Abstracts
Emmanuelle Vareille (Université d'Avignon)
Patrice de La Broise (GERICO, Université Charles-de-Gaulle
- Lille 3)
Évaluation ou sanction : pourquoi et comment
enquêter dans les musées ?
"Vous savez, je n'y connais rien. Demandez plutôt
à mon mari, il saura vous répondre mieux
que moi ". Fin de non recevoir, évitement,
ou réserve ? Nous sommes dans le hall de la
Grande Galerie de l'Évolution, au Muséum
National d'Histoire Naturelle, un lieu de délectation
et d'éducation non formelle comme ont vocation
à l'être les musées et les expositions.
L'argument (ou le prétexte) que le visiteur
oppose ici aux sollicitations de l'enquêteur
n'est pas anodin. Il en dit long sur la manière
dont les procédures d'évaluation sont
parfois ressenties ou vécues par les publics
de musées. Combien de réponses et "
non-réponses " aux questionnaires d'enquête
traduisent la crainte d'un jugement, d'une appréciation
de la part de l'enquêteur (ou de l'institution)
à l'égard de l'enquêté ?
Par-delà le biais méthodologique inhérent
à tout protocole d'enquête, comment faire
en sorte que le visiteur ne se sente pas reçu
ou recalé à ce qu'il peut vivre comme
un contrôle des connaissances ?
La question vaut
pour l'ensemble des enquêtes relatives aux pratiques
culturelles, mais se pose avec d'autant plus de force
en ces lieux de savoirs que sont les musées.L'évaluation, pour ce qu'elle signifie étymologiquement
(évaluer, c'est donner une valeur), mais surtout
pour sa filiation directe avec l'univers scolaire,
est étroitement liée à l'idée
de sanction. Et les évaluations préalables,
formatives ou sommatives à l'oeuvre dans les
expositions ne font rien de moins que de sanctionner
la faisabilité, la portée ou l'impact
d'un projet ou d'une réalisation muséographiques.
Encore faut-il ne pas se tromper sur les objectifs
de l'évaluation et les méthodes qu'elle
requiert. Que (ou qui) prétend-on évaluer
? On sait que, à la différence de l'expertise,
l'enquête interroge des pratiques déclarées
ou procède par observation. Mais quel est donc
le statut du visiteur interrogé sur une exposition
dont il constitue le public : est-il convoqué
à titre de témoin, de juge, d'apprenant...?
À côté des enquêtes dites
de " fréquentation " et de "
satisfaction ", bon nombre d'évaluations
conduites dans les musées ambitionnent de mesurer
l'impact éducatif des expositions.
Mais les
méthodes d'investigations requises ne font peut-être
que transposer des procédures de validation
propres à l'éducation formelle. Une telle
transposition est-elle pertinente ? Est-elle seulement
justifiée ? Notre propos n'est pas ici de contester
l'intérêt heuristique et opératoire
des techniques d'enquêtes mobilisant des questionnaires
fermés. Mais il nous semble que les évaluateurs
ne sont pas seulement " comptables "des acquis
ou bénéfices intellectuels déclarés
par des visiteurs au sortir d'une exposition. Aussi,
nous proposons d'approcher la visite au musée
comme une expérience unique où se mêlent
des pré-acquis, des processus cognitifs et affectifs
dont les questionnaires ou grilles d'observations les
plus classiques ne suffisent probablement pas à
rendre compte.
Dans cette communication, nous nous proposons, dans
un premier temps, de dresser un état des lieux
des méthodes d'enquête requises pour l'évaluation
au musée en considérant l'héritage
des sciences de l'éducation. Puis nous examinerons
quelques protocoles d'évaluation qui, parce
qu'ils intègrent des formes originales de ratification
des participants engagés dans la situation d'enquête
(au sens où l'évaluateur questionne,
sur le mode compréhensif, le vécu d'une
expérience et non pas seulement l'acquisition
de savoirs), permettent de corriger le caractère
arbitraire (sanction) de l'évaluation. Nous veillerons, tout au long de notre exposé,
à illustrer notre propos par quelques exemples
d'évaluations conduites, notamment, à
la Grande Galerie de l'Évolution (MNHN, Paris).
Mots-clefs : évaluation, média-exposition,
méthodes d'enquête, interaction, éducation
non formelle.
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