Colloque Dispositifs et Médiation des Savoirs (1998)

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Intervention en organisation et changement systémique :
le dispositif comme contrainte sur l'intervenant

Claude Duterme
Centre d'Études de la Communication (CECOM)

 

En prenant comme cadre l'approche pragmatique et systémique de la communication ("école de Palo-Alto"), nous approchons l'organisation comme un système de communication et définissons l'intervention comme l'aide apportée par un intervenant extérieur en vue d'opérer un changement systémique au sein de cet ensemble.

Plus précisément, ce changement systémique sera constitué par une modification des "règles du jeu" communicationnel qui favorisent une série de comportements collectifs et individuels, mais en empêchent d'autres. Autrement dit, un changement systémique ouvre la voie à de nouveaux possibles communicationnels. Le recours à un extérieur ("intervention") est rendu nécessaire par la quasi impossibilité pour les membres de l'organisation d'avoir accès à d'autres règles que celles qui les contraignent (changement de niveau logique).

Le dispositif comportemental mis en place dans le cadre de cette intervention nous semble comporter une double spécificité :

• Son "usager" est l'intervenant lui-même, et non les membres du système-client. En se faisant "objet" d'un dispositif, l'intervenant fait porter (au sein de l'interaction) une contrainte sur lui-même au lieu de la faire porter sur les autres.

• Sa finalité est d'ordre négative : il vise à promouvoir une rupture. En "balisant" son propre comportement dans l'interaction, l'intervenant engage ses partenaires à développer des comportements "non prévus" au sein de leurs propres règles jeu.

Ce dispositif est constitué par la mise en place, par l'intervenant, de trois éléments de comportements s'équilibrant mutuellement en fonction de l'interaction concrète avec les membres de l'organisation.

En se contraignant à se présenter en "position basse" dans la relation avec les personnes mais en veillant à garder la "maîtrise du cadre" de l'intervention, l'intervenant s'ouvre l'accès à une démarche stratégique vis-à-vis de l'organisation : la faire agir à contre-courant de la logique qui a gouverné jusque-là ses tentatives de solutions.

Le dispositif ici présenté n'est donc pas destiné à constituer un vecteur favorisant le passage de données, d'informations, de connaissances,... de "l'extérieur" vers "l'intérieur" de l'organisation (formation ou intervention d'expertise).

Il ne vise pas non plus particulièrement à faire surgir ou "émerger" des éléments d'information internes à l'organisation mais méconnus de celle-ci (analyse institutionnelle, recherche participative, ...).

Il cherche "seulement" à sortir les membres de l'organisation des redondances acceptées/façonnées jusque-là, de manière à libérer le champ pour des comportements nouveaux et à redonner un sens nouveau aux comportements connus.

D'une certaine manière donc, on peut dire que ce dispositif n'apporte pas une connaissance nouvelle mais qu'il en déstructure une ancienne.

La rupture avec le modèle ancien, rigidifié, permet alors de redonner un sens collectif positif à d'autres dispositifs, de médiation de savoirs par exemple. A ce moment, il redevient possible pour les personnes de participer à des formations, de prendre en charge des projets avec d'autres, de s'interroger sur le fonctionnement interne etc., en y voyant non pas de nouveaux efforts voués à l'échec, mais la perspective de participer à des actions positives.

 


  Auteur: Hugues Peeters — Modifications: Pierre Fastrez   
  Date de dernière modification: 09.03.2010