Prix Jean Sonnet 2003

Ama Contacts n°32

Le jury composé des recteurs honoraires de l’UCL (Edouard Massaux et Pierre Macq), du prorecteur pour les sciences médicales (Jean-François Denef), du doyen de la Faculté de Médecine (Jean-Jacques Rombouts), d’Eugène Lebacq, ancien président de l’AMA-UCL, et de André Vincent  professeur à l’UCL a retenu le projet du docteur Pierre Soete.

 

Nepal Orthopaedic Hospital

Le  Népal est un pays niché parmi les plus hauts sommets de l’Himalaya. Sans accès à la mer, il est encastré entre le Tibet (Chine) au nord et l’Inde au sud. Sa population est estimée à 24.000.000 d’habitants. Elle a doublé sur les 15 dernières années. L’analphabétisme est important. On estime à 38% seulement, les personnes sachant lire et écrire.

L’activité économique y est essentiellement agricole, 95% de la population vit dans les campagnes ou les montagnes. Les quelques industries restent confinées dans le sud et dans la vallée de Kathmandu qui s’étend sur 400 km² seulement. 

En deux ans, le Népal a reculé de deux places sur l’échelle des pays les plus pauvres de la planète. Il est ainsi devenu le 8ème pays le plus pauvre au monde. Il est le pays le plus pauvre du continent asiatique. 60% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Le revenu moyen est inférieur à 2 euros/jour.

20% des bébés meurent dans les semaines qui suivent la naissance, 3,5% des enfants meurent entre l’âge de un et cinq ans. A cela s’ajoutent tous les problèmes de la malnutrition. L’espérance de vie n’est que de  59 ans. 10% de la population souffrent d’une ou plusieurs infirmités dont 23% présentent une infirmité physique. Le Népal ne compte que 1 médecin pour 15.000 habitants, dont 49 chirurgiens orthopédistes, soit 1 chirurgien orthopédiste pour 500.000 habitants ainsi que 4.768 lits d’hospitalisations  dont un plus de 200 à peine pour la chirurgie orthopédique et traumatologique. 

Le Nepal Orthopaedic Hospital, a été construit en 1995 à l’initiative du Docteur Anil Bahadur Shrestha, chirurgien orthopédiste népalais, avec l’aide du Rotary International. Il ne comptait alors qu’un bâtiment de plain-pied pouvant accueillir un peu moins de 20 patients.
Il se compose aujourd’hui de deux salles d’hospitalisation  de 10 lits (hommes – femmes), d’une salle de 5 lits pour les infectés, de deux petites salles d’opération, d’une petite stérilisation centrale, d’une petite salle de  radiographie, d’un mini-laboratoire, d’une physiothérapie et de locaux de dispensaire et consultation. L’hôpital possède également un atelier de fabrication d’orthèses et organise également des tournées de consultations dans les villages les plus retirés.

Le Népal, comme tout pays pauvre, a très peu accès aux soins de santé. De plus sa géographie rend cet accès encore plus difficile. La pathologie infectieuse se rencontre quotidiennement : l’ostéomyélite de l’enfant est fréquente et la tuberculose avec ses répercussions osseuses, est endémique. Même si le programme de la vaccination poliomyélite est en théorie aujourd’hui organisé, les séquelles de poliomyélite aux membres inférieurs handicapent beaucoup de jeunes et d’adultes, rendant l’exercice d’un métier quasiment impossible. Les malformations congénitales (pieds bots et malformations diverses des membres) semblent plus fréquentes qu’en pays développé vu l’absence totale de conseils génétiques dans les populations reculées. L’infirmité motrice cérébrale et l’hémiplégie infantile reflètent l’absence de médicalisation de la plupart des  accouchements. L’augmentation du trafic routier, le non respect total du code de la route, la vétusté du parc routier et le mauvais état du réseau routier lié à la mousson, amènent régulièrement des polytraumatisés à l’hôpital. 

Le NOH est ouvert à tous, même aux plus démunis pour lesquels les soins sont gratuits. Plus de 35% des patients admis sont aidés  financièrement par l’hôpital, aide partielle ou totale. 
85%.

C’est dans ce contexte, que j’ai proposé, il y a 4 ans  aujourd’hui, de venir aider le Dr Anil Shrestha. L’hôpital fonctionnait depuis deux ans. Le projet était beau car le Nepal Orthopaedic Hospital avait comme objectif à terme de devenir indépendant sur le plan financier, seule garantie d’un développement durable. De plus, la porte est ouverte à tous les patients, même ceux qui ne savent pas payer leurs soins. Je me suis établi à Kathmandu fin de l’année 2000.

Une étude économique a été réalisée à partir des deux premières années d’activités médicales, celle-ci a montré qu’une augmentation du nombre de lits à un minimum de 55, répartis pour moitié en lits pour patients sachant payer les soins et pour une autre moitié en lits de « charité », permettrait d’atteindre cet objectif en quelques années. 

L’activité aux consultations ne cesse de croître et dépassera vraisemblablement les 10.000 consultations cette année. Beaucoup de patients viennent des régions montagneuses reculées et mettent parfois des semaines à pied ou à dos de cheval pour atteindre l’hôpital. Il en est de même pour l’activité chirurgicale. Nous dépasserons probablement les 1000 interventions en 2003. Ceci correspond à une augmentation d’activité médicale et chirurgicale de 35 à 40% chaque année. Une augmentation de la capacité en lits s’avère donc cruciale.

Les  prix demandés pour les soins, restent très « démocratiques », le NOH étant dans  son secteur, l’hôpital le moins cher à Kathmandu. Lorsque le patient  ne peut payer l’entièreté des soins, il est aidé financièrement. Nous tâchons cependant de l’impliquer dans son traitement, en lui demandant une participation financière si petite soit-elle. Les soins ne sont jamais refusés à qui que ce soit pour raison financière. Plus de 45 % des patients sont aidés financièrement. Par exemple, pour une intervention majeure de la hanche ou du rachis, la « facture de l’hospitalisation, implants et séjour compris » ne dépassera pas 150 euros

Comme nous le montrent nos statistiques confortent  notre opinion à ce sujet : nous sommes passés ainsi en cinq ans de 80% de dépendance financière à moins de 20% pour les frais de fonctionnement.

C’est dans ce contexte que nous avons entamé il y a un an une extension aux bâtiments existant en y adjoignant un étage comportant 30 lits adultes, une salle de 12 lits pédiatriques, une partie administrative, ainsi qu’un deuxième étage pour un nouveau bloc opératoire comportant trois salles d’opération de dimension «  orthopédique » et une salle de réveil de cinq lits, une petite salle de deux lits postopératoires ainsi qu’une salle « hôpital de jour ».  Comme le développement durable implique la formation de jeunes chirurgiens, nous aurons bien évidemment également une salle de conférence-bibliothèque-médiathèque. La construction a débuté en avril 2002 et devrait se terminer pour la fin 2003. La construction été divisée en trois phases pouvant s’enchaîner en fonction des fonds collectés. A ce jour,  plus de 90% du budget total a été réuni et il se constitue essentiellement de fonds privés et rotariens. Tout l’équipement lourd a pu être collecté en Europe et a été envoyé par container. Le petit matériel est acheté sur place.

Aujourd’hui, nous travaillons avec deux chirurgiens népalais, nous avons quatre jeunes médecins en formation et 8 infirmières assurent le travail du bloc opératoire et des salles d’hospitalisation. Nous espérons pouvoir rentrer dans les nouveaux bâtiments dès le début de l’année prochaine, que nous occuperons progressivement en fonction de l’activité, afin d’engager également de manière progressive le personnel afin de garder le meilleur équilibre financier possible. 

Dr Pierre SOETE
Nepal Orthopaedic Hospital
Jorpati –Kathmandu

Contact : pierresoete@mail.com.np 

 

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