Résumé :
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[...] Soigner, c’est aller à la rencontre non pas d’une liberté ou d’une autonomie, mais, pour faire bref, d’une histoire, de quelqu’un non pas qui a une histoire, mais qui est cette histoire, qui coïncide avec elle, qui fait un avec elle. Objectera-t-on que c’est faux puisqu’on peut vouloir modifier sa propre vie, ce qui suppose justement que l’on ne coïncide pas avec elle? La réponse est simple: le désir de changer la trajectoire de son existence ne vient pas sans raison , il s’élève à partir de la vie elle-même et de ses souffrances actuelles, et c’est également en elle, à partir des possibilités qu’elle offre ou non, qu’elle tracera un nouveau chemin. Or, et c’est ce point qui est capital, en entrant en relation avec le patient, les médecins et les soignants font désormais partie de son histoire. Ils deviennent eux-mêmes de facto des causes déterminantes qui exerceront, imperceptiblement parfois, une influence sur les attitudes ou les décisions de la personne. Ils peuvent bien se cacher derrière la pseudo autonomie du patient pour se persuader qu’ils n’y sont pour rien dans ses choix, que ce sont les siens et que c’est à lui de les assumer, ils ne font, là encore, par ce retrait, qu’exercer une influence, probablement néfaste, sur lui. Car en bien des situations, cet effacement du professionnel sera vécu comme un abandon, voire comme une trahison. L’être humain est un être de relation, c’est-à-dire un être déterminable, influencé par le comportement des autres: cette évidence devrait suffire pour rappeler chacun à sa modeste responsabilité dans toute relation nouée avec autrui. Il dépend de nous que son histoire reste la sienne. [Extrait de l'édito].
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