Résumé :
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Toute l'histoire de la psychiatrie est traversée par une question qui pourrait se résumer de la manière suivante: comment faire de la psychiatrie une spécialité médicale comme les autres? Une evidence based medecine c'est-à-dire, une médecine reposant sur des faits non discutables, dont le niveau de preuve est élevé. Il nous apparaît donc essentiel de rappeler que la psychiatrie ne peut être qu'une médecine «autre» pour reprendre ici une formulation d'Alain Ehrenberg. Le sujet, doté de toute sa consistance psychique, et enraciné dans son histoire, pourtant objet princeps de la psychiatrie, s'est actuellement estompé au profit d'une approche syndromique et comportementale. La réalité interne, la conflictualité intrapsychique sont escamotées au profit d'une tentative d'objectivation. Ce décentrage du sujet vers le symptôme a des effets délétères que nous rencontrons maintenant quotidiennement dans notre pratique: les demandes diagnostiques des patients et des familles deviennent impérieuses. Aux réponses médicales de plus en plus rapides livrées comme une vérité absolue s'ajoute Internet qui propose à tous des diagnostics-minute et des explications neurobiocognitives rationnelles. De quoi combler tout manque et interrompre toute interrogation. De quoi recouvrir ou faire taire les soubassements psychiques du symptôme. Nous illustrerons notre propos par une présentation clinique qui montrera la portée d'une telle évolution, l'aliénation ainsi proposée aux adolescents. À la logique addictive d'une société font écho aujourd'hui, l'addiction aux symptômes de nos jeunes patients et l'addiction diagnostique des parents mais aussi du corps médical.
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