Colloque Dispositifs et Médiation des Savoirs (1998)

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De la nécessaire tension signe-objet dans les dispositifs

Philippe Verhaegen
Groupe de Recherche en Médiation des Savoirs (GReMS)
Dépt de Communication (COMU), UCL

 

Disons-le tout net: il n'y a pas d'objet sans signe. Car, comme le rappelle Veron, "ce sont les lois mêmes des signes qui nous mènent à postuler que dans le monde il y a des choses qui ne sont pas des signes". Peirce n'aurait certes pas dénier ces propos, lui qui a largement soutenu l'idée qu'au delà de leur pouvoir de représentation, les signes construisent le monde. Plus particulièrement il aurait insisté sur la tension signe-objet qui est à l'oeuvre dans toute dynamique signifiante &endash;dans toute "sémiosis"&endash; et qui, corrélativement, est constitutive du signe et d'un rapport au monde particulier. Cette tension signe-objet varie bien entendu selon la nature &endash;symbolique, indiciaire ou iconique&endash; du signe considéré.

A cet égard, la tendance est parfois d'amalgamer les différents signes présents dans les dispositifs muséaux et informatiques (les graphes, les réseaux, les cartes, les diagrammes, les images de synthèse, les infographies, mais également les boutons interactifs, les liens visuels, les objets cliquables, etc.) sous le vocable unique d'image . Or, si ceux-ci relèvent pour partie du visuel, les processus sémiotiques qu'ils exploitent sont loin de former une catégorie uniforme. Ces images appartiennent au moins à deux grands types de signes: l'icône (fonctionnant par analogie et ressemblance) et l'indice (agissant par rapprochement contextuel, contiguïté et proximité), catégories que des présentations rapides du système peircien ont contribué à confondre.

Or l'originalité des dispositifs contemporains (hypermédias, exhibits, bornes interactives, jeux vidéos, etc.) ne résident-ils pas précisément dans un retour en force des processus indiciaires: la visite d'une exposition ne repose-t-elle pas fondamentalement sur l'errance et la déambulation du visiteur, la "navigation" &endash;off ou on-line&endash; ne passe-t-elle pas par cet interface indiciaire que sont les boutons, les signets, les objets cliquables, etc. Bref, le retour de l'indice -et non de l'image- ne conduit-il pas vers de nouvelles formes de médiations de savoir où l'expérience et la simulation &endash;plus que la contemplation ou le raisonnement symbolique par exemple&endash; ont un rôle central à jouer? Reste alors à se demander à quelle(s) construction(s) du monde ces dispositifs nous convient...


  Auteur: Hugues Peeters — Modifications: Pierre Fastrez   
  Date de dernière modification: 09.03.2010