Groupe de maladies héréditaires du tissu conjonctif dues à des anomalies de structure du collagène. Prévalence : 1/5.000 à 1/10.000. Autrefois, la classification distinguait plus de 10 sous-types.
La pathologie affecte la peau, les articulations et les vaisseaux de manière variable : le diagnostic est donc parfois posé à l’occasion d’une complication.
tube digestif
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hernies, diverticules, rupture (colon)
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vaisseaux
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anévrysmes, rupture artérielle
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coeur
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prolapsus de la valve mitrale
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utérus
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accouchement prématuré, rupture prématurée de la poche des eaux rupture utérine
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yeux
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microcornée, décollement de rétine
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muscles et os
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Douleurs osseuses et articulaires, luxations
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.
Les symptômes communs les plus fréquents sont:
- l’hyperlaxité articulaire : les luxations (mâchoire, rotule, épaule) sont fréquentes mais faciles à réduire ;
- une fragilité et hyper-élasticité de la peau (= peut être étirée d’au moins 4 cm sans résistance au niveau du cou ou de la face antérieure de l’avant-bras) qui est fine et a un aspect duveteux,
- des hématomes faciles,
- des pseudotumeurs molluscoïdes au niveau des cicatrices et des points de pression,
- une dentition fragile,
- une incidence accrue de prolapsus de la valve mitrale.
On utilise souvent le score d’hypermobilité de Beighton pour évaluer l’atteinte du tissu conjonctif : une hyperlaxité est présente si le score est d’au moins 5/9
- dorsiflexion du 5ème doigt à plus de 90°, l’avant-bras étant horizontal
- opposition passive du pouce sur la face antérieure de l’avant-bras
- hyperextension du coude à plus de 10°
- hyperextension du genou à plus de 180°
- flexion du tronc avec les paumes des mains posées au sol
- souplesse inhabituelle de la colonne vertébrale


Une classification plus clinique, dite « de Villefranche » est utilisée de nos jours (voir tableau où cette classification a été élargie aux découvertes récentes). Il arrive que certaines formes cliniques associent les signes de deux types différents. Le diagnostic différentiel et celui d’une hyperlaxité familiale bénigne ((« benign hypermobile joint syndrome »).
Nouvelle
dénomination
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Ancienne terminologie
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Transmission autosomique
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Gènes mutés
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Protéine
atteinte
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OMIM
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Formes classiques
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Classique
(1 sur 20 à 40.000)
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Types I (grave: 43%)
ou II (mineur: 35%)
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dominante, mais 2/3 des cas sont des mutations de novo
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COL5A1,
COL5A2
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collagène V et I
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130 000
130 010
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Hypermobile
(1 sur 10 à 15.000)
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Type III (10%)
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dominante
récessive ou dominante
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COL3A1
TNX-B
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?
ténascine-X-5
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130 020
225 320
606 408
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Vasculaire
(1 sur 100 à 200.000)
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Type IV (< 5%) Syndrome de Sack-Barabas
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dominante, mais 50% des cas sont des mutations de novo
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COL3A1
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procollagène III
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130 050
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Formes moins fréquentes
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Cyphoscoliotique
(< 60 cas décrits)
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Type VIa
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récessive
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PLOD-1
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déficit en lysil-hydroxylase1
+ scoliose
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225 400
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Arthrochalasique
(< 30 cas rapportés)
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Types VIIa
et VIIb
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dominante
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COL1A1,
COL1A2
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collagène I
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130 060
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Dermatosparaxis
(< 10 cas rapportés)
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Type VIIc (rare)
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récessive
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ADAMTS2
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déficit en procollagène I N -terminal peptidase
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225 410
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Autres formes
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non classifié
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type V (5 %)
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lié à X
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similaire à EDS II
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305 200
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périodontose
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type VIII
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dominante
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130 080
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syndrome
corne occipitale
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type IX
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liée à l’X
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309 400
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non classifié
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avec déficit en
fibronectine (type X)
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?
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déficit en fibronectine
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225 310
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non classifié
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syndrome hypermobile familial
type XI
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dominante
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XGPT1
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147 900
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non classifié
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forme progéroïde ou
spondylodysplasique
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récessive
5q35.3
1p36
11p11.2
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type 1
B4GALT7
type 2
B3GALT6
type 3
SLC39A13
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déficit en
galactotransférase 1
déficit en β-1,3
galactosyl-
transférase 6
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130 070
615 349
612 350
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cornée fragile
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récessive
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ZNF469
|
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229 200
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spondylocheirodysplasie
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EDS lié
au gène FKBP14
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récessive
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FKBP14
|
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612 350
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musculocontracturel
type I
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récessive
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CHST14
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dermatan - 4
- sulfotransférase
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601 776
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musculocontracturel
type II
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récessive
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DSE
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615 539
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Particularités :
- forme classique : hyperlaxité articulaire variable, qui peut diminuer avec l’âge ; aspect typique de la peau : aspect duveteux, hyperextensibilité, pseudotumeurs molluscoïdes ; hernies ; béance du col utérin ; prolapsus utérin ou anal ; complications vasculaires et prolapsus mitral sont rares (6 %) ; risque de pneumothorax spontané
- forme hypermobile : l’hyperlaxité articulaire domine le tableau clinique ; scoliose précoce parfois lésions arthrosiques précoces suite aux luxations répétées ; peu de signes cutanés ; dilatation de la crosse de l’aorte dans 10 % ; signes autonomiques fréquents : retard de vidange gastrique, hypotension orthostatique, côlon irritable (voir syndrome médian des ligaments arqués). La forme hypermobile peut être associée à une hyperplasie congénitale des surrénales (voir ce terme et syndrome CAH-X).
- forme vasculaire : est la plus dangereuse car il y a un risque de pseudoanévrysmes vasculaires (carotides, iliaques, branches viscérales de l’aorte) et de perforation spontanée de viscères (surtout le colon sigmoïde) ; la peau est très fine et on y voit les vaisseaux par transparence ; peau peu extensible et l’hyperlaxité des articulations est souvent absente ; pieds bots dans 12 % des cas et luxation congénitale de la hanche dans 3 % des cas ; souvent petite taille
- forme cyphoscoliotique (2 %) : entraîne une hypotonie et une cyphoscoliose dès la période néonatale ; pieds bots dans 30% ; peau hyperextensible et hyperlaxité articulaire avec luxations fréquentes ; risque de glaucome, de kératocône et de décollement de rétine
- forme arthrochalasique (très rare) : hyperlaxité articulaire avec luxations fréquentes ; luxation congénitale de la hanche, contractures des extrémités, scoliose thoraco-lombaire et petite taille secondaire ; fractures fréquentes ; peau fragile et hyperextensible
- dermatosparaxis : voir ce terme
- spondylocheirodysplasie : petite taille ; sclérotiques bleues ; éruption tardive des dents et hypodontie ; hyperlaxité articulaire et anomalies des os : platyspondylie, col du fémur court et large, métaphyses larges etc ; peau hyperextensible ; retard de cicatrisation
- forme musculo-contracturale : 1) dysmorphie faciale : front large, petite bouche et micrognathie dans l’enfance mais prognathisme à l’adolescence, sclérotiques bleues, oreilles bas implantées, philtrum long ; 2) cyphoscoliose sévère ; 3) pieds bots avec contractures de certains doigts ; 4) hypotonie et peau hyperextensible
- le type V, lié à l’X : entraîne beaucoup d’anomalies orthopédiques
- le type VIII : entraîne une hypodontie précoce
- le type IX, liée à l’X : est dû à un trouble du métabolisme cellulaire du Cu
- le type X : est dû à un déficit en fibronectine plasmatique entraîne une diminution de l’aggrégabilité plaquettaire ; serait similaire, pour certains, à la forme XI ou au syndrome d’hyperlaxité bénigne des articulations (« benign hypermobile joint syndrome »)
- forme progéroïde : associe des signes de dysplasie spondylo-épi-métaphysaire (voir ce terme) et une hyperlaxité des articulations : dysmorphie faciale, micrognathie, cyphoscoliose, anomales de la colonne cervicale, fente palatine, hypotonie musculaire avec contracture des mains, platyspondylie, cutis laxa. Plusieurs cas de type I ont été décrits dans l’île de la Réunion.
Implications anesthésiques:
Dans toutes les formes : contacter l’équipe qui a posé le diagnostic. Il y a parfois une discordance entre le phénotype et la biologie moléculaire.
Veiller à un positionnement correct : protection des yeux (cornée et rétine fragiles) ; éviter l’utilisation d’un garrot (risque d’hématome et de syndrome des loges après le lever du garrot). Eviter tout ce qui provoque une friction de la peau : pansements peu collants, brassard de tensiomètre. Processus de cicatrisation retardé. Processus de cicatrisation retardé.
L’utilisation d’un bloc périmédullaire entraîne un risque mal évaluable de saignement et d’hématome (présence fréquente d'ectasies durales) et un risque accru de brèche dure-mérienne suite à la présence de kystes de Tarlov (voir ce terme).
Faire une anamnèse poussée en ce qui concerne l’hémostase (saignements faciles, épistaxis, ménorragies etc) et de fragilité cutanée.
En présence de troubles de l’hémostase :
- avis d’un spécialiste
- l’administration prophylactique de desmopressine (Minirin) [0,3 µg/kg en IV ou 150 µg par voie nasale si < 50 kg] peut être efficace. Certains y associent l'acide tranexamique.
Dans la forme hypermobile : vérifier la mobilité de la colonne cervicale et l’ouverture de bouche ; les subluxations et luxations récidivantes de la mâchoire peuvent entraîner une ankylose de l’articulation temporo-mandibulaire; laryngoscopie douce pour éviter de luxer la mâchoire. L’anesthésie locale par infiltration semble moins efficace (mutation au niveau des canaux Na ?) : tant des échecs que des succès de blocs périmédullaires et périphériques ont été décrits. Pour les blocs périphériques, il est prudent d’utiliser l’échoguidage et d’utiliser un abord qui évite de traverser de larges masses musculaires (risque d’hématome). Echocardiographie pour vérifier l’absence de prolapsus de la valve mitrale. Risque de pneumothorax. En cas d’hyperplasie congénitale des surrénales, adaptation des doses périopératoires de cortisone (voir hyperplasie congénitale des surrénales).
Dans la forme vasculaire : les ponctions vasculaires exposent au risque d'hématomes et d'anévrysmes et doivent être si possible évitées, ainsi que les interventions chirurgicales et les endoscopies digestives ou utérines. Une ponction échoguidée et sans dilatation de la paroi du vaisseau est préférable.
Dans la forme cutanée (dermatosparaxis : voir ce terme), la fragilité de la peau est extrême : il faut prendre des précautions similaires à celles prises dans les épidermolyses bulleuses.
Dans les formes progéroïdes : intubation et accès veineux difficiles ; os fragiles (risque de fracture-), un cas d’anomalies fonctionnelles des plaquettes décrit.
Références :
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