Résumé :
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L’ « usage responsable » de drogue est une notion relativement peu explorée dans la littérature , les termes d’usage « contrôlé », « maitrisé », … sont plus communs et principalement usités dans des contextes à visée thérapeutique. La notion d’ « usage responsable » reste paradoxale dans un contexte prohibitionniste, dans lequel l’interdit va à l’encontre de tout principe d’autonomie et d’empowerment des usagers. Ces principes sont portés par la promotion de la santé qui se voit délaissée dans les stratégies politiques actuelles. Ceci témoigne d’une probable difficulté pour les usagers de drogues illicites d’adopter un « usage responsable », leur droit à la santé étant d’emblée dénié. Cette probable difficulté a fait l’objet d’une confrontation avec l’avis de tiers consommateurs autour de quatre questions, et concernent deux des cinq axes de promotion de la santé de la Charte d’Ottawa (1986) que sont « élaboration de politiques favorables » et « acquisition d’aptitudes individuelles ». Que représente l’usage responsable pour les consommateurs de cannabis (mode de vie, auto-soins, observance, …) ? , Comment les consommateurs apprennent-ils ou ont-ils appris l’usage responsable de cannabis ? , Quelle est l’influence de l’interdit dans l’usage responsable de cannabis (en contextes de décriminalisation ou de « tolérance zéro ») ? , Quels sont les lois ou les contextes politiques qui favorisent ou qui pourraient favoriser l’usage responsable ? Il s’agit donc d’une recherche exploratoire qui exploite l’analyse qualitative descriptive des éléments émis par un échantillon hétérogène de consommateurs de cannabis, dans le cadre d’entretiens face-à-face en semi-directif. Les définitions perçues par les personnes interrogées de l’usage responsable de cannabis se sont révélées très personnelles et variées. Les différentes caractéristiques corroborent les quatre critères d’un usage responsable élaborés suite au premier jet réflexif, à savoir un usage autonome, durable, épanouissant et flexible. Ces critères ne semblent pas devoir être tous adoptés simultanément pour que l’usager considère faire preuve d’un usage responsable. L’apprentissage de ce type d’usage relève d’un processus de rectification des éléments non souhaitables aux priorités de vie, préétablies (consciemment ou non) par chaque usager. Les consommateurs interviewés sont donc passés par des phases que l’on pourrait qualifier de « non responsables», pour lesquelles le contexte prohibitif, qui dénie de facto le « droit à la santé », se révèle défavorable et contradictoire à la responsabilisation des usagers par l’empowerment. L’interdit et ses différents contextes politiques ne semblent pas jouer de grande influence dans l’usage des consommateurs de cannabis (mis à part un sentiment de méfiance, en cas de tolérance zéro ou d’apaisement, lorsqu’il y a eu la circulaire de 2003 en faveur d’une décriminalisation). Les contextes politiques ou lois favorables à un usage responsable pourraient être illustrés par le développement de structures de type Cannabis Social Club et/ou par une légalisation réglementée (suivant certaines modalités des lois concernant l'alcool et le tabac).
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