In Memoriam Professeur CharlesAlbert Nagant de Deuxchaisnes
(27 février 1932 – 3 juin 2001)
 

Monsieur Nagant, Charly pour les intimes, nous a quittés. C’est une page de la Rhumatologie Belge qui est tournée.

Il était né à Liège en 1932.  Aprèsdes humanités gréco-latines au Collège Notre-Dame àTongres qu’il a terminées avec la médaille d’or, il entamases études de médecine aux Facultés Notre-Dame de laPaix à Namur (1ère candidature), qu’il poursuivit àl’Université catholique de Louvain.  Après deux annéesd’assistanat dans le Service de Médecine Interne du Professeur J.P.Hoet, il passa deux années de recherche dans le Service de MédecineInterne du Professeur R. Mach à la Clinique Universitaire de Thérapeutiqueà l’Hôpital Cantonal de Genève où il produisitde remarquables travaux sur le potassium échangeable.  Ensuite,il revint pour deux ans à Louvain, aux Cliniques Universitaires Saint-Pierreet à la Clinique Universitaire Saint-Joseph à Herent, dansle service du Professeur J. Arcq, où ce dernier lui permit de sublimerses grandes qualités humaines au service des patients.  Ensuite,il repartit aux USA à la Harvard Medical School à Boston, Massachusettsainsi que dans l’Arthritis Unit du Professeur S. Krane où il étudiales métabolites du collagène et avec qui il publia une superberevue sur la maladie de Paget de l’os.

De retour en Belgique, il développa entre 1965 et 1968, en tant quechercheur qualifié au Fonds National de la Recherche Scientifique,le laboratoire de Rhumatologie et du Métabolisme Phosphocalcique dansle Département de Médecine Interne du Professeur F. Lavenneà Louvain.  Dès 1968, il fut nommé Chef de Servicede Rhumatologie, Service qu’il créa et développa de toutespièces, en premier lieu à Louvain; il s’agissait en fait dupremier Service de Rhumatologie Universitaire autonome de clinique purementrhumatismale en Belgique, les Services existant jusqu’alors étantfortement teintés de Médecine Physique.  Il fonda et pérennisaégalement l’Unité de Recherche en Rhumatologie.

Rapidement, l’étendue de ses connaissances scientifiques, sa chaleurhumaine et sa force de persuasion lui permirent de développer uneéquipe.  Le déménagement à Woluwéen 1977 n’a guère freiné son enthousiasme, bien au contraire. Hélas, le destin s’acharna sur son Service et le priva de trois deses collaborateurs, disparus accidentellement ou à la suite d’unepénible maladie.  Le Professeur Nagant ne se décourageapas et continua de plus belle ses recherches.  Membre de l’AmericanSociety for Bone and Mineral Research, de l’American Rheumatism Associationet bien entendu de la Société Royale Belge de Rhumatologieainsi que d’Endocrinologie; membre du Board of Trustees de la European CalcifiedTissue Society et du Scientific Advisory Board of the European Foundationfor Osteoporosis and Bone Disease et Membre de l’Editorial Board de plusieursrevues prestigieuses, il assumait l’entière responsabilitéde chacune de ces charges tout en maintenant une activité cliniquequi le rendait très proche de ses patients.  Sa disponibilitéétait grande; son téléphone, même chez lui, n’étaitjamais coupé.

Monsieur Nagant fut, de plus, un enseignant hors pair.  Ses cours furenttoujours très prisés tant il les rendait vivants de par safaconde exceptionnelle et ses fameux dons d’imitateur.  Nul doute que,dès leurs premières confrontations avec les maladies rhumatismaleschez leurs patients, de nombreux jeunes médecins se soient remémorésles facéties de leur professeur, mimant tantôt la démarched’un coxarthrosique, tantôt la camptocormie d’un syndrome de Verbiest,tantôt la marche de canard de la myopathie proximale.  Quant àla formation continue des assistants spécialistes, son staff meetingde Rhumatologie du mardi à 13 heures fut un réel succès. En dépit des contingences d’un horaire peu ou mal adapté pourla plupart, des distances importantes pour certains, cette véritableécole fut toujours largement fréquentée.  Ce quilui permit de préserver des contacts amicaux avec bon nombre d’anciensassistants et par là même de continuer à leur prodiguersans compter ses conseils thérapeutiques avisés.

Malheureusement, alors que son Service avait repris vigueur, un terriblecoup du sort le toucha personnellement.  Lui qui captivait l’attentionde ses auditoires d’étudiants ou de scientifiques par la force etla pertinence de son éloquence à tel point qu’il étaitmondialement sollicité, se trouva peu à peu privé decette éloquence, atout majeur dans un monde de communication. Il dut hélas progressivement se retirer de la scène internationaleoù il avait excellé.  Comment put-il endurer de garderintacte sa brillante intelligence sans pouvoir continuer à l’exprimerautrement que par un regard qu’il garda longtemps vif et pétillant?  Jamais il ne manifesta le moindre signe de révolte, portantsa croix en toute humilité, puisant assurément sa force dansson immense foi en Jésus-Christ, Notre Seigneur.

Au bout de douze années d’épreuves dues à la maladieil s’est éteint, sachant combien ses proches l’aimaient et que sesélèves resteraient fidèles à son souvenir.

Pour que cet éloge soit complet, il faut associer à la réussitede Charles Nagant, son épouse Françoise qui l’a secondétout au long de sa carrière, s’adaptant sereinement aux aléasd’une vie professionnelle extrêmement chargée.  Son courageface à l’épreuve des dernières années, son absencede révolte et de rancœur devant l’injuste maladie ont forcél’admiration de bon nombre d’entre nous.  Mais plus encore, Madame Nagantnous a donné une formidable leçon de vie et d’amour : jamaiselle n’a relâché sa présence auprès de son mari,jamais sa tendresse n’a faibli !

Il me semble opportun de conclure en citant les mots d’anciens patients,croisés sur le parvis de l’Eglise Notre-Dame de l’Assomption le samedi9 juin, présents malgré leur âge avancé, la distanceet l’importance du laps de temps écoulé depuis leur dernièreconsultation : “c’était un grand médecin, un homme tellementhumain, un docteur tellement dévoué qu’il nous aurait étéimpossible de ne pas venir lui rendre un dernier hommage”.  Qui d’entrenous ne serait sensible à cette épitaphe ?

Jean-Pierre Devogelaer.