Colloque Dispositifs et Médiation des Savoirs (1998)

On peut considérer la notion de "dispositif" comme un concept émergeant par conséquence de l'apparition de nouveaux médiateurs du savoirs, voire de formes nouvelles de savoir fondées sur des médiateurs. On peut aussi - et c'est le point de vue qui sera développé ici - fonder l'étude des processus mentaux, et plus particulièrement cognitifs sur la notion de dispositif.

On exposera d'abord la notion d' "objet intellectuel" qui constitue une des premières formulations, et des plus élégantes, de l'idée de dispositif. C'est en 1935 que le psychologue Pierre Janet a présenté l'idée que les objets produits par l'activité humaine, se distinguent des objets naturels par le fait qu'ils sont porteurs et médiateurs de connaissances. Les "objets intellectuels" sont en fait constitutifs de l'ensemble de l'environnement humain, qui se définit ainsi comme culture. On peut donc considérer - et l'on tentera de valider empiriquement cette affirmation - que nulle civilisation, si léger que soit son équipement matériel technique, ne se développe dans un milieu naturel.

L'environnement humain , même quand il ne résulte que de transformations matérielles peu profondes du milieu naturel où il est établi, est constitué d'objets intellectuels, qui sont autant de dispositifs mentaux.

On est donc fondé à considérer que le fonctionnement cognitif nécessite absolument l'association de l'activité mentale avec un dispositif, ou une "machine. On présentera une première catégorisation de ces machines en faisant fonds tant sur les travaux des anthropologues que sur ceux des ergonomes. En particulier, on reprendra la notion suggérée par Engelbart d'un système indissociable unissant le sujet connaissant avec son équipement matériel de pensée et d'action. Partant du système "H-LAM/T" d'Engelbart, on développera la notion de formation dialogique homme-machine. Grâce à cette dernière, on se propose de faire fonctionner la notion de dispositif cognitif dans les situations actuelles, où l'activité mentale recourt à une forte instrumentation, tout autant que dans les situations plus lointaines - dans le temps ou dans l'espace - où les dispositifs cognitifs étaient moins visiblement concrétisés dans des objets intellectuels.

On concluera en effet, selon l'aphorisme célèbre qui veut que l'anatomie de l'homme soit la clef de l'anatomie du singe, que les dispositifs actuels de médiation rendent manifeste le caractère essentiel, quoique jadis moins apparent, du fonctionnement mental humain, de ne pouvoir se réaliser sans outil.