En quoi Léon H. Dupriez
nous a marqué ?
Sans être un brillant pédagogue
ni un écrivain limpide, Léon H. Dupriez était considéré
par la plupart de ses étudiants et anciens comme un grand homme,
le maître.
II l'était à plusieurs titres
:
-
en tant que pionnier de la recherche en économie,
à l'Université de Louvain, dès 1930 axée sur
les mesures et investigations empiriques des mouvements cycliques et monétaires.
II avait d'ailleurs débuté l'enseignement des statistiques
et de l'analyse chronologique. Sans lui et toutes les études, thèses
et monographies promues par lui, la recherche ne se serait pas développée
aussi tôt au sein de l'Institut et de son IRES ;
-
en tant qu'historien des théories et
des faits conjoncturels ;
-
en tant que praticien perspicace se livrant
au diagnostic de la conjoncture concrète. II a dirigé pendant
quarante ans le Service de conjoncture à destination des abonnés,
et y a animé une équipe de collaborateurs et d'assistants
qui lui étaient fort attachés ;
-
en tant que philosophe, sur le tard, en épistémologie
où il s'opposait au positivisme méthodologique, à
la macroéconomie mécaniciste et réfléchissait
au sens profond et aux fonctionnalités des mouvements économiques
dont il privilégiait l'endogénéité et sous-estimait
les causes propres aux politiques déstabilisatrices.
En 1965, quand j'ai eu l'honneur de l'épauler
comme assistant doctorant, il avait déjà 64 ans. C'est l'âge
ou la pensée se fige et creuse ses propres convictions de façon
plus conceptuelle, de moins en moins factuelle.
II récusait les développements
des théories monétaristes et postkeynésiennes, la
macroéconomie quantitative aux "supply side economics" à
la théorie du "public choice" et des "rational expectations"...
Mais il complétait notre éducation plus que servie en ces
matières par une approche originale stimulant notre interprétation
du monde économique.