Une mauvaise observance ou une mauvaise gestion des antituberculeux sont des facteurs reconnus favorisant l’émergence de ces résistances.
Quel est le risque d’évènement ?
Arrêt du traitement
L’arrêt d’un ou de plusieurs antibiotiques équivaut à une mauvaise observance et favorise l’émergence de résistance du bacille tuberculeux, une recrudescence de la maladie et la majoration du risque de toxicité hépatique après la réintroduction des antituberculeux. Cette interruption entraîne également le prolongement du traitement afin de compenser les doses manquantes. Au maintien du traitement
L’isoniazide, la rifampicine, l’acide para-amino-salicylique ainsi que les thioamides (ethionamide, protionamide) favorisent la survenue d’une toxicité hépatique surtout en cas de facteur favorisant comme une insuffisance circulatoire associée ou l’utilisation de médicament hépatotoxique.
La rifampicine est également inducteur enzymatique hépatique et par une augmentation du métabolisme de certaines substances (cortisol) ou de certains médicaments (antivitamines K, corticoïdes, oestroprogestatifs), elle diminue leur efficacité. En cas d’administration de corticoïdes, il est recommandé d’augmenter la posologie de 30 à 50 %.
Il existe des interactions médicamenteuses notamment avec la phénytoïne dont l’isoniazide inhibe l’hydroxylation avec un risque d’intoxication.
La rifampicine peut également provoquer une thrombopénie, il est nécessaire avant toute chirurgie de s’assurer de son absence. Des accidents immunoallergiques sont possibles et l’apparition des anticorps est favorisée par des prises intermittentes de rifampicine.
Les aminosides (streptomycine, amikacine, capreomycine) sont potentiellement néphrotoxiques, notamment chez les patients présentant une altération de la fonction rénale préexistante, en association avec d’autres médicaments néphrotoxiques chez le patient hypovolémique ou lors des traitements
prolongés. Un monitorage de la fonction rénale est nécessaire, associé à un suivi thérapeutique.
Les thioamides favorisent les hypoglycémies chez les patients diabétiques, une surveillance de la glycémie est recommandée en périopératoire.
L’acide para-amino-salicylique favorise la survenue d’hypokaliémie et d’acidose en cas d’insuffisance rénale associée, une surveillance du ionogramme sanguin et du bilan rénal est recommandé.
Existe-t-il une interférence avec les médicaments de l’anesthésie ?
Lors de l’anesthésie des patients sous antituberculeux, l’enjeu essentiel est d’éviter l’hépatotoxicité surajoutée par certains agents anesthésiques.
Le pentothal, comme tous les barbituriques, est un puissant inducteur enzymatique hépatique. Associé à la rifampicine, il augmente le métabolisme de cette dernière et entraîne une diminution de son taux plasmatique, il augmente également le risque d’hépatotoxicité de l’association isoniazide-rifampicine. De plus, l’administration d’agents inducteurs sur l’activité du cytochrome P450 majore la toxicité hépatique de l’isoniazide en favorisant la synthèse de l’acéthylhydralazine, métabolite dont l’oxydation aboutit à un dérivé fortement hépatotoxique. L’induction par pentothal est donc contre-indiquée en cas de traitement antituberculeux.
Parmi les agents anesthésiques, seuls les agents volatiles halogénés sont suspects d’hépatotoxicité. L’halothane et l’enflurane, actuellement peu utilisés, sont les 2 seuls agents incriminés dans la genèse de lésions hépatiques sans qu’aucune certitude ne soit établie, et sont par conséquent contre-indiqués. En ce qui concerne les autres halogénés comme l’isoflurane, le sévoflurane et le desflurane, les données publiées étant rassurantes sur leur absence de toxicité hépatique, ils peuvent être utilisés raisonnablement dans le cas d’un traitement antituberculeux en surveillant de façon rapprochée le bilan hépatique.
L’anesthésie locorégionale est possible en l’absence d’atteinte hépatique préopératoire puisqu’aucune toxicité hépatique n’a été rapportée jusqu’à ce jour. Dans le cas contraire, elle doit être réalisée avec précaution puisque les anesthésiques locaux du groupe amino-amide, les plus utilisés, ont un métabolisme hépatiques exclusif (CYP450) et que leur clairance totale dépend de leur clairance hépatique ; la lidocaïne possédant un coefficient d‘extraction hépatique le plus élevé entre 65 et 85 %.
Les curares n’ont pas de toxicité hépatique connue. En cas d’atteinte hépatique préopératoire, les curares dont le métabolisme est indépendant de la
fonction hépatique ou rénale sont indiqués, à savoir le mivacurium, l’atracurium et le cis-atracurium, ainsi que la succinylcholine en cas d’estomac plein. En cas de traitement antituberculeux de 2ème ligne par aminoside, l’utilisation des curares doit être prudente et guidée par le monitorage de la curarisation. En effet, les aminosides dépriment la fonction neuromusculaire et provoquent un bloc de type dépolarisant, majorant la profondeur du bloc dépolarisant et non dépolarisant et pouvant provoquer des syndromes myasthéniques iatrogènes.
Proposer une stratégie d’arrêt, de maintien et/ou de substitution
Il est fortement préconisé de poursuivre le traitement instauré aux mêmes posologies et par voie orale, ainsi que la supplémentation vitaminique associée (B1 et B6) (accord fort). En cas de nécessité d’interruption prolongée du traitement, la prise en charge pluridisciplinaire est recommandée (accord fort).
Dans tous les cas, il est fortement préconisé de poursuivre le traitement instauré aux mêmes posologies et par voie orale. Un relais intraveineux peut être nécessaire dans le cadre d’une chirurgie nécessitant un jeûne postopératoire ou d’une impossibilité de réalimentation orale précoce. Seules 3 molécules sont disponibles sous forme intraveineuse : l’isoniazide, l’éthambutol et la rifampicine ; dans certains cas les quinolones peuvent également être utilisées. Le relais voie orale-voie intraveineuse pour ces 3 molécules peut être réalisé par un médecin anesthésiste-réanimateur. Un avis spécialisé est indispensable pour la substitution des autres antibiotiques qui doit être guidée par l’antibiogramme.
Le suivi thérapeutique de l’isoniazide en périopératoire standard est inutile. Il n’a d’intérêt qu’à l’instauration du traitement ou encore en cas d’insuffisance hépatique ou rénale.
Circonstances postopératoires nécessitant l’adaptation posologique
Insuffisance rénale 1 - Une clairance < 30 ml/min justifie une diminution des posologies d’éthambutol (7-10 mg/kg), de pyrazinamide (15 mg/kg) et d’isoniazide (3-4 mg/kg). En cas de dialyse, il est recommandé d’espacer les prises à 3 fois par semaine, après chaque dialyse, l’éthambutol ne sera utilisé que chez les sujets bacillifères et à la posologie
de 10 mg/kg après chaque dialyse. La posologie unitaire de rifampicine et de pyrazinamide est inchangée, la posologie unitaire d’isoniazide est diminuée à 3-4 mg/kg. Un suivi thérapeutique est utile dans cette situation. 2 - En cas d’hémofiltration, la diminution de la posologie des antituberculeux et le suivi thérapeutique suivent les mêmes recommandations que pour la dialyse.
Toxicité hépatique : 1 - Dans tous les cas un suivi du bilan hépatique est indiqué car l’INH, l’EMB et la PZA sont potentiellement hépatotoxiques. De l’INH, la RMP et la PZA, la PZA est la plus hépatotoxique et la RMP l’est le moins avec un risque essentiel d’ictère cholestatique. 2 - La conduite à tenir en fonction du dosage des transaminases est la suivante (9) :
Doit-on faire appel à un spécialiste pour une décision collégiale ?
Lorsque le traitement antituberculeux peut être maintenu aux mêmes posologies, aucun avis spécialisé n’est nécessaire. Par contre, en cas de nécessité de modification de traitement ou de relais intraveineux, un avis spécialisé est recommandé.
Proposer une technique d’anesthésie et d’analgésie adaptée
Eviter toute hépatotoxicité surajoutée.
Une tuberculose traitée depuis moins de 15 jours est bacillifère. Les règles d’isolement et d’hygiène recommandées doivent donc être appliquées au bloc, en SSPI et en réanimation (circulaire DGS/VS-DH n°69 du 29 octobre 1993 relative à la prévention de la transmission de la tuberculose dans les lieux de soins). Au delà de 15 jours de traitement adapté, le patient est considéré comme non contagieux même en cas de présence de bacilles acido-alcoolo résistants à l’examen microscopique.
Cependant un BK tubage en urgence doit être réalisé et le résultat obtenu en 1 heure orientera les mesures d’isolement à mettre en œuvre.
Agents anesthésiques
Le thiopental doit être proscrit.
L’anesthésie locorégionale est possible en l’absence d’atteinte hépatique préopératoire.
Le propofol est complètement dénué de risque hépatique et est adapté pour l’induction et l’entretien de l’anesthésie d’un patient sous antituberculeux, une étude récente ne rapporte aucune influence de l’utilisation du propofol sur la fonction hépatocellulaire. Les halogénés tels que l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane peuvent être raisonnablement utilisés pour l’entretien de l’anesthésie en l’absence d’atteinte hépatique préopératoire.
Précautions / mise en garde
Toute insuffisance circulatoire peut favoriser la survenue d’une hépatotoxicité postopératoire. En cas d’insuffisance circulatoire prolongée en peropératoire et postopératoire accompagnée de stigmates de souffrance cellulaire, la surveillance thérapeutique est recommandée. En effet, l’isoniazide, la rifampicine et la pyrazinamide ont une extraction hépatique, et bien que son coefficient d’extraction soit faible, en cas de bas débit hépato-splanchnique le risque de diminution de sa clairance hépatique et de son accumulation existe. Dans tous les cas, le bilan hépatique doit être surveillé de façon rapprochée en postopératoire.
Analgésie postopératoire
Aucun médicament analgésique postopératoire n’est contre-indiqué en cas de traitement antituberculeux en l’absence d’atteinte hépatique préopératoire. L’administration de posologies élevées de paracétamol, doit cependant être évitée.
Proposer une stratégie de reprise du traitement
En cas de modification du traitement habituel pour la chirurgie, sa reprise doit être organisée avec le pneumologue.