Résumé :
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Le XXIe siècle confirme une révolution : depuis quelques décennies, la perfectibilité du corps se concrétise par la mise en œuvre de moyens médicaux et techniques sans précédent. Ce n’est pas simplement l’espérance de vie qui s’est accrue dans les pays industrialisés, c’est aussi la capacité à vivre durablement dans un corps moins souffrant. Se forme la volonté, ou le fantasme, d’une production du corps. Médicalisation de la naissance, prévention de l’hygiène publique, pharmacologie, cosmétologie, chirurgie, culte de l’« entretien de soi » croisent des attentes collectives et individuelles, jusqu’aux frontières de l’irrationnel ou de l’eugénisme – obtenir un corps ou un enfant « parfait » –, de l’addiction – à l’effort physique, à la chirurgie esthétique, aux substances dopantes – et jusqu’aux questionnements éthiques portant sur le contrôle. Le corps est donc l’objet d’une instrumentalisation ambivalente. Certes, il est un « corps pour jouir », la beauté, la jeunesse, la santé elle-même sont les gages d’un nouveau narcissisme et d’une intégration sociale supposée. Mais le « désir de bien faire » anime aussi cette dynamique, quand le médecin devient le nouveau moraliste, celui qui dit la vie bonne, quand la vacuité des idéaux pour le citoyen des sociétés démocratiques avancées laisse place à une rationalité instrumentale qui peut devenir destructive, privilégiant les moyens sur la fin. Ainsi, la perfectibilité devient-elle une obsession, une addiction qui se mêle à d’autres. Ainsi, le plaisir recherché dépend-il de temporalités croisées, celle de l’immédiateté et celle d’une projection incessamment travaillée vers le futur.
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