Louvain médical 108:385-386,1989

IN MEMORIAM

LE PROFESSEUR PAUL VAN GEHUCHTEN (1895- 1989)

Le Professeur Paul Van Gehuchten est décédé le 30 avril1989, il avait 95 ans.

Résumer même à grands traits la carrière du ProfesseurPaul Van Gehuchten n'est pas chose facile. Elle couvre plus d'un demi-siècle.Avec des zones d'ombre et de lumière, reflets des événementsqui ont bouleversé l'Europe, je tenterai d'en dérouler le filconducteur et de dégager les principes qui ont régi sa vieprofessionnelle.

Il s'inscrit à la Faculté de Médecine en 1910. La guerreouvre une parenthèse tragique dans ses brillantes études. Terminantson 1er doctorat à 20 ans, il s'engage comme volontaire en août1914. En 1916, il est promu sous-lieutenant, médecin auxiliaire, Croixde guerre avec palmes; en 1919, dans Louvain dévasté, il entamele 2e et le 3e doctorat confondus et il reçoit le titre de docteuren médecine la même année.

C'est à la Salpêtrière, dans le service de Pierre-Mariequ'il va acquérir sa formation de neurologue et de neuropathologiste,celle que son père, décédé prématurémenten 1914 à l'âge de 53 ans, n'a pu lui donner. C'est làqu'il parachève le livre d'Arthur Van Gehuchten, Les maladies nerveusesdont la 1ère édition parait en 1921.

En 1927, il est nommé chargé de cours ; en 1929, ProfesseurOrdinaire; 1935 le voit responsable de l'Enseignement de la Neurologie ennéerlandais.

En 1952, il fonde l'Institut de Neurologie à Louvain. Membre titulairede l'Académie Royale de Médecine en 1946, il en assume la présidenceen 1961. Son admission à l'éméritat en 1964 n'arrêtepas son activité comme en témoignent encore une vingtaine depublications. Il fut président d'honneur de l'Association des Médecinsde Louvain. A ce titre, il a publié dans la Revue Médicalede Louvain plusieurs articles consacrés tantôt à desmises au point sur des sujets neurologiques ou neurochirurgicaux, tantôtà des problèmes d'éthique médicale.

A travers les multiples travaux qui émaillèrent sa carrièrescientifique, on décèle l'intérêt qu'il portaità l'anatomie et à la pathologie du système nerveux avecune prédilection pour tout ce qui avait trait aux maladies infectieuseset tumorales, c'est-à-dire pour ce groupe d'affections sur lesquellesil possédait un moyen d'action car c'était un homme d'action.Souffrant intérieurement des faibles moyens thérapeutiquesdont disposait alors la neurologie, son attention se tournait vers ce quilui apparaissait comme im- médiatement efficace, il était neurochirurgienà son corps défendant.

Pédagogue dans l'âme, cette qualité était chezlui indissociable de celle de médecin. Non qu'il voyait en chacunde ses malades l'objet d'une démonstration, mais parce que la complexitédu fait clinique, au fil de l'anamnèse et de l'examen, se transformaitprogressivement dans son esprit en un schéma anatomique limpide susceptibled'être dessiné au tableau noir. Elaguant avec soin tout ce quipouvait parasiter sa filière diagnostique, il allait à l'essentieljusqu'à une simplification qui pouvait paraître outrancièremais qui constituait pour lui un principe d'enseignement: apprendre quelquespréceptes clairs et les répéter régulièrement.La Neurologie du Médecin Praticien qu'il écrivit àla fin de sa carrière académique témoigne de cette décantationintellectuelle et les succès de Maladies Nerveuses, sept foisréédités entre 1921 et 1958 constituent la preuve laplus tangible de la justesse de sa démarche pédagogique.

Affable, rapide et précis, il percevait mal qu'on puisse êtreautrement. Secret aussi, il se ménageait un jardin où seulsses proches pouvaient pénétrer mais cet espace n 'étaitpas emmuré. Ce qui pouvait paraître distance n'étaitque pudeur et peut-être timidité. Mis en confiance, il savaitouvrir son coeur qu'il avait généreux et parler de sa femme,de ses enfants, des joies et des soucis qu'ils pouvaient lui donner.

Homme de science, médecin, pédagogue, il fut tout cela àla fois, mais relisant son curriculum vitae rédigé de sa main,il fut peut-être et avant tout un père aussi fier de ses enfantsque de ses publications. C'est à eux que je dédie ces phrasesmaladroites et le souvenir qu'il nous laisse, celui d'un aristocrate de lamédecine.

Professeur E.C. LATERRE