Colloque Dispositifs et Médiation des Savoirs (1998)

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Art et dispositifs de médiation au cinéma

Charles Perraton
Département des communications, UQAM (Canada)

 

Contrairement aux mots, les images donnent à penser que rien ne s'interpose entre les choses qu'elles représentent et nous. On prête une fonction d'objectivité à la vision, alors que ce qui est donné à voir traduit un savoir et que le "vu" n'est possible que grâce à un savoir qui précède. La vision n'est pas qu'une affaire de connaissances, elle est aussi du ressort de la séduction, car les images ouvrent la porte au rêve et à l'imagination. La vision comme moyen de séduction a fait l'objet de plusieurs dénonciations, mais comme moyen de connaissance et d'action elle a généralement été à l'abri de la critique.

Au cinéma, la vérité de l'image reste fuyante, double, prête à verser dans son contraire à tout moment. Bien souvent on la traite et l'interprète de manière à (faire) oublier ses puissances d'illusion et d'inhibition de l'action. Mais il arrive que l'image cinématographique garde et exhibe la trace de la relation du réalisateur et de l'opérateur à l'objet technique et, de manière plus générale, du rapport de l'individu avec le monde. Le cinéma peut ainsi ramener le spectateur à l'essentiel d'un art qui renseigne sur "l'inconscient de la vue" (Walter Benjamin).

Partant de l'idée que la transformation d'une situation perceptive en des situations cognitive, affective et active, nous posons la question du rapport entre vision et action. Loin de réduire cette dernière à la première, nous proposons au contraire de les articuler autour de la notion de dispositif de médiation, distinguant notamment entre les dispositifs de vision et d'action au cinéma.

Travaillant à partir du cas de Rear Window d'Alfred Hitchcock, nous verrons comment ces dispositifs s'articulent dans la médiation des savoir et dans la production du pouvoir. Nous ferons ressortir combien le dispositif d'action de Rear Window renforce la puissance du regard et assure l'ancrage de ses fonctions, le cinéma d'Hitchcock rejoignant ainsi la tradition de ce cinéma qui veut montrer que la passion de regarder engendre des espaces de pouvoir qui font dégénérer la passion en véritable obsession.

 


  Auteur: Hugues Peeters — Modifications: Pierre Fastrez   
  Date de dernière modification: 09.03.2010