Louvain Médical 111:361-362, 1992 IN MEMORIAM PROFESSEUR BARON ANDRÉ SIMONART (1903-1992)C'est tout au début du premier doctorat en 1957 que j'ai rencontré le Professeur Simonart qui y dispensait un enseignement de haute qualité. En ce temps-là, les cours de pharmacodynamie et de médecine interne étaient donnés en cycle simultanément aux étudiants du premier et du deuxième doctorat en médecine. De suite, j'ai été séduit et marqué par ses leçons vivantes alliant à la fois une originalité et une précision insignes.
Quelques jours plus tard, j'entrais dans son laboratoire de recherches qui portait le nom de Laboratoire de Thérapeutique Expérimentale à Institut Réga où j'allais avoir le privilège de travailler sous sa direction pendant 12 ans et bénéficier ainsi de ses conseils éclairés, de sa direction scientifique stricte et logique, mais toujours courtoise.
Dans la recherche scientifique, j'ai pu découvrir un scientifique rigoureux, préférant sans cesse les résultats toujours vérifiés aux hypothèses hasardeuses, faisant ainsi sien aphorisme de Claude Bernard dans l'introduction à la Médecine Expérimentale "c'est ce que nous croyons connaître qui nous empêche d'apprendre". Une autre qualité du Professeur Simonart est qu'il s'exprimait dans un langage clair et précis.
Le meilleur exemple qu'il nous en a donné, ce sont ses recherches patientes, poursuivies sur le choc circulatoire après brûlure expérimentale, sujet qu'il a initié et continué avec nombre de collaborateurs pendant 40 ans. N'hésitant pas, chose rare pour un scientifique, mais non pour un homme de la trempe du Professeur Simonart, de rejeter une théorie qu'il avait pourtant défendue pendant longtemps, dès que la participation de l'endotoxine des bacilles Gram négatif dans la genèse de ce choc postbrûlure fut démontrée de façon irréfutable dans son laboratoire. Tel était André Simonart: scientifique rigoureux de haute probité, doué d'un esprit d'observation fine et pénétrante.
Sur le plan de la discipline propre de la pharmacodynamie, il convient de rappeler, qu'il a été un des tout premiers à montrer la libération et le rôle de l'acétylcholine dans l'excitation du muscle strié à un moment où la théorie mécaniciste était la seule admise.
Sur le plan thérapeutique, il a assuré et avec quel brio ! le passage de l'enseignement de l'antibiothérapie et de la vitaminologie dès la fin du deuxième conflit mondial. Dieu seul sait avec quels mérites, il a pu assurer un enseignement de si haute qualité et dispensé dans les deux langues nationales à ses étudiants en médecine, à sa sortie des camps de concentration où sa santé avait été fort délabrée.
Dans les éditions successives de son traité de Pharmacodynamie et de Thérapeutique, il a ainsi assuré le relais de son enseignement oral afin que les praticiens utilisent au mieux les médicaments pour leurs malades. Il n'en était pas resté là et dès 1957 jusqu'en 1966, il reprenait des mains de feu le Professeur Richard Bruynoghe, la direction scientifique de la Revue Médicale de Louvain. Simultanément, il fondait et devenait le directeur scientifique du Leuvense Geneeskundig Tijdschrift de 1957 à 1964. Il avait fait ce choix pour assurer et parfaire les connaissances des médecins praticiens à une époque où n'existaient ni cours de recyclage ni cours postuniversitaires.
Toujours homme de devoir, il devait prendre jusqu'en 1974, la direction du mémorial du fort de Breendonk, afin que la Mémoire ne soit pas oubliée. Il échoit à d'autres le soin d'évoquer les moments particulièrement pénibles vécus par lui, qui lui ont donné droit à l'admiration et à la reconnaissance nationales et il a plu à sa Majesté le Roi de le montrer par l'élévation du Professeur André Simonart à la dignité de Baron.
Père de dix enfants, il leur prodiguait toute son affection. Entouré des soins aimants, attentifs et vigilants de sa femme, il a pu mener à bien la mission d'enseignant universitaire et lui a donné un lustre rarement atteint, malgré une santé altérée par son internement au camp de concentration de Buchenwald d'où il fut rescapé en mai 1945.
Toujours soucieux de la pharmacologie, il avait pressenti au moment de son éméritat l'orientation qu'il fallait lui donner dans la formation des étudiants en médecine. C'est pourquoi, il a voulu que les fonds collectés en 1969 parmi ses anciens étudiants en reconnaissance de son enseignement, soient affectés à la fondation d'un prix qui porte son nom, destiné à encourager et à promouvoir les travaux de pharmacologie clinique menés par des étudiants de l'UCL ou de la KUL. Dans son esprit, les deux facultés de médecine de l'UCL et de la KUL n'en formaient qu'une, car il y avait dispensé son enseignement magistral de qualité, sans distinction de langue. D'ailleurs, les médecins issus de l'UCL et de la KUL qui ont bénéficié de l'enseignement du Professeur Simonart ne s'y sont jamais trompés et ont conservé le souvenir du grand pédagogue qu'il était et lui ont toujours témoigné une vive admiration.
Croyant convaincu et fervent, le Professeur Baron Simonart s'est éteint le 21 avril dernier entouré de tous les siens, dans l'espérance de la Résurrection. Que sa femme et ses enfants acceptent la reconnaissance de tous ses anciens collaborateurs et étudiants à leur ancien patron et professeur. C. HARVENGT
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