Abstracts
Elisabeth Fichez, Joëlle Le Marec, Nathalie de Voghelaere
(GERICO, Université Charles de Gaulle, Lille 3)
Usages des réseaux en milieu universitaire :quelques articulations entre savoirs informels et normes
académiques
Cette contribution s'appuie sur une recherche en cours
sur l'émergence des usages d'internet dans une
université des lettres et sciences humaines
(Lille 3), depuis 1998. La recherche combine une enquête
auprès d'étudiants en début de
cursus sur leUR degré de familiarité
avec internet et leurs représentations des usages
à venir, un état des lieux sur les conditions
de mise en place des accès aux réseaux
auprès des acteurs impliqués et des entretiens
exploratoires approfondis aUprès d'étudiants,
d'enseignants et autres professionnels universitaires.
Nous souhaiterions développer deux points
théoriques et méthodologiques en rapport
avec la problématique du colloque, avant de
présenter quelques résultats, et perspectives
pour l'avenir.L'importance des normes d'action, de
savoirs procéduraux, et des représentations
sociales, dans la construction d'une problématique
sur l'émergence des usages.
Cette problématique est saisie à l'université,
dans un contexte surchargé d'arguments déjà
mis en forme, avec en particulier les représentations
pré-constituées du choc entre le dynamisme
généré par les nouvelles technologies
et l'immobilité inhérente aux institutions
publiques. L'université serait le pôle
immobile de la norme et des savoirs formels, sommé
de bouger sous la pression de l'innovation technique
et des mutations sociales. Le contexte initial de la
recherche est marqué par des changements très
rapides qui touchent tout à la fois les conditions
techniques et institutionnelles de mise en place des
réseaux sur le campus de Lille 3, le rapport
privé à l'informatique et aux réseaux
chez les étudiants et les enseignants, et le
discours d'accompagnement médiatique sur les
perspectives ouvertes par internet dans le rapport
au savoir.
Le questionnement nécessaire sur
une série d'articulations pré-constituées
qui structurent trop souvent implicitement les objets
et les thématiques de recherche: par exemple
les articulations entre milieu institutionnel et construction
des savoirs académiques d'une part, médias
et circulation des savoirs sociaux d'autre part ; ou
bien entre sphère privée et logiques
liées à l'imaginaire et aux passions
d'une part, sphère publique et logiques de la
technique et de la rationalité d'autre part.
La méthodologie en " mosaïque ",
très exploratoire, tente ainsi d'articuler plusieurs
dimensions de l'usage habituellement stratifiées
par niveaux, et donc rarement mises en relation :
conditions techniques et institutionnelles de mise
en place des usages du réseau au niveau institutionnel
global mais aussi pour des projets particuliers, logiques
de projets prises au niveau de la politique d'établissement,
mais aussi dans leur dynamique individuelle, situations
d'utilisation pédagogiques (par exemple avec
l'exercice académique du dossier) et en accès
libre (l'université est aussi un lieu de services
pour l'étudiant, tel que la messagerie électronique).
Cette approche en mosaïque qui consiste à
saisir plusieurs niveaux simultanés auprès
d'une variété d'acteurs (étudiants
et enseignants) n'est pas un patchwork d'études
dont on inventerait les complémentarités
nécessaires après coup : il s'agit de
trouver sur le terrain les entrées particulières
qui permettent de saisir la dynamique des relations
entre des usages individuels face au poste, des projets
pédagogiques ou non qui impliquent la mobilisation
de réseaux informels, et des cadrages institutionnels
et sociaux beaucoup plus larges. On cherche en quelque
sorte à trouver des endroits pertinents du
paysage universitaire, pour pouvoir traverser tous
les plans successifs avec la même approche.
Dans le cadre de cette communication, nous souhaiterions
présenter trois types de résultats qui
sont plutôt dès à présent
trois hypothèses pour reconduire la recherche
à travers une autre étude :
- L'université
comme environnement social où " coopèrent
" et s'affrontent continuellement des logiques
de formalisation du savoir (norme, prescription, inscription)
et des logiques de mobilisation de savoirs sociaux,
dans des combinaisons qui bousculent parfois les idées
reçues . Ainsi l'étudiant peut réclamer
de la norme et de la prescription pour bénéficier
des effets de légitimation qui en découlent,
tandis qu'inversement, les enseignants peuvent multiplier
les occasions de créer des situations "
expérimentales " qui sont en fait des situations
de communications sociales ouvertes.
- Le " projet
" comme unité d'analyse très transversale
en tant que technique de régulation du rapport
au nouveau, de réarticulation plus ou moins
provisoire des sphères publique et privée
et d'institutionalisation d'un type de relation entre
savoirs formels et savoirs informels.
- Les stratégies
mobilisées par les acteurs professionnels pour
développer des modes d'organisation ad hoc lorsqu'ils
développent des propositions innovantes. Ces
stratégies montrent bien à quel point
l'université apparaît comme un territoire
social et culturel, et pas seulement comme une institution
académique.
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