Louvain médical 86:463-464,1967

IN MEMORIAM

LE PROFESSEUR CHARLES ROUVROY (1904- 1967)

Le professeur Charles Rouvroy est décédé inopinément le 19 septembre 1967; il est mort solitaire comme il vivait depuis la mort de sa femme pour laquelle il avait eu et avait encore un amour digne d'admiration.

Dans leur sécheresse, ces faits nous montrent l'homme qu'il fut, quarante ans, au service de la psychiatrie et de l'institut universitaire de Lovenjoel où il entrait comme étudiant en 1927 pour ne plus le quitter, accédant progressivement aux grades supérieurs.

Il fut nommé professeur extraordinaire en 1953 à l'aboutissement d'une carrière scientifique qui débuta en 1929 par des travaux, portant sur l'anatomopathologie de la schizophrénie et d'autres affections psychiatriques, ainsi que sur le barbiturisme, en collaboration avec feu le professeur F. d'Hollander.

Vers 1936, son orientation se modifia et nous trouvons des travaux sur la psychométrie en psychiatrie, l'impulsion criminelle, etc... Très attentif à l'aspect moral de sa pratique, il fit une communication remarquée sur la légitimité et les indications de la psychochirurgie en 1954.

Il présida assidûment au développement de tout son service comportant l'hôpital psychiatrique universitaire de la faculté francophone de médecine de Louvain ainsi que le dispensaire d'hygiène mentale de Louvain. Il fonda, le Premier en Belgique, un centre médico-psychologique à l'Université, destiné aux étudiants, et assuma de multiples activités à caractère humanitaire et philanthropique en relation avec la psychiatrie.

Il fut membre fondateur de l'Union Professionnelle des Neuropsychiatres de Belgique et Président de la Société Royale de Médecine Mentale de Belgique.

Esprit érudit et fin, passionné de musique, il poussait sa propre autocritique jusqu'à l'hésitation dissolvante, tant son intelligence toujours à la recherche anxieuse de la vérité et du droit chemin le sollicitait en sens divers. Jamais, il ne s'est départi de cette attitude éclectique au cours de sa longue carrière et, chatouilleux à l'extrême de l'intégrité de la personne des gens qu'il rencontrait, il était la discrétion même; on pouvait tout lui confier et, Dieu sait ce qu'il savait, jamais ne perçait la moindre allusion aux secrets qu'il détenait dans le dur métier de clinicien-psychiatre.

Homme de foi, il forçait au respect par sa conviction religieuse, sa pratique, la haute tenue morale de ses propos, tout cela non exempt de luttes, nous dira un des collaborateurs qu'il a le plus aimé.

Doué d'une bonté paternelle pour ses malades, il était accueillant et réservé dans la pratique de tous les jours, et ceux qui le côtoyaient pouvaient s'émerveiller de cette patience douce qu'il mettait à écouter de très longs moments les pitoyables misères qu'il rencontrait dans son austère profession.

Ce faisceau de qualités humaines devait le porter au faîte d'une technique qu'il maniait avec une élégance de très grand maître : celle de l'interview en clinique psychiatrique ; personne, mieux que lui, ne savait avec bienveillance, sagacité et pertinence mener cet examen essentiel à la discipline. Il était alors brillant, laissant ceux qui l'entouraient à la fois dans l'étonnement et la joie d'apprendre, car il a communiqué, du mieux qu'il pouvait, ce don et cette technique à une pléiade d'assistants qui suivront son enseignement et qui tous lui sont restés fidèlement attachés, épris de justice, d'honnêteté et de finesse un peu sentimentale et romantique comme celle que cultivait aimablement leur maître. Qu'à travers ces mots simples, issus du coeur d'un de ses collaborateurs, les siens trouvent la preuve d'une très grande estime.

Dr P. GUILMOT