| IN MEMORIAM
in Louvain Med. 106 : 273-274; 1987
Jean-Marie Vandenbroucke était parti le 7 février pour prendre quelques jours de détente en montagne avec son épouse Anne. Ce fut une semaine merveilleuse, brutalement achevée en quelques heures, le 14 février 1987. Jean-Marie venait d'avoir 46 ans.
Ses études de médecine terminées en 1965, il entame sa spécialisation en médecine après avoir hésité entre chirurgie et médecine. En 1967, il y a près de vingt ans, il choisit de passer un an dans le service de néphrologie. Il y revient, en 1970, sa spécialité achevée, comme résident. En 1974, il est Chef de Clinique adjoint, en 1981, Chef de Clinique associé, en 1985 Chef de Clinique. En septembre dernier, l'Université le nomme Maître de Conférences Clinique.
Très tôt, Jean-Marie s'était intéressé à la réanimation. Il y avait consacré une année passée pour moitié à Paris, dans le service du Prof. Mollaret, pour moitié à Herent, sous la supervision du Professeur Trémouroux. Sitôt dans le service de néphrologie, il s'intéresse à la dialyse dont progressivement il assumera la responsabilité. Il en prépare minutieusement l'implantation dans les Cliniques St-Luc, stimule son expansion et la marque de ses qualités professionnelles et humaines. Soucieux d'élargir les possibilités thérapeutiques offertes aux patients atteints d'insuffisance rénale terminale, il entame, en 1978, un programme de dialyse péritonéale continue ambulatoire qui s'est progressivement étendu.
Au sein du département de médecine interne, en particulier, et dans le reste des Cliniques St-Luc, en général, Jean-Marie est souvent appelé en consultation : il devient l'ambassadeur du service pour tous les problèmes néphrologiques. Son expérience clinique et son accueil toujours chaleureux font de lui un conseiller discret, toujours efficace, souvent consulté par de nombreux anciens.
Son habilité technique et son inventivité lui ont fait décrire, avec André Stragier, une série d'innovayions techniques en dialyse. Tout récemment, il s'était passionné pour une nouvelle entité : l'amylose du dialysé, qu'il avait contribué à décrire chez le patient traîté depuis de nombreuses années. Avec J.P. Huaux et B. Maldague, il en avait cerné la symptomatologie clinique et radiologique pour en définir la prévalence. Le premier, il avait suggéré un rôle étiologique des membranes de dialyse et avait étayé cette hypothèse en démontrant une relation entre membranes et bêta-2-microglobuline, la substance constitutive de l'amyloïde. Cette contribution était au centre d'une réunion internationale à laquelle il venait de participer en janvier à Paris. Il était en train de rédiger ses résultats sur la cinétique de la bêta-2-microglobuline, quand il est parti en vacances.
Un homme ne se réduit pas à sa fonction. C'est particulièrement vrai pour Jean-Marie, qui a marqué profondément tous ceux qui ont collaboré avec lui. Au-delà du professionnel Jean-Marie était d'abord un homme d'écoute. Le malade n'était jamais réduit à un symptôme ou à une plainte: il était un tout que Jean-Marie respectait et aimait sans restriction. Au fil des années, Jean-Marie était devenu l'incarnation du médecin humain, idéal qu'il partageait avec les plus jeunes, sans discours, dans le vécu quotidien. Ce regard posé sur les patients, il le suscitait aussi dans le groupe des paramédicaux avec lesquels, infirmières et techniciens, il oeuvrait.
Dans le service, Jean-Marie était un témoignage d'unité. Il écoutait chacun, atténuait les tensions, conciliait les oppositions. Chaque division, m'avait-il confié un soir, le faisait souffrir, presque physiquement. Artisan d'Unité, comme St-François, dont l'image décore les abords de son bureau. Homme de Foi aussi, vivant, dans la simplicité, au jour , le jour, ses convictions.
Ce que Jean-Marie était dans son milieu de travail, il l'était dans beaucoup d'autres engagements, mais surtout dans sa vie de famille avec Anne, son épouse et ses cinq enfants, Olivier, Sabine, Laurence, Patricia et François au deuil desquels nous nous associons.
La présence de Jean-Marie parmi nous était si marquante, si complète que son départ nous arrache quelque chose de nous. Mais en même temps, nous sentons bien qu'il n'est pas parti. Il est devenu autre et nous reste bien présent. Il vit dans la médecine que nous continuons à vivre, dans les relations qui nous unissent, au coeur de son foyer, de sa famille. Au fond de chacun, il murmure son témoignage de paix et d'harmonie. A nous de garder l'oreille attentive.
C. VAN YPERSELE de STRIHOU |