Résumé :
|
Avec le développement du chômage et de la pauvreté, la délinquance a trouvé en France, comme dans d'autres pays d'Europe, pendant le dernier quart de siècle, un aliment substantiel et pas seulement des motifs conjoncturels. Mais la forme de l'affrontement entre l'Etat, la police et les jeunes est particulière à la France : les violences collectives singularisent, en effet, jusqu'à une date récente, la situation. Les explosions des années 1993-1998 sont l'effet d'un enfermement dans l'espace des cités d'une jeunesse qui se trouve au coeur du processus de métissage culturel, mais se voit reléguée sur le plan social et politique. D'où l'intérêt majeur de ce livre qui met au jour cette tension et en analyse les conséquences. Hugues Lagrange, s'appuyant sur les résultats d'enquêtes menées dans plusieurs villes françaises (principalement Mantes, Les Mureaux, Amiens, mais aussi Nantes, Nîmes, Bordeaux), montre que les inconduites des jeunes échappent à une grille d'interprétation simple. Certaines peuvent être comprises comme l'expression d'une révolte devant les obstacles à l'accomplissement de soi, mais d'autres échappent à cette interprétation : les violences à caractère sexuel, les usages problématiques de drogues et les tentatives de suicide paraissent indiquer une direction opposée. À la rébellion des jeunes des cités ferait face un repli sur la sphère privée. En réalité, l'excitation et l'ennui, la frustration et le désir de reconnaissance sont des deux côtés. Nous sommes en présence d'un nouveau mixte de retrait et de conflictualité suscités par une société compétitive. Non seulement les deux attitudes ne s'excluent pas, mais elles se superposent et se nourrissent mutuellement. Hugues Lagrange, loin de minorer la part existentielle que ces phénomènes contiennent, suggère de donner toute son importance à l'exigence de reconnaissance et à ses contradictions. Une analyse précieuse pour les professionnels concernés (magistrats, policiers, éducateurs et acteurs des politiques de la ville).
|