Antirétroviraux
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Les trithérapies et plus largement les associations antirétrovirales ont largement modifié le pronostic de linfection par le VIH. Le principal objectif de cette stratégie thérapeutique est la suppression de la réplication virale attestée par une charge virale indétectable (celle-ci est estimée par la mesure des ARNm viraux plasmatiques). Une adhérence non optimale au traitement (interruptions itératives) altère le contrôle virologique de linfection et est susceptible daccroître la morbi­mortalité et les phénomènes de résistance. Lobservance (assiduité et régularité des prises médicamenteuses) est un objectif primordial du suivi thérapeutique, conditionnant le succès du traitement et la prévention de la progression clinique de la maladie. Ainsi linterruption de traitements antirétroviraux est potentiellement délétère et doit être décidée de façon raisonnée.

Quel est le risque dévènement ?

A larrêt du traitement

Les interruptions de traitement telles quelles ont été évaluées dans le cadre de programmes spécifiques (interruptions programmées) ont démontré un effet délétère sur lévolution virale et immunitaire des patients VIH. Néanmoins les effets observés sont en relation avec des interruptions prolongées (plusieurs semaines), aucune étude nétant disponible sur une interruption ponctuelle de moins dune semaine en rapport avec la période périopératoire. A contrario, les variabilités intra­individuelles importantes des taux sériques lors dun traitement antirétroviral prolongé ne saccompagnent daucune modification du statut viral des patients.

Linterruption du traitement ne représente vraisemblablement pas le même niveau de risque selon le moment de lhistoire médicale du patient. Un premier traitement antirétroviral a pour objectif une charge virale indétectable dans un délai de 6 mois. Cet objectif est en premier lieu non atteint en cas de mauvaise observance et doit imposer des mesures correctives. De la même façon, un traitement récemment ou prochainement modifié en cas déchec virologique avéré, nécessite une observance optimale. Par contre, bien que des traitements intermittents ne soient pas recommandés, une interruption ponctuelle en période de

suppression de la réplication virale et de restauration immunitaire (nadir de LyCD4+ > 250/mm3) est envisageable sans risque supplémentaire documenté.

Du fait de lactivité de certains antirétroviraux sur le virus de lhépatite B, un arrêt thérapeutique prolongé (par exemple en réanimation) peut entraîner un risque dacutisation dune hépatite B chronique (lamivudine, tenofovir, emtricitabine). Au maintien du traitement

Léventualité dinterrompre un traitement antirétroviral au motif des risques associés aux interférences avec les situations cliniques en anesthésie réanimation est rare.

Les différentes modifications induites par les traitements antirétroviraux augmentent le risque dacidose lactique, le risque de résistance à linsuline et le risque global cardiovasculaire de ces patients. Les effets des traitements antirétroviraux sur les isoenzymes du cytochrome P450 (CYP 2B6 et CYP 3A4 particulièrement) impliquent des modifications pharmacocinétiques pour tous les médicaments utilisant ces voies métaboliques. Les médicaments utilisés en anesthésie ont un impact sur la pharmacocinétique des antirétroviraux.

Syndrome de restauration immunitaire (IRIS): ensemble de manifestations inflammatoires, quelques semaines après la mise en route dun traitement antirétroviral, chez un patient très immunodéprimé. LIRIS peut dévoiler ou aggraver une infection opportuniste (particulièrement à mycobactéries) et faire discuter linterruption du traitement antirétroviral, particulièrement si le taux de CD4 est > 200/mm3. Dans tous les cas une telle décision procède dun avis spécialisé.

Existe-t-il une interférence avec les médicaments de lanesthésie ?

Les classes thérapeutiques antirétrovirales sont les inhibiteurs nucléosidiques ou nucléotidiques de la transcriptase inverse (INTI), les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI), les inhibiteurs de protéase (IP), les inhibiteurs de fusion (IF). De nouvelles classes thérapeutiques sont en évaluation (antagonistes du récepteur CCR5, inhibiteurs de lintégrase….).

La pharmacocinétique de différentes molécules utilisées dans les polythérapies sont :


-pour les INTI, une élimination principalement rénale avec métabolisme par glucuronoconjugaison pour la zidovudine et labacavir.


-pour les IP un métabolisme intestinal (doù leur faible biodisponibilité) puis au niveau hépatique par les isoenzymes du cytochrome P450 : CYP3A4 et CYP3A5 (de

même que les INNTI). Le ritonavir (IP) est un puissant inhibiteur du CYP3A et induit une augmentation significative du taux sériques des IP associés.

-pour lIF enfuvirtide un métabolisme indépendant du CYP3A.


Une mise au point complète des interactions médicamenteuses des antirétroviraux avec les autres médicaments, mise à jour régulièrement, est disponible sur le site Internet : http://www.hiv-druginteractions.org .

Effets secondaires des médicaments antirétroviraux pouvant être aggravés par les médicaments de lanesthésie-réanimation

Lexistence dune neuropathie liée à un traitement par certains INTI (didanosine par ex.) doit être prise en compte pour la réalisation dune anesthésie locorégionale péri- nerveuse pouvant aggraver la symptomatologie.

Laugmentation du risque dacidose lactique, de résistance à linsuline et du risque cardiovasculaire est à prendre en compte particulièrement en secteur de réanimation (conséquences des modifications des apports énergétiques, des paramètres hémodynamiques, augmentation de la dette myocardique en O2, hypoxie….).

Médicaments anesthésiques modifiant la pharmacocinétique des médicaments antirétroviraux

Des données limitées ont suggéré une possibilité de modification de la glucoroconjugaison de la zidovudine par les benzodiazépines et le propofol (augmentation des taux), et le phénobarbital (diminution des taux).

Certains médicaments fréquemment utilisés en anesthésie peuvent interférer sur les antirétroviraux : par exemple les antifungiques azolés peuvent augmenter de 25-70% les taux sériques du saquinavir (IP) et de même les macrolides en augmentent les taux sériques de plus de 100% et la cimétidine de 120%. Une synthèse des précautions dutilisation des agents anesthésiques et des antirétroviraux est rapportée dans le tableau 2.

Enfin un traitement par rifampicine (par exemple dans le cadre dune infection nosocomiale staphylococcique) est contre-indiqué avec les IP non associés au ritonavir. En cas de nécessité impérative, sans alternative thérapeutique, un monitorage thérapeutique des IP est obligatoire.

Situation spécifique - la réanimation prolongée

De nombreux paramètres peuvent modifier les taux sériques des traitements antirétroviraux administrés en réanimation : absence de forme injectable (à lexception de la zidovudine et de lenfuvirtide non encore commercialisés) nécessitant une reconstitution pour administration par une sonde digestive, fréquences des modifications physiologiques altérant labsorption digestive (iléus digestif, nutrition entérale continue, traitement par antiulcéreux….), insuffisance hépatique ou rénale associée. Un monitorage thérapeutique est donc nécessaire en réanimation. Plusieurs pathologies liées aux traitements antirétroviraux peuvent poser des problèmes spécifiques en réanimation :

-augmentation du risque cardiovasculaire (risque relatif dinfarctus du myocarde) avec un risque accru de resténose après reperméabilisation

-phénomène de résistance à linsuline fréquent

  1. risque dacutisation dune hépatite B chronique en cas dinterruption dun antirétroviral ayant une activité spécifique sur le virus de lhépatite B (lamivudine, tenofovir, emtricitabine)
  2. risque dacidose lactique avec les INTI, avec une mortalité proche de 50%
  3. risque de surdosage en benzodiazépine (administrée de façon prolongée) en cas dassociation aux INNTI et aux antiprotéases.


Proposer une stratégie darrêt, de maintien et/ou de substitution

En toute circonstance il faut, autant que possible, éviter toute interruption thérapeutique.

La prise des IP nécessite une prise alimentaire (corps gras) concomitante et est donc incompatible avec le jeûne préopératoire.

En cas dabsolue nécessité, linterruption thérapeutique devra être la plus courte possible dans le temps : 24 à 48 heures sans conséquences évaluables à ce jour.

En cas dinterruption thérapeutique, celle-ci devra porter sur lensemble du traitement afin déviter une monothérapie source potentielle démergence de résistance virale.

En raison de limportance de lobservance du traitement antirétroviral, en période périopératoire, les arrêts de traitements accorddoivent êt fort). Toute interruption non évitable (jeûne pré opératoire) sera la plus courte possible et au plus de 48h maximum (accord fort). En cas darrêt de traitement, tous les médicaments antirétroviraux doivent être interrompus et repris simultanément (accord fort). Tout arrêt de traitement doit faire lobjet dun avis spécialisé (accord fort).

Doit-on faire appel à un spécialiste pour une décision collégiale ?

Lors de la consultation danesthésie, lavis du prescripteur référent du traitement antirétroviral sera systématiquement sollicité concernant larrêt du traitement dans le cadre du jeûne préopératoire (mais également des précautions vis-à-vis du risque infectieux, des risques secondaires cardiovasculaires ou métaboliques, etc…).

Proposer une technique danesthésie et danalgésie adaptée

Le maintien du traitement rétroviral dans le contexte du bloc opératoire ou de la réanimation doit saccompagner dune gestion des risques induits par cette thérapeutique, en particulier les phénomènes dobésité, dhypertension artérielle, de résistance insulinique, de dysrégulation lipidique et daugmentation du risque cardiovasculaire.

Lutilisation prolongée de propofol virtuellement peut majorer une dyslipidémie. En particulier le risque dhypertriglycéridémie et de pancréatite doit être pris en compte dans les associations aux INTI.

Le recours à une anesthésie locorégionale ne présente aucune restriction spécifique, en dehors de lexistence préalable dune neuropathie sévère.

Lanesthésie péridurale en obstétrique est une technique recommandée.

La plupart des médicaments de lanesthésie peuvent être utilisés de façon ponctuelle sans précautions spécifiques.

Lassociation du midazolam à un traitement antirétroviral peut entraîner une majoration de sa pharmacodynamie (dépression respiratoire, somnolence).

En réanimation le maintien du traitement antirétroviral (administration entérale exclusive de la plupart des médicaments antirétroviraux) implique une stratégie active (gestion des apports par sonde entérale) et un monitorage thérapeutique

Proposer une stratégie de reprise du traitement

En cas darrêt, la reprise se fera au plus tôt, de façon complète (« tout ou rien »), avec un monitorage des fonctions immunitaires et de la charge virale voire des taux sériques selon les médicaments associés.