Annuaire UCL 1966-1970 : CLXXXII - CLXXXIV et Louvain médical 87:477-489, 1968 Discours prononcé par Mgr A. Descamps, recteur magnifique, aux funérailles du Pr S. Masy, le 16 juillet 1968. SIMON MASY
1905- 1968
Touché, il y a plus d'un an, par les premières atteintes d'un mal redoutable, le Professeur Masy s'était, à la suite d'une première intervention, remarquablement rétabli. Contraint de s'aliter à nouveau, il avait mené, durant les dernières semaines, un combat courageux, dont l'issue sans doute lui parut parfois incertaine, mais qui laissa place, le plus souvent à une grande espérance. Et la mort vint presque brusquement, sans véritable agonie, tandis que le malade venait encore de travailler. Dénouement, peut-être inhabituel d'une pénible maladie, mais où se détachent quelques notes de sérénité qui apportent un adoucissement au chagrin de la famille et au deuil de notre Faculté de Médecine.
Né à Landen le 13 mars 1905, Simon Masy était le fils unique d'un pharmacien. Il fit ses humanités au collège Notre-Dame à Tirlemont puis la médecine en notre université. Il se qualifia ensuite en radiologie, et séjourna à cet effet dans des services spécialisés à Paris, Rotterdam et Maastricht. En 1929, il fut nommé chef du service de radiologie à l'Hôpital civil de Tirlemont, et, en 1935, il fut attaché en la même qualité aux cliniques Saint-Pierre de Louvain.
L'année suivante, il reçut, comme suppléant, une charge d'enseignement en physiothérapie, régime néerlandais. Plus tard, il assurera ce cours en français, ainsi que des leçons d'électrodiagnostic et de technique radiologique. Aussi, une nomination de maître de conférence le fit-il entrer, en 1942, dans le corps académique de notre Maison et, en 1953, il fut promu au rang de professeur extraordinaire.
Les dispositions du Dr Masy pour la radiologie étaient manifestes. Ainsi, dès 1939, il signalait à l'attention en mettant au point un appareil de sa conception pour l'examen tomographique. Il pratiquait depuis longtemps les techniques les plus modernes et les plus élaborées du radiodiagnostic. En outre, il avait acquis, au fil des ans, une expérience qui s'était muée en virtuosité ; son habileté dans la préparation et l'interprétation des clichés radiographiques était devenue proverbiale.
Les écueils de cette spécialité sont cependant connus. Dans toute clinique importante, le radiologue est aujourd'hui sollicité au point de s'épuiser à une tâche écrasante. Dans ces conditions, il ne lui est pas toujours facile de convertir en un enseignement systématique les conclusions de ses innombrables observations. Mais si, comme on peut le penser, le professeur ne se sentait pas particulièrement attiré par l'enseignement ex cathedra, il publia cependant un assez bon nombre d'articles, ainsi que des notes de cours, et il prépara un manuel de technique radiologique. Et surtout il forma un bon groupe de radiologues, qui, aujourd'hui, aux quatre coins du pays, portent témoignage à la qualité de la formation reçue en notre Aima Mater. Et ces jeunes ont emporté, de leurs contacts avec leur maître, plus que des connaissances médicales, à savoir le souvenir d'un "patron" attachant auquel ils ont d'ailleurs rendu, en plus d'une circonstance, un éloquent hommage.
Outre son labeur quotidien à la clinique, le Professeur Masy a déployé une activité considérable et méritoire pour se tenir au courant des derniers développements de la science radiologique. Il ne manquait aucun de ces congrès où se retrouvent les spécialistes d'une même discipline pour faire le point des résultats obtenus et pour fixer l'orientation des progrès à poursuivre. Bien plus, il y jouait un rôle actif et jouissait de la grande considération de ses pairs. Membre des Sociétés allemande, italienne, espagnole et colombienne de Radiologie, il était en outre Secrétaire général de la Société Royale Belge de Radiologie et Président de l'Association européenne de radiologie. À la veille de la récidive mortelle de sa maladie, il s'était encore rendu à Londres pour les affaires de cette Association, et, plus récemment, ses confrères d'Allemagne s'apprêtaient à le recevoir et à le fêter. Nous ne saurions oublier qu'en se dépensant ainsi, le Professeur Masy a porté à l'étranger le renom de Louvain, et contribué au rayonnement de notre Faculté de Médecine.
Dans ses rapports quotidiens avec ses proches et ses collègues, avec ses étudiants et ses collaborateurs, le Professeur Masy avait une manière bien à lui. Ses confrères de promotion ont gardé de lui le souvenir d'un agréable compagnon, et il a toujours été fidèle à cette image. Sans être exubérant, il était resté gai, enjoué, et très souvent malicieux. Il observait d'un oeil subtil et amusé le spectacle de l'existence, il en voyait avec acuité les grands et les petits côtés ; mais au contact des aspérités de la vie, il avait aussi appris les vertus souveraines de la prudence. Cette tournure d'esprit se marquait, chez lui, par une imperceptible volonté de ne pas se livrer tout à fait, et par une réelle habileté dans la poursuite de ses desseins.
Connaisseur perspicace de l'âme humaine, il eût été, s'il en avait eu le loisir, un chroniqueur plaisant (et étonnamment documenté) de notre institution, dans laquelle, comme dans toutes les belles et grandes familles, le pittoresque voisine avec la vraie noblesse. Mais il était aussi clairvoyant envers lui-même. Bien qu'il fût sensible à l'éloge et à la critique, il savait prendre du champ par rapport à son propre travail, et le juger avec une note de détachement. Bref, il possédait une sorte d'humour foncier, qui était sans doute aux antipodes de la passion, mais qui est aussi marque de finesse et d'intelligence.
Cette forme de sagesse ne doit pas, toutefois, donner le change, et, chez le maître disparu elle ne pouvait masquer les qualités plus profondes où se révèlent en définitive l'homme et le chrétien. Le Professeur Masy était entièrement voué à sa tâche. Quelques heures avant sa mort, - moins d'une heure avant que survint la crise qui l'emporta, - il dictait encore le protocole d'un examen radiographique.
C'était un homme généreux, et dont la vie familiale fut exemplaire. Avec son épouse, aujourd'hui si éprouvée, il forma un ménage très uni. Ses proches lui étaient chers, et ses petits-enfants, en particulier, lui procuraient des joies immenses ; leur présence, à ses côtés, a véritablement adouci les derniers instants de sa vie. A l'heure du trépas, une délicate attention de l'un de ses collègues et amis lui mit entre les doigts un chapelet ramené de Jérusalem, avec lequel il fut enseveli. Ce fut là plus qu'un symbole, mais en quelque sorte la profession de foi d'un chrétien dont la religion, pour être à l'opposé de l'ostentation, n'en était pas moins sincère et profonde.
En revoyant en esprit une vie de travail vouée à l'université, nous emportons, une nouvelle fois, quelques précieuses leçons. Dévouement incessant à une grande et belle mission, attachement solide à ces autres valeurs rares de l'existence que sont la vie de famille et l'esprit de foi ; tels sont les sujets que nous sommes conviés à méditer. Nous joignons à cette méditation des sentiments de vive gratitude, ainsi qu'une prière de supplication au Maître de la vie et de la mort, qui est, plus encore, le Dieu des vivants. |