BIC (Bulletin d'informations cliniques) (96), 2001

IN MEMORIAM

Charles-Albert NAGANT de DEUXCHAISNES



L'annonce du décès du Pr Charles Nagant (le 3 juin 2001) n'a laissé personne indifférent tant il a marqué de son empreinte trés particulière une vie professionnelle bien remplie mais trop tôt interrompue. Qu'il s'agisse de l'homme, du médecin, du professeur, du scientifique, nous lui reconnaissions tous une originalité exceptionnelle. Inutile de rappeler qu'il fit ses études de médecine à l'Université de Louvain où il obtint son diplôme en 1957 avec la grande distinction.

Au cours de sa spécialisation, il effectua deux stages à l'étranger qui ont sûrement marqué son orientation future. Il séjourna d'abord durant deux ans dans le Service de médecine interne du Pr Mach à l'Hôpital cantonal de Genéve. Ensuite, il resta durant quatre années - d'abord comme "Research Fellow" et ensuite comme" Clinical and Research Fellow" in Medicine, Arthritis Unit chez le Pr Krane à la Harvard Medical School à Boston. Pendant trois ans, c'est-à-dire de 1965 à 1968, il poursuivit ses recherches comme chercheur qualifié au Fonds National de la Recherche Scientifique dans le laboratoire de Rhumatologie et du Métabolisme Phosphocalcique de l'Hôpital Saint-Pierre à Leuven.

Dès 1968, il fut responsable du service de Rhumatologie dans le Département de médecine interne du Pr F. Lavenne. Il en deviendra le chef de service officiel en 1973. Ce service rejoindra les Cliniques universitaires Saint-Luc à Woluwe en 1977. L'activité clinique du Pr Charles Nagant était importante; il réalisait personnellement des journées entières de consultation se terminant parfois tardivement, ce qui lui valait exceptionnellement une lettre de plainte ou un rappel de la direction. Mais l'homme était tellement habile et attachant que personne ne lui en tenait rigueur. Sa grande compétence et sa convivialité avaient raison de toutes les situations.

Dans son enseignement, il était unique. Tous les étudiants qui se pressaient pour assister à ses cours de rhumatologie et à ses démonstrations cliniques le diront. Ayant une faconde intarissable, il excellait dans l'art du mime;  tantôt c'était l'attitude du rhumatisant perclus, tantôt celle du malade souffrant d'une sciatique ou d'une coxarthrose. Ses cours étaient percutants, mais il ne pouvait se départir de faire profiter ses auditeurs de toute la science qu'il possédait dans le domaine du métabolisme phosphocalcique.

Ce domaine fut son havre de prédilection dont il fit son objectif de recherche. C'est dans ce domaine précisément qu'il était appelé comme expert dans tous les congrès internationaux. Il n'était pas peu fier de communiquer aux autorités tel ou tel déplacement à l'étranger en l'accompagnant de l'invitation à présider une session importante aux Etats-Unis ou ailleurs. Il était un ambassadeur incontesté de la rhumatologie et du métabolisme phosphocalcique, non seulement des Cliniques universitaires de l'UCL mais aussi de notre pays. L'Université ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisqu'elle lui a permis de gravir rapidement les échelons de la carrière académique :  Maître de Conférence en 1968, Chargé de Cours en 1970, Professeur en 1972 et Professeur Ordinaire à l'âge de 43 ans en 1975. Ce n'était finalement que justice.

Charles Nagant n'a cependant pas été épargné. D'abord il a dû faire face à la disparition de ses deux collaborateurs de la première heure, le Dr Christiane Lindemans et le Dr Jean-Pierre Huaux. Ils formaient à eux trois une équipe complémentaire de très haut niveau. Ensuite, après avoir retrouvé la sérénité indispensable à la poursuite de toutes les missions de son service, il fut atteint d'une maladie inexorable qui allait progresser pendant plus de dix ans. Lui, l'orateur de toutes les circonstances, allait voir son discours perturbé puis devenir difficilement compréhensible pour enfin devenir muet.

Ce fut certainement une épreuve terrible pour lui-même, pour ses proches dont les membres du Service de rhumatologie et du Département de médecine interne, mais surtout pour sa famille. Qu'il me soit permis ici d'admirer tous les trésors de patience, de courage et d'amour que son épouse Françoise a déployés pour accompagner son mari pendant toutes ces années. C'est un exemple que tous ceux qui en furent témoins n'oublieront jamais.

Il y a quelques jours, celle—ci me confiait "on croit que cela n'arrivera jamais et pourtant c'est arrivé, Charlie nous a quittés". Oui, Charlie nous a quittés. Il nous a quittés discrètement comme il le faisait dans sa vie de tous les jours. Discret et réservé, il l'était même si de temps en temps il pouvait manifester sa mauvaise humeur. Ce n'était peut-être pas un organisateur né,  mais c'ètait sans conteste un Maître qui a fait école et qui a impressionné ses élèves.

Cher Mr Nagant, vous qui avez été le fondateur du Service de rhumatologie des Cliniques, nous garderons de vous le souvenir d'un médecin brillant, d'un chercheur inlassable, d'un homme respectable, d'un ami. L'Université catholique de Louvain et ses Cliniques universitaires sont fières d'avoir compté parmi les leurs une telle personnalité insaisissable par certains aspects mais combien attachante.

Cher Charlie, tu as accosté sur l'autre rive, la fin de ta traversée fut difficile, tu peux à présent t'y reposer mais ne nous oublie pas et surtout veille sur tes proches et ton épouse comme ils l'ont si bien fait sur toi.

Au revoir Charlie

Pr Edgard Coche