anesthésie fait le point sur les drogues consommées, sur les
pathologies éventuellement associées à la toxicomanie (infection par le VIH, HCV…)
permet d’expliquer au patient les modalités de la prévention du syndrome de sevrage.
Il est recommandé d’expliquer au patient qu’à l’arrêt de l’héroïne, il ne sera pas en manque du fait du relais par la morphine.
Il est recommandé d’expliquer au patient que les doses de morphine de substitution sont indépendantes des doses à but analgésique. Il est recommandé d’adresser le patient au spécialiste de la toxicomanie. Prémédication
Chez l’héroïnomane, la co-dépendance aux benzodiazépines est très fréquente, et l’anxiété préopératoire est importante. La prémédication vient en plus de l’administration de la dose de substitution par la morphine orale. Les benzodiazépines peuvent représenter un bon choix de prémédication.
Choix de la technique d’anesthésie
L’anesthésie locorégionale permet de réduire l’utilisation des opiacés, offre un meilleur contrôle de la douleur postopératoire, et permet aux yeux des patients de dissocier la prévention du manque, de celle de la douleur.
Il est recommandé de favoriser chaque fois que possible une anesthésie locorégionale axiale ou périphérique.
Lorsque l’anesthésie générale est préférée (impératif chirurgical, ou actes courts peu douloureux, refus du patient …), elle fait appel aux techniques et produits habituels, tout en sachant qu’il faut fréquemment augmenter les doses des médicaments hypnotiques et morphiniques (grade C).
En cas d’intervention en urgence, la substitution de l’héroïne peut s’effectuer par l’administration intraveineuse de morphine en SSPI sous surveillance clinique et instrumentale, et les patients doivent être considérés comme estomac plein. En urgence, il est recommandé de réaliser une induction en séquence rapide avec intubation trachéale.
Analgésie postopératoire
L’analgésie postopératoire doit être prescrite en sus de la substitution. Les antalgiques périphériques (néfopam, AINS) doivent systématiquement être employés en dehors de leurs contre-indications.
Il est recommandé de favoriser l’analgésie par cathéter périnerveux ou périmédullaire. Il n’existe pas de contre-indication à l’utilisation des morphiniques en PCA ou en injection sous-cutanée en cas d’impossibilité d’utilisation de la voie orale, sous réserve d’une étroite surveillance des doses consommées. Il est recommandé de réaliser la titration intraveineuse de morphine avec des bolus supérieurs à ceux habituellement utilisés, et de privilégier un relais avec la morphine orale précocement en postopératoire.