Résumé :
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Autour des questions d’addiction se cristallisent des difficultés épistémologiques considérables – notamment en ce qui concerne le statut des addictions sans drogue. L’opposition du « bio » et du « psycho », des sciences de la vie aux sciences humaines et sociales, est omniprésente dans ce champ, de façon peut-être plus visible que dans celui de la psychiatrie, qui est traversé de ces divisions depuis sa naissance. L’appel fréquent à des approches intégrées, bio-psycho-sociales, comme l’adhésion générale à un refus du dualisme cartésien du corps et de l’âme, ne doit pas faire sous-estimer les difficultés de l’entreprise : il ne s’agit pas seulement de décider si les addictions sont ou non de « vraies » maladies, attestées en tant que telles par la mise en évidence d’un « facteur X » biologique. À l’incertitude du statut de l’objet addiction s’ajoute en effet le choix du regard, de l’abord de cet objet : les approches scientifiques et les approches « de sens », toutes légitimes, ne sont pas « commensurables », les critères des unes ne pouvant ni valider ni invalider les autres. « Bricolant » des modèles improbables mêlant les deux mondes, le clinicien se trouve, de fait, dans une situation de dualisme méthodologique – et non ontologique – qu’il vaut mieux assumer qu’ignorer.
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