La prise en charge de ces patients se fera en accord avec le superviseur de la salle d’opération et/ou le superviseur du service POPS (adulte ou pédiâtrie) et/ou les superviseurs de la consultation d’algologie.
Cas du patient âgé (> 80 ans)
Avec l’augmentation de l’espérance de vie, de plus en plus de patients âgés subissent une intervention chirurgicale.
- 50-75% des patients âgés rapportent une prise en charge insuffisante de leur douleur postopératoire
- ces patients souffrent souvent de douleurs chroniques depuis plusieurs années (arthrose…). Prévalence de la douleur chronique dans la population générale = 35% !
- pathologies associées è insuffisance rénale chez 20-30% des patients >65 ans !
- traitements médicamenteux è risques d’interactions médicamenteuses et risques de sevrage ( ! benzodiazépines)
Recommandations formalisées d’experts. Aubrun F. Ann Fr Anesth Réanim 2009 ; 28.
Cas du patient obèse
Calcul de l’index de masse corporelle (BMI) = poids (kg)/ taille2 (m2)
Underweight |
BMI < 20 |
Normal |
BMI > 20 - < 27 |
Overweight |
BMI 27 - 30 |
Obese |
BMI 30 - 40 |
Morbidly obese |
BMI > 40 |
Prévalence actuelle de l’obésité dans les pays européens : 10-20% chez l’homme et 10-25% chez la femme. On constate une augmentation de ±5% par an, et ce dans toutes les tranches d’âge. Ceci a entraîné un recours plus fréquent à la chirurgie chez les patients obèses.
Pour une review des problèmes chez l’enfant (Curr Opin Anaesthesiol 2008 ;21:308-12) :
Concernant les patients adultes :
Risques : morbidité et mortalité (Calle et al. NEJM 2003)
- syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) très fréquent (60-90% des patients obèses) è !! benzodiazépines (qui diminuent la tonicité des muscles pharyngés) et morphiniques
L’analgésie postopératoire des patients obèses est en principe multimodale.
1. Si possible, utiliser une technique d’analgésie loco-régionale (péridurale, bloc nerveux périphérique, infiltration de la plaie opératoire).
L’administration intrathécale de morphine est discutable : risque de dépression respiratoire chez les patients obèses
2. Pour les morphiniques administrés en PCA : pas de débit continu et ¯ doses de 20-30% en cas de patient avec SAOS non traité. Si le patient est traité par CPAP, il peut bénéficier des doses standards d’analgésiques opiacés. Surveillance postopératoire ++ (scores de douleurs et paramètres vitaux).
- risques thromboemboliques accrus (prévention mécanique et médicamenteuse prophylactique)
- risques accrus de lésions nerveuses périphériques, de syndromes des loges…
Cas de la patiente qui allaite son bébé
- tous les dérivés opiacés passent la barrière placentaire et peuvent s’accumuler chez le nouveau-né où leur métabolisme peut être différent (certaines voies sont encore immatures)
- les dérivés opiacés ainsi que certains médicaments passent dans le lait maternel mais à faibles concentrations. Plusieurs études ont mesuré les concentrations de morphine lors de l’utilisation d’une PCA morphine et elles sont rassurantes. Par contre, il faut être prudent avec le tramadol et la péthidine (mépéridine) est contre-indiquée (métabolite actif norpéthidine s’accumule chez le nouveau-né)
- le paracetamol et les anti-inflammatoires non-stéroidiens (diclofenac, ibuprofène, kétorolac) sont également permis
Belbachir et al (comité d’experts de la SFAR).
Ann Fr Anesth Réanimation 2008 ; 27 :966-68.
Patient avec insuffisance rénale
- les pompes PCA sont habituellement des PCA piritramide (Dipidor®), agoniste µ qui ne possède pas de métabolites actifs éliminés par le rein
- la pose d’un cathéter péridural est généralement contre-indiquée chez les patients dialysés (insuffisance rénale sévère) en raison d’un risque accru d’hématome péridural (lié à la pathologie et aux anticoagulants de la dialyse)
- prudence avec l’administration de kétamine dont le métabolite actif, la norkétamine, responsable des effets secondaires dysphoriques est éliminé par le rein et peut donc s’accumuler ! le même problème concerne le tramadol !
- prudence également avec la clonidine, la gabapentine/prégabaline qui peuvent également s’accumuler (élimination rénale)
Belbachir et al (comité d’experts de la SFAR).
Ann Fr Anesth Réanimation 2008 ; 27 :966-68.
Patient avec insuffisance hépatique
Belbachir et al (comité d’experts de la SFAR). Ann Fr Anesth Réanimation 2008 ; 27 :966-68.
Patient dépendant des analgésiques opiacés
! prise en charge avec avis d’un superviseur
Données démographiques
- 30-40% de patients douloureux chroniques dans la population générale (femmes>hommes) dont 44% reçoivent des analgésiques opiacés
- on estime que 2% de la population surconsomme les analgésiques opiacés
- autres dépendances sont souvent associées (phénomène de « co-dépendance »)
è un nombre non négligeable de patients qui vont subir une opération chirurgicale peuvent être dépendant des opiacés ou au minimum ± tolérants à l’effet analgésique des opiacés
Problèmes lors de la prise en charge périopératoire des patients avec prise préopératoire chronique d’opiacés
1. augmentation des besoins postopératoires (3x-4x plus) d’analgésiques opiacés notamment par voie systémique
2. co-existence fréquente de problèmes psychologiques (ou psychiâtriques) : dépression, anxiété, psychose, troubles de la personnalité. Ces problèmes sont également des facteurs de risque non négligeables de douleur postopératoire sévère.
3. plus grande vulnérabilité de ces patients à un soulagement inadéquat de leur douleur postopératoire
4. les patients toxicomanes sont plus difficiles à prendre en charge que les patients douloureux chroniques (cancéreux ou non cancéreux). Toxicomanie è phénomène complexe incluant des composantes comportementales, cognitives et physiologiques.
5. ne pas négliger/sous-estimer les phénomènes d’addictions croisées, de poly-toxicomanies, de co-dépendance : alcool, marijuana, nicotine, dérivés opiacés, benzodiazépines, anxiolytiques
! cocaine è instabilité hémodynamique, labilité émotionnelle importante lors de la prise en charge
! benzodiazépines è risques accrus d’anxiété, agitation, confusion
Carroll IR et al. RAPM 2004 ; 29 : 576-91 (article de review)
Mitra & Sinatra. Anesthesiology 2004 ; 101 : 212-27 (article de review)
Roberts & Meyer-Witting. Anaesth Intens Care 2005 ; 33 : 17-25 (patients sous hautes doses de buprénorphine)
Peng et al. Can J Anesth 2005 ; 52 : 513-23 (patients sous méthadone)
SFAR experts, Ann Fr Anesth Réanim 2009 ; 28 : 609-14 (femme enceinte et différentes addictions).
Prise en charge des patients (grandes lignes)
! adaptation au cas par cas è DOIT ETRE DISCUTE avec le superviseur référent ou le superviseur du POPS ou un superviseur d’algologie
1. Préopératoire :
- reconnaître les patients à risque (dépendance médicamenteuse)
- identifier les substances (ex. buprénorphine = management particulier car agoniste partiel, cocaine, cannabis…)
2. Peropératoire :
- administrer la dose de maintien de l’opiacé (en cas de dérivé morphinique)
- sevrage de certaines subtances ex. buprénorphine, cocaine, cannabis… et traitement des effets de manque
- utiliser une analgésie multimodale (AINS, paracétamol)
- utilisation d’adjuvants recommandée: kétamine, clonidine (choix avec superviseur)
- si possible, privilégier l’analgésie locale ou loco-régionale
3. Postopératoire :
- PCA morphine : envisager une infusion continue de base en plus des bolus, augmenter la dose de bolus et réduire l’intervalle entre les bolus ?? ou assurer l’administration de la dose préopératoire de maintenance* sous forme de patch ? à discuter IMPERATIVEMENT avec un superviseur !
- reprendre dès que possible le traitement préopératoire* ou référer le patient pour un sevrage (toxicomane)
- si la chirurgie permet une réduction de la douleur préopératoire pour laquelle les opiacés étaient prescrits : envisager une réduction progressive des doses analgésiques ! sevrage décrit sur tramadol postopératoire è à discuter avec un superviseur !
Un patient qui prend des opiacés de façon chronique (qq soit la raison de la prise) ne peut être privé de sa dose quotidienne
sous peine de souffrir d’un état de sevrage (dépendance pharmacologique aux opiacés).
! le même phénomène est possible en cas de prise chronique de médicaments anxiolytiques, antiépileptiques, antihypertenseurs …
JAMAIS d’ARRET BRUTAL DU TRAITEMENT !
Phénomène de sevrage possible chez tout patient qui prend des opiacés de façon régulière (toxicomanie, douleur chronique) : inconfort et stress majeurs !!! Tous les patients rapportent une expérience horrible !
Y PENSER si patient douloureux (inconfort et douleurs généralisées), patient agité, aggressif ou confus, en cas de manifestations végétatives (tableau ci-dessous).
Mitra & Sinatra. Anesthesiology 2004.
Traitement : substitution avec opiacé, administration de clonidine (doses élevées)
! en référer à un superviseur
Patient alcoolique
Spies & Rommelspacher. Anesth Analg 1999 ; 88 :946-54
! En cas de patient difficile à manager malgré l’utilisation de clonidine : en référer au superviseur (optimalisation des doses de clonidine, autre traitement…)
* Développements futurs : il semble que des médications telles que la gabapentine ou la prégabaline puissent également être utilisées.
(études en cours.Clémens & Vendruscolo. JNeurosci 2008 ).
Patient avec des douleurs de type neuropathique
Avis du Superviseur POPS et/ou d’Algologie
Les douleurs neuropathiques résultent d’une lésion du système nerveux périphérique ou central à l’origine d’une hyperactivité spontanée des voies de la douleur, sans stimulation des nocicepteurs. Cependant, des stimulations douloureuses (hyperalgésie) et non douloureuses (allodynie) peuvent également provoquer des douleurs.
- prévalence dans la population générale : 3-8%
- intensité des douleurs neuropathiques : femmes>hommes
- causes multiples : notamment lésions chirurgicales
è y penser en cas de douleur postopératoire importante, répondant mal aux analgésiques classiques
Le premier pas d’une prise en charge efficace repose sur le diagnostique correct d’une composante neuropathique dans la douleur du patient. Le questionnaire établi par Bouhassira et al (DN4) permet un diagnostique facile au lit du patient : score > 4/10 (avec une sensibilité de 83% et une spécificité de 90%).
Bouhassira D et al. Pain 2005; 114: 29-36.
- le traitement des douleurs neuropathiques est difficile et repose actuellement sur un diagnostic uniforme è seulement 30% de succès. Dans le future, le traitement devrait être basé sur les mécanismes associés à une symptomatologie.
- les douleurs neuropathiques associées à des lésions chirurgicales et au cancer (pathologie et traitement) ont fait l’objet de très peu d’études randomisées (RCTs) >< douleurs neuropathiques diabétiques ou post-zona.
Le traitement des douleurs neuropathiques est difficile et repose sur l’utilisation (souvent l’association) de médicaments spécifiques, non dépourvus d’effets secondaires è sur les conseils d’un spécialiste algologue ! (choix du traitement et doses)
Attal et al. Eur J Neurology 2006 ; 13 : 1153-69.
Dworkin et al. Pain 2007 ; 132 : 237-51
Patient pédiatrique
Pour plus de precision : consulter la bible pédiâtrique de la Salle 10
Posologies utiles
Analgésiques dérivés opiacés
Tramadol
Efficacité chez le tout petit enfant (< 6-12 mois)?
PO, IV : 1-2 mg/kg/dose, 4-6 fois par jour
Gouttes : 4 gttes/10 kg (=1 mg/kg)si Contramal®,Tradonal®
2 gttes/10 kg (=1 mg/kg)si Dolzam®
Morphine
Dose de charge PO: 75-150 µg/kg (< 6 mois)
150-300 µg/kg (> 6 mois)
Bolus IV: 20-40 µg/kg (max 50 µg/kg si < 3mois ; max 100 µg/kg si > 3 mois)
Antiémétiques
Infusion continue de morphine
si PCA IV non utilisable: âge, retard mental…
Infusion péridurale continue (PCEA non utilisable)
Evidence-based Health Care (www.ebandolier.com)Acute Pain