L’action des inhibiteurs calciques appartenant au groupe des dihydropyridines (nicardipine, nifédipine, nitrendipine) réside essentiellement en une diminution de la postcharge ventriculaire gauche. Il s’agit de vasodilatateurs puissants qui diminuent les résistances périphériques totales, et abaissent la pression artérielle. La veinodilatation est minimale et n’induit que de très faibles variations de précharge. La fréquence cardiaque est transitoirement augmentée par un phénomène de tachycardie réflexe lié à la stimulation du baroréflexe. La contractilité myocardique semble totalement préservée avec les dihydropyridines. Ils sont principalement indiqués dans le traitement de l’hypertension artérielle.
Peu d’inhibiteurs calciques possèdent des effets chronotropes négatifs. Il s’agit du vérapamil, et à un moindre degré du diltiazem et du bépridil. Ils représentent la classe IV des antiarythmiques selon Vaughan-Williams. Ils sont inotropes négatifs, mais de façon modérée et cet effet est contrebalancé par la réduction de la postcharge ventriculaire gauche. Ils sont indiqués dans le traitement de l’hypertension artérielle et de l’angor.
Quel est le risque d’événement ?
A l’arrêt du traitement
Un arrêt inopiné du traitement en phase préopératoire pourrait favoriser un effet rebond hypertensif périopératoire, voire l’apparition d’épisodes d’ischémie myocardique.
Au maintien du traitement
Ces molécules sont mieux tolérées sur le plan hémodynamique après induction anesthésique que les sartans, entraînant moins d’hypotensions, un recours moins fréquent à éphédrine ou à la néosynéphrine, et moins d’hypotensions réfractaires nécessitant l’administration de terlipressine. Les inhibiteurs calciques (et notamment le diltiazem) réduiraient l’incidence des phénomènes ischémiques myocardiques, ainsi que des troubles rythmiques supra-ventriculaires après chirurgie non-cardiaque.
Existe-t-il une interférence avec les médicaments de l’anesthésie ?
Les agents anesthésiques possèdent des effets électrophysiologiques cardiaques pouvant, en théorie, renforcer l’effet des médicaments anti-arythmiques durant la période périopératoire, avec un risque d’apparition ou d’aggravation de troubles de la conduction ou d’effets pro-arythmiques.
Les agents halogénés agissent de façon concentration-dépendante sur la conduction auriculaire, la conduction auriculo-ventriculaire (comme le font les inhibiteurs calciques) et le tissu ventriculaire. Le vérapamil semble réduire la tachycardie et l’hypertension associées à l’extubation trachéale et au réveil anesthésique, période à risque chez les coronariens ou chez les patients à risque. Cependant, il possède un effet inotrope négatif additif à celui de l’halothane ou de l’isoflurane, surtout chez les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche.
L’utilisation d’halothane est devenue rare, mais de part ses effets dépresseurs myocardiques, son association à un traitement par vérapamil peut être délétère, ainsi il semble préférable d’utiliser l’isoflurane, le desflurane ou le sévoflurane (grade B).
Il n’a pas été rapporté d’événements morbides liés à de potentielles interactions entre le propofol et les inhibiteurs calciques.
L’utilisation de bupivacaïne, (notamment par voie péridurale) chez les patients traités au long cours par vérapamil doit être évitée en raison de la survenue d’hypotension ou de bradycardie (grade C). L’utilisation de lidocaïne semble alors préférable pour toute ALR, bien que l’association diltiazem ou vérapamil et lidocaïne puisse augmenter de façon expérimentale la toxicité cardiaque de la lidocaïne (grade B). Il ne semble pas exister d’interactions néfastes entre la bupivacaïne et les dihydropyridines.
Le chlorure de calcium s’oppose aux effets inotropes négatifs du vérapamil mais pas aux effets bathmotropes négatifs induits par l’association halogénésvérapamil.
Les inhibiteurs calciques ralentissent les mouvements de potassium intracellulaire. Il existe donc un risque théorique d’hyperkaliémie dans ce contexte notamment après apport de potassium exogène ou transfusion sanguine.
Le vérapamil mais aussi la nifédipine potentialisent expérimentalement les effets bloquants neuro-musculaires des curares dépolarisants et non-dépolarisants. L’antagonisation du bloc neuro-musculaire pourrait être rendue partiellement inefficace en raison de la réduction de libération présynaptique d’acétylcholine due à
l’administration d’inhibiteurs calciques. Cependant, ces interactions ne semblent pas pertinentes en pratique clinique.
Les dihydropyridines administrées avant l’induction anesthésique préservent la contractilité myocardique, permettent un contrôle tensionnel lors de l’intubation et de l’incision. Cependant, elles induisent une vasodilatation systémique responsable de l’activation du baroréflexe et d’une tachycardie compensatrice, pouvant être potentiellement à l’origine d’une ischémie myocardique postopératoire chez les patients à risque coronarien. Aucune interaction médicamenteuse vraie n’est retrouvée avec les morphiniques.
Proposer une stratégie d’arrêt, de maintien et/ou de substitution
La poursuite d’un traitement par inhibiteur calcique, à visée antiarythmique ou antihypertensive, durant la période périopératoire est actuellement recommandée (grade C).
Proposer une technique d’anesthésie et d’analgésie adaptée
L’anesthésie générale n’est en aucun cas spécifique. Il convient de surveiller étroitement l’hémodynamique (fréquence cardiaque, pression artérielle), et d’optimiser la volémie.
Proposer une stratégie de reprise du traitement
Elle est orale dans la plupart des cas dès le premier jour postopératoire. En cas d’impossibilité de la voie orale, le recours à la nicardipine en cas de poussée hypertensive ou au diltiazem IV en cas d’arythmie supra-ventriculaire peut être licite.