Colloque Savoirs Formels, Savoirs Informels (2000)

Abstracts

Jacques GONNET (CLEMI)

L'idée d'une lecture critique des médias a fait son chemin dans les systèmes éducatifs ces dernières décennies.Sous le titre de " éducation aux médias " des programmes sont proposés pour apprendre à décrypter les médias, mettre à distance bref, pour former le citoyen.Toutefois derrière ces mots consensuels se cachent des controverses vives. Dès l'apparition des médias, on constate des imaginaires diamétralement opposés sur ce qu'ils induisent.Ainsi, dans les années 1880, par exemple, aux États-Unis, le directeur des écoles publiques de Salem, Missouri, se faisait l'avocat de l'utilisation des journaux en classe. Abonné à soixante quotidiens qu'il distribuait chaque vendredi matin à ses élèves, il proposait des lectures comparées et argumentait sur la nécessité d'une information rigoureuse pour une démocratie active.Inversement, à la même époque, de nombreux écrits témoignent des dangers de la presse, de la nécessité d'une éducation stricte pour s'en défendre. En France, en 1928, l'abbé Bethleem consacre au sujet un ouvrage volumineux (621 pages) qui connaîtra un certain retentissement. Dans son introduction, on lit en caractère gras le résumé de sa pensée : " La presse toxique règne sur l'homme. Or l'homme n'est pas éclairé et il s'empoisonne. Il faut faire son éducation ". Len Masterman qui a été un des théoriciens et des praticiens les plus intéressants ces dernières années distingue trois approches de cette éducation : une approche " vaccinatoire " (il faut se vacciner contre les médias), une approche du " jugement de valeur " et une approche du décryptage sémiologique. Nous souhaiterions insister sur deux points qui complexifient encore notre relation aux médias : ils sont sources d'émotion, ce qui est difficilement gérable dans un système éducatif ; ils traduisent, par le pluralisme, l'existence d'une démocratie, c'est-à-dire d'un système où, par notre volonté, la pensée de l'autre a le même statut que la mienne.