Résumé :
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Si abandonner signifie étymologiquement « laisser à la merci de » (en référence aux bébés laissés dans les tours, à la merci des bêtes sauvages), c’est surtout aujourd’hui rompre les liens de filiation qui assurent à l’enfant stabilité, permanence et lui procurent un sentiment de continuité d’être et de sécurité interne. Ces liens lui permettent de se situer dans une histoire, dans un réseau généalogique. Ils lui assurent un ancrage transgénérationnel entre le passé et le futur, ainsi qu’un sentiment d’appartenance à un corps familial. La filiation se réfère à l’acte de procréation, à un cadre législatif et à un acte psychique qui se construit avec le temps et permet de se considérer « fils ou fille de ». Qu’en est-il de ces liens de filiation quand l’enfant a été adopté, quand son histoire a commencé, loin de son pays d’accueil, par un abandon, souvent dans un contexte à hauts risques ? Quels liens garde-t-il avec son passé et son pays d’origine ? Que représente pour lui d’avoir été adopté ? L’organisme autorisé pour l’adoption (OAA) Médecins du Monde (MdM) a mené 3 enquêtes successives et similaires sur le devenir des enfants adoptés. Elles ont porté sur 3 périodes très différentes de l’adoption internationale : 1990–2000 dominée par des enfants originaires de Roumanie et du Brésil, 2001–2005 dominée par des enfants originaires de Chine et 2006–2012 marquée par le tarissement progressif de l’adoption internationale et son évolution vers l’adoption d’enfants à besoins spécifiques : enfants grands (âgés de plus de 5 ans), fratries, enfants malades et/ou handicapés. Un questionnaire adressé aux parents leur a permis de s’exprimer sur la façon dont leur enfant et eux-mêmes ont abordé la question des origines et des liens gardés avec le pays d’origine. Si plus de la moitié des enfants, dès 8 ans et demi, se posent des questions sur leurs origines, cela n’envahit pas leur vie psychique. Il s’agit plus d’un retour vers le pays et sa culture que du désir de retrouver leurs parents. Très peu réalisent le voyage dont les conséquences sont plutôt positives. Ces résultats nous ont incités à mieux préparer les parents parfois surpris, voire inquiets, des questionnements de l’enfant sur son passé. Compte tenu de l’évolution de l’adoption vers des enfants de plus en plus éloignés du projet initial des parents, ce travail a conduit à une professionnalisation de plus en plus grande de l’OAA, dont un travail en partenariat avec les « Consultations, Orientation, Conseils, Adoption » (COCA), tant avant l’adoption qu’après celle-ci.
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