Le mode d’action des antidépresseurs (ATD) laisse prévoir des interférences potentielles avec l’anesthésie et la réanimation. La classification basée sur des critères pharmacologiques distingue cinq classes d’ATD:
-Les imipraminiques ;
-Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ;
-Les inhibiteurs de la dégradation des monoamines (IMAO) ;
-Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (ISRN) ;
-Les non IMAO, non imipraminique, non ISRS dits de mécanisme
pharmacologique différent.
Quel est le risque d’événement ?
A l’arrêt du traitement
L’arrêt brutal expose au risque de récidive symptomatique de dépression (grade A). Tous les ATD sont susceptibles d’induire un syndrome de sevrage. En l’absence de décroissance posologique progressive, un syndrome de sevrage peut apparaître dans les 4 à 8 jours qui suivent l’arrêt du traitement. Les symptômes habituels sont : anxiété, irritabilité, fatigue, cauchemars, insomnie, sensations vertigineuses, nausées, céphalées, syndrome pseudo-grippal. Il cède à la reprise du traitement à la dose antérieure (grade A).
Il est recommandé de maintenir les ATD jusqu’au matin de l’intervention et de les reprendre précocement (accord fort).
Existe-t-il une interférence avec les médicaments de l’anesthésie ?
Chez un patient, traité par ATD, de nombreuses associations médicamenteuses, en particulier des médicaments utilisés au cours de la période peropératoire ou postopératoire, peuvent déclencher soit un syndrome anticholinergique soit un syndrome sérotoninergique. Les syndromes anticholinergique et sérotoninergique sont largement méconnus, probablement parce
que leurs formes mineures sont confondues avec d’autres causes de syndrome confusionnel et traités efficacement de manière symptomatique.
Le traitement des deux syndromes est premièrement préventif en évitant les associations médicamenteuses favorisantes, et deuxièmement repose sur la reconnaissance précoce de la complication permettant d’arrêter les médicaments en cause et sur le traitement symptomatique des troubles.
Les syndromes anticholinergiques et sérotoninergique surviennent moins de 12 heures après une augmentation de posologie d’un des médicaments ou après une nouvelle association médicamenteuse. Ils peuvent être reconnus au cours de la phase de réveil ou dans les premiers jours postopératoires.
Le syndrome anticholinergique doit être recherché en présence de signes centraux, notamment une confusion, et de signes généraux, et reconnu devant l’existence de signes spécifiques associés: muqueuses sèches, érythème cutané, peau sèche au toucher, mydriase, absence de bruits intestinaux (grade C). L’association d’imipraminique à des médicaments à action anticholinergique peut provoquer un syndrome anticholinergique (grade B ou C).
Un syndrome sérotoninergique doit être recherché en présence de signes centraux, comme agitation ou confusion, et de signes non spécifiques dont l’hyperthermie, devant les signes spécifiques suivants : hypersialorrhée, sueurs profuses, bruits intestinaux importants, hyperréflexie, clonus spontané ou provoqué, augmentation du tonus musculaire avec rigidité (grade B). Ce syndrome peut être déclenché chez un patient traité imipraminique ou SIRS, ou IMAO, et recevant dans les moins de 6 h un nouveau médicament à action sérotoninergique.
L’association d’un ATD de type IMAO, ISRS, IRSN ou de mécanisme pharmacologique différent à un morphinique comme la péthidine, le fentanyl et le tramadol (grade C) et le linézolide (grade B) peut provoquer un syndrome sérotoninergique.
Proposer une stratégie d’arrêt, de maintien et/ou de substitution
Le risque d’interactions médicamenteuses peropératoires avec les imipraminiques apparaît faible pour les conséquences cardiovasculaires (grade B).
Le rôle d’interactions médicamenteuses avec les imipraminiques dans la confusion postopératoire existe, mais est sans doute ignoré (grade C).
Les imipraminiques peuvent être maintenus en période périopératoire chez les patients ASA I et II indemnes de pathologies cardiovasculaires. (accord fort)
Il est souhaitable d’interrompre les imipraminiques chez les patients avec une pathologie cardiovasculaire en raison de l’interaction possible entre les imipraminiques, le terrain cardiovasculaire et l’anesthésie (accord fort)
Le relais peut être fait sur avis psychiatrique dès la consultation préopératoire par substitution immédiate (grade D).
Les modifications hémodynamiques peuvent être traitées par remplissage vasculaire en première intention puis avec de l’éphédrine à dose titrée et par la noradrénaline en cas d’échec (grade D).
La survenue d’une confusion postopératoire doit faire rechercher d’une part les signes spécifiques d’un syndrome anticholinergique ou sérotoninergique, et d’autre part les médicaments potentiellement en cause qui doivent être évités (grade D).
Il existe un risque faible de déclenchement d’un syndrome sérotoninergique chez ces patients lors d’administration de morphiniques, en particulier la péthidine, le fentanyl et surtout le tramadol, qui doivent être évités chez ces malades. Les autres morphiniques peuvent être utilisés (grade B).
Le linézolide peut être utilisé si nécessaire en présence d’un ISRS à condition d’encadrer sa prescription d’une surveillance clinique étroite et d’un arrêt de l’ISRS à la moindre suspicion de syndrome sérotoninergique (grade C).
Au cours des chirurgies à risque hémorragique élevé l’association aux antiplaquettaires en particulier l’aspirine doit être discutée (grade D).
Stratégies d’arrêt de maintien ou de substitution : IMAO
Un traitement par IMAO ancienne génération doit être maintenu avec une discussion pluridisciplinaire. (accord fort)
Un traitement par IMAO d’ancienne génération (iproniazide : Marsilid®) peut être maintenu en période périopératoire si le risque de décompensation psychiatrique apparaît important. La prise en charge en cas de maintien doit éviter
l’utilisation de péthidine, fentanyl et tramadol. Les autres morphiniques sont utilisables (grade D).
Si le traitement est suspendu, il doit être arrêté au moins 2 semaines avant l’intervention en raison du mécanisme d’action du médicament (grade A). Il peut être proposé, en accord avec un psychiatre, un relais avec un autre ATD (grade D).
Un traitement par IMAO de nouvelle génération (moclobémide : Moclamine®) peut être maintenu en période périopératoire. (accord fort)
La prise en charge doit éviter de principe l’utilisation de péthidine, fentanyl et tramadol. Les autres morphiniques sont utilisables (grade D).
Toute hypotension artérielle peropératoire chez un patient sous IMAO doit être traitée par remplissage vasculaire en première intention. L’utilisation prudente des vasopresseurs est possible, par titration en commençant au tiers de la dose habituelle (grade C).
Un syndrome sérotoninergique est favorisé par l’association aux ISRS, IRSN et à moindre degré aux autres ATD. Une telle association doit être évitée en période périopératoire (grade D).
Pathologies endocriniennes
Groupe de travail
Responsables du groupe : Pr Marc Raucoules (CHU de Nice) Experts : Pr Karim Asehnoune (CHU de Nantes) Dr Michel Carles (CHU de Nice) Dr Arnaud Deleuze (Clinique de Mougins, Mougins)
Traitements
Glucocorticoides Antidiabétiques oraux