Extrait de "Si Saint-Luc m'était conté..."
J.J. Haxhe - Ed. Racine - Bruxelles 2001

Histoire de l'école de médecine dentaire et de stomatologie
1945 - 1977

Sous le titre "Histoire de l’École de Médecine Dentaire et de Stomatologie de l’U.C.L", le Pr Albert Vermeerschécrit en 1993:

" Dès la fin des hostilités dans notre pays (1945) et la reprise des activités à l’Université, l’Institut de Stomatologie trouva refuge "provisoirement" dans l’aile des Cliniques St-Raphaël occupée par le service de Pédiatrie. Pendant vingt ans, l’Institut allait y végéter avec, au rez-de-chaussée, outre l’administration, le bureau directorial et une salle d’attente, quelques boxes munis d’une dizaine d’installations, un peu plus perfectionnées pour l’époque, car munies de tours électriques à 4.000 tours/minute, et, au sous-sol, trois petits laboratoires pré-cliniques dont l'un faisait, en outre, office de salle de cours. Le rez-de-chaussée devait encore être partagé avec le service d’Ophtalmologie, ce qui n’allait pas toujours sans heurts. Ceux-ci étaient principalement causés par l’exiguïté de l’étage et des emplacements réservés à chacun des services. Quelques empoignades entre les professeurs d’Ophtalmologie (M. Appelmans) et d’Orthodontie (A. de Biourge)de l’époque sont restées célèbres dans la petite histoire de l’Institut.

Après vingt années de régime harassant (de1939 à 1959, le Pr L. Vande Vijver donnait tous les cours de dentisterie et de sa pratique),le moment arriva où il estima nécessaire de s’adjoindre uncollaborateur académique. Ayant la déception de ne pas trouver,parmi ses collaborateurs cliniques de l’époque, le type d’individuqu’il convoitait, il se tourna vers le privé et son choix se fixasur un concitoyen dont il avait suivi et apprécié sans doute,la carrière professionnelle. Le Recteur, Monseigneur Van Wayenberghaccepta la proposition et le nomma en 1959, assistant chargé d’enseignement.C’est ainsi que je puis, modestement, m’enorgueillir d’avoir étéle premier licencié non médecin à faire partie de laFaculté de Médecine et d’y avoir atteint le titre de ProfesseurOrdinaire, émérite à présent (1982).


Je fus chargé des cours de dentisterie opératoire ainsi nommés à l’époque (pour les soins conservateurs),  et dont je repris le syllabus de Van de Vyver, la première année. Je fus chargé aussi du cours d’anatomie dentaire ainsi que de tous les exercices pré-cliniques de première licence et ceci dans les deux langues nationales. Deux années plus tard, en 1961, Abel Lejeune, précédemment directeur du service de stomatologie, en gestation à Lovanium, au ciavant Congo Belge, préférant, ou peut-être obligé, de quitter la colonie suite aux événements suscitéspar l’indépendance, rejoint notre Université et est incorporéà l’Institut de Stomatologie. Il vint ainsi décharger Van de Vyver de l’enseignement de la prothèse aux étudiants francophones. Le staff se complétait ainsi en rejoignant le Professeur Andréde Biourge qui était en charge du cours et de la consultation d’orthodontie depuis quelques années déjà.

Pour ce qui concerne la stomatologie, elle était sous la responsabilitéde Raymond Douniau. Il fut nommé chargé de cours et ensuite professeur en remplacement de Van de Vyverlorsque celui-ci prit sa retraite (1971) et ce pour donner le cours destomatologie aux étudiants en médecine et partager avec P. Lechien la responsabilitéde l’enseignement de la pathologie et de la thérapeutique des affections buccales et de la chirurgie maxillo-faciale aux licenciés. Après une carrière relativement courte d’une dizaine d’années,R. Douniau prit sa retraite en 1980.

" Sur ces entrefaites, Abel Lejeune avait été nomméchef de service des différents départements francophones de l’Institut de Stomatologie et de Dentisterie. Cette lettre de nomination signée par Mgr Massaux et datée du 1er septembre 1967 peut donc être considérée comme la date à retenircomme étant celle de la création de l’Institut Francophone.Cependant, lorsque j’ai reçu copie de la lettre annonçantcette nomination et estimant l’intitulé du service un peu compliqué,j’écris à Mgr Massaux pour lui demander de pouvoir faireusage d’un intitulé totalement rénovateur notamment : "Ecolede Médecine Dentaire". Cette proposition fut acceptée àcondition d’y ajouter : "et de Stomatologie".
L’E.M.D.S. était née et nous avons fêté, le 13 février 1993, avec quelque cinq mois de retard, son quart desiècle d’existence.

La création de l’E.M.D.S. concorde, à une année près, avec l’installation dans le nouvel Institut à St-Raphaël, promis par Mgr Van Wayenbergh, lors du 50ème anniversaire de lacréation de l’Institut en 1955 (en 1905, la Faculté de Médecinede l’UCL avait créé un enseignement et un service de stomatologie, le premier en Belgique). Nous ne nous doutions pas que ce serait une installation encore une fois provisoire.

Ce fut le grand mérite du professeur Van de Vyver d’avoir réfléchi, étudié, dessiné et programmé chaque localdestiné aux différents départements qu’il dirigeait.Les plans prévoyaient 4 étages à occuper respectivementpar la Stomatologie proprement dite, la Dentisterie Opératoire,la Prothèse et, au sous-sol, un auditoire et les laboratoires pré-cliniques,sans compter un étage opératoire et un étage d’hospitalisation,tous deux à partager avec l’Oto-rhino.

Cependant, la destination des locaux dut être modifiée, heureusement encore avant le parachèvement intérieur, car dès 1963, on s’attendait à la séparation des deuxrégimes linguistiques, mais sans prévoir encore le pire :l’expulsion. Les étages destinés à l’origine àla Dentisterie Opératoire et à la Prothèse furent attribués respectivement à la section francophone et flamande des deux disciplines. Les autres étages furent occupés en commun, soulignons-lesans heurts et en toute camaraderie, par les deux régimes. Ce nouvelInstitut entra en fonction en 1968 au moment où le nombre d’étudiants en dernière licence avait atteint la cinquantaine, francophoneset flamands confondus. Dorénavant, ils allaient pouvoir et devoirtravailler séparément.

Le fait de voir attribuer un étage séparé au régime francophone, nous donna un peu plus de liberté pour revoir la destination des locaux. C’est ainsi que je parvins à obtenir de l’administration un petit module en bout de couloir que je destinais à la recherche, totalement inexistante à l’époque. Lorsqu’il entra en fonction, l’inscription pompeuse "Laboratoire de Recherche" fixée àla porte nous a valu un gag estudiantin sous forme d’une petite inscription accrochée à la précédente avec ces mots : "Qu’a-t-on perdu ?". Le premier objet important, offert par Marcel Joachim, fut unmicroscope dont l’installation donna lieu à une petite cérémonie intime au sein du staff à laquelle Mgr Massaux avait acceptéd’assister et au cours de laquelle je lui présentai mes deux premiers doctorants, futurs utilisateurs de l’objet : José Vreven et Christiane Demars. Ce petit labo se meubla petit à petit de ce qu’il fallait pour procéder à des investigations bactériologiqueset histologiques et, grâce aux activités croissantes on luiattribua, plus tard à Woluwé, une dimension trois àquatre fois supérieure."

" C’est ainsi qu’après avoir, pendant plusieurs années, discuté avec le Professeur Van de Vyver des plans du Kuithoek, les choses se répétèrent et nous fûmes quelques-uns à être sollicités pour dresser un cahier de charge pour notre future maison (à Woluwe-Saint-Lambert). À cette occasion, j’ai eu le plaisir de pouvoir effectuer un voyage d’étude avec Mgr Massaux auquel je désirais faire visiter quelques Ecoles Dentaires, considérées comme des modèles du genre, dans différents pays d’Europe, notamment en Suisse, en Allemagne, au Danemark et en Suède. Je me dois de mentionner que ce voyage nous fut offert par l’un des deuxreprésentants des anciens au Conseil d’École, le docteur MarcelJoachim. À ce propos, je me permets de citer un passage du livre d’OmerMarchal, consacré à Mgr Massaux. Lorsque Marchal demande àMgr Massaux : "A la suite de la mort de vos parents, tués lors d’unbombardement allemand, avez-vous gardé un ressentiment, voire uneforme de haine à l’égard des allemands ? Mgr répondit: "Je veux être franc : j’ai eu beaucoup de mal à retourneren Allemagne, même pour des congrès bibliques. Je n’y suis retournéque le jour où, par devoir, j’ai dû aller visiter différentesEcoles Dentaires parce qu’il fallait créer une nouvelle Ecole au seinde notre Université".

Petit à petit, les bâtiments de la Faculté de Médecine, les Tours réservées à la Recherche, les Cliniquesqui furent baptisées Saint-Luc, patron des Médecins, et lebâtiment isolé de l’EMDS se dressèrent à côtédu moulin de Woluwé (celui-ci ne sera installé àcet endroit qu’après 1980). Nous allions parfois errer entreles parois de béton pour reconnaître nos futurs bureaux etaires de travail, déjà repérés sur les plans.Je tiens à signaler ici que mon premier chef de clinique adjointde l’époque, Jacky Huysmans,joua un rôle important dans l’aménagement de la clinique proprement dite avec, entre autres réalisations nouvelles, la fameuse salle de trays (destinée au nettoyage et à la stérilisation des instruments), réalisée en étroite collaboration avec Jean-François Simon,qui semble si naturelle aux utilisateurs actuels, mais qui fut une innovationque nous envient fréquemment les visiteurs.

… le déménagement à Woluwé se profilait à l’horizon. Cela se passa en plusieurs étapes et débuta fin 1975 lorsqu’une première antenne d’une dizaine d’étudiants stagiaires s’installa à Woluwé sous la direction de JackyHuysmans, ce qui lui donna l’occasion de tester la valeur de la nouvelleorganisation. Sans entrer dans le détail des étapes successivesdu déménagement, disons que le transfert fut terminépour le début de l’année académique 1977-78.

Ici, prend fin la période de l’Histoire de notre Ecole dontje m’étais proposé de placer le jalon final à la date du 15 septembre 1977."