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Fabienne Thomas (GReMS - COMU - UCL)

Formels, informels : les savoirs " caméléons " ?

Une recherche récemment menée portait sur l'analyse de documents pédagogiques élaborés par des firmes privées et touchant d'assez près aux questions d'écologie. Ces documents à destination des enseignants révèlent, dans un premier temps de nombreux attraits, tant au niveau de leur qualité technique que de la préparation des contenus de cours. Ces cours " prêts - à- donner " se donnent des allures typiquement scolaires : dossiers complets, présentation par fiches, information apparemment attestée, ciblage du public en fonction du niveau d'enseignement, etc. Cette apparente exhaustivité, la commodité des modes d'utilisation, la fragmentation par fiches, les propositions pédagogiques intégrées, etc. donnent à ces outils toutes les apparences du savoir prêt à entrer en classe.

Mais c'est sans compter le statut de leurs auteurs et les intentions qui président à l'élaboration de tels documents. L'étude a en effet montré qu'on ne pouvait pas entièrement échapper à certaines formes de déformation, voire de désinformation, pouvant engendrer des effets pervers sur les comportements de consommation, effets assez éloignés des objectifs annoncés. Ces supports ne s'avèrent être en fin de compte que des dossiers pseudo-pédagogiques.

i Le positionnement que se donnent les auteurs (celui de guides, d'adjuvants dans la réalisation des objectifs pédagogiques des enseignants et celui d'acteurs dans la défense de l'environnement), ii les modes d'interpellation choisis (enseignantspartenaires, enseignants et élèves citoyens), iii les contenus informationnels sélectionnés et présentés non sans traitement (le rapport à l'explicite et à l'implicite, l'analyse du dit et du non dit, du montré et du caché, des contextes illustrés, des ellipses, visuelles ou informatives, etc. sont des zones d'analyse intéressantes du travail opéré sur les contenus) , font de ces documents des outils de communication très stratégiques pour les entreprises...

Ces outils dits pédagogiques constituent donc autant d'éléments médiatiques face auxquels les enseignants devraient adopter les comportements critiques d'usage face aux médias traditionnels. Le savoir véhiculé sous des allures formalisées et sur les lieux de l'enseignement, fait en fait largement place aux savoirs informels alors que les intentions annoncées des auteurs s'attardent sur l'aspect formel de ces données. Les modes relationnels sont pédagogisés et les formes de cognition favorisés sont davantage la rétention d'information (parfois trompeuses), davantage que la prise de recul critique, la réflexion argumentée, et la décentration.

Cette démarche pédagogique particulière risque alors d'ébranler les représentations associées au positionnement réel des acteurs, voire de mener à un aplanissement de la complexité des forces socio-économiques en jeu dans ces questions d'écologie et d'enfreindre un réel débat sur l'intérêt de développer des comportements de consommation responsable.

La recherche montre l'importance pour les enseignants de développer des attitudes critiques face à ces documents et de les considérer comme des sources médiatiques classiques et non comme des documents pédagogiques qui auraient fait l'objet de confrontation. La lecture critique de ces documents, qui devraient entrer en classe moyennant un travail de préparation bien supérieur à celui annoncé par les auteurs, montre que les contenus informationnels informels peuvent se parer de dispositifs pédagogiques de transmission propres aux formels. Cette approche préalable ne pourra cependant s'opérer qu'au moyen d'outils d'analyse dont ne dispose probablement pas encore l'entièreté des enseignants.


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  Auteur: Pierre Fastrez — Modifications: Pierre Fastrez   
  Date de dernière modification: 09.03.2010