Colloque Dispositifs et Médiation des Savoirs (1998)
Une épreuve culturelle : comment disposer de sa vie ? Formulations identitaires et dispositifs de médiation.
Nous nous proposons d'aborder la question suivante : comment tentons-nous aujourd'hui d'être en prise sur notre propre vie là où celle-ci nous échappe, de nous (re)trouver quand nous faisons l'expérience de nous perdre? Nous pouvons vivre en effet des sentiments d'incertitude, de fuite, d'évanescence, d'écoulement, de dilution, etc., de notre vie en lien notamment à sa fragmentation, à ses ruptures, à sa précarité, etc., dès lors qu'elle ne s'inscrit pas et ne se joue pas dans des cadres et sur des scènes portés culturellement et qui nous en permettraient l'appropriation. Notre point de départ est celui-ci. Avant l'idée de ce colloque, nous avions le projet d'étudier l'articulation entre "formulations identitaires et dispositifs de communication" aujourd'hui en pensant tout spécialement à ce qui se passe dans l'expérience quotidienne de la "multiappartenance", celle que nous vivons tous dans les contrastes entre nos différentes sphères temporelles, spatiales et sociales, personnelles et professionnelles, et de façon plus spécifique, celle vécue par des personnes immigrées . Quelles sont les voies de communication qu'empruntent alors les questions d'identité pour trouver à se formuler? Nous partons de situations où "ça ne va pas", où l'identité fait problème, personnellement et/ou professionnellement, et où l'on a recours à des dispositifs au sein desquels se traite cette épreuve; nous pensons ici aux multiples lieux de psychothérapie et de formation, et une question centrale pour nous est celle de savoir comment ce qui s'y passe et ce qui s'y joue s'articule avec le reste de la vie des personnes qui s'y investissent. L'hypothèse que nous développerons est que ces dispositifs de communication essayent de permettre une mise en forme des épreuves identitaires, qu'ils se veulent des garants d'une expression de l'identité en train de se faire, ou encore, plus précisément, qu'ils cherchent à permettre aux gens de "cadrer" et de mettre en scène leur expérience pour l'actualiser et la réaliser, pour s'actualiser et se réaliser. Cette articulation conceptuelle autour des notions de cadre et de mise en scène, d'actualisation et de réalisation, qui cernent une mise en forme d'une expérience fuyante, sera au centre de notre propos et croisera celle de dispositif. Nous interrogerons d'abord cette dernière dans son caractère à la fois englobant et à chaque fois spécifique, en la déconstruisant , c'est-à-dire en distinguant ce qu'elle peut désigner de spécifiquement technique, de cognitif, de social ou encore de normatisation de l'expérience affective et morale. Le modèle théorique de J. Gagnepain, qui utilise le concept de dispositif, sera ici utile. Nous déployerons alors notre question, qui est celle du comment : comment s'opère la reprise de l'expérience comme expérience elle-même, comme tentative de construction de savoir, en situation, en acte, par la médiation de ces dispositifs de traitement, de travail personnel ou de formation? Nous prendrons nos repères en psychanalyse, en ethnologie, en psychosociologie et en narratologie, en confrontant les théorisations qui y ont été faites respectivement du transfert, des rituels de thérapie dite traditionnelle, de l'autobiographie et du récit; chacun de ces concepts se voit en effet articulé aujourd'hui à celui de dispositif dans chacun de ces champs disciplinaires. Nous avancerons en développant et en commentant un certain nombre d'illustrations prises dans nos domaines de recherche respectifs.
|
Auteur: Hugues
Peeters
Modifications: Pierre
Fastrez
Date de dernière modification:
09.03.2010