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Eric Adja (Université de Genève)

Les proverbes dans l'acquisition des savoirs informels au Bénin

Dans la culture des Fons du Sud-Bénin, le proverbe est beaucoup plus qu'un " court énoncé exprimant un conseil populaire, une vérité de bon sens ou d'expérience... " comme le définit le Larousse (2000). Cet article propose une relecture du proverbe fon, dans sa triple dimension sociale, pédagogique et psycho-cognitive. Trois questions orienteront notre investigation : i. " comment apprend-on les proverbes chez les Fons?" ; ii. " comment communique-t-on avec les proverbes fons?" ; iii. " comment connaît-on grâce aux proverbes fons?" .

En répondant à la première question, on verra à quel point l'apprentissage et la pratique des proverbes résultent de l'immersion sociale du sujet et se déroulent dans un contexte de négociation permanente du sens, ce qui demande à l'individu une constante ouverture au monde et aux autres. Cette analyse rejoint les théories psychosociologiques actuelles d'inspiration systémique, pour lesquelles le point de départ de la communication n'est plus le moi individuel mais l'interaction elle-même, avec le monde d'une part, et avec l'autre d'autre part.La deuxième question nous conduira à considérer de plus près les procédés d'énonciation de ces proverbes. On s'intéressera en particulier à une caractéristique originale du proverbe fon, son interactivité.

La possibilité d'une énonciation à double entrée sous forme de question-réponse permettant au locuteur de laisser le soin à son interlocuteur de deviner ou d'imaginer la suite du proverbe selon l'environnement mutuel partagé, permet une sorte de coconstruction ou de coénonciation au terme de laquelle la signification est construite matériellement et " en temps réel " au cours de l'échange interlocutoire . On soulignera la différence entre la communication-transmission des savoirs qui est en général la règle dans l'enseignement formel et la communication par le biais des proverbes qui se caractérise par une sémiotique de coopération (Grice 1979), et qui privilégie le principe de pertinence (Sperber et Wilson 1989).

Enfin, la troisième question nous conduira à étudier le rôle des métaphores dans le savoir parémiologique des Fons, lequel qui ne vise pas à l'acquisition pure et simple de connaissances désincarnées par rapport au monde et à l'environnement immédiats (comme c'est souvent le cas pour l'enseignement formel en Afrique), mais plutôt à la sagesse, ce savoir-faire éthique spontané qui donne à penser la cognition comme activité concrète de tout l'organisme. Cette perspective sera l'occasion de rapprocher la pratique cognitive du proverbe fon à la théorie de la connaissance comme "énaction" développée par des auteurs comme Rosh et Varela (1993) pour qui la cognition ne consiste pas en représentations pures et simples, mais en une batterie d'actions incarnées, tant est qu'une grande partie de notre vie mentale relève du faire-face, et d'une connaissance immédiate et spontanée de la réalité.


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  Auteur: Pierre Fastrez — Modifications: Pierre Fastrez   
  Date de dernière modification: 09.03.2010