Annuaire UCL 1957 - 1959 : 93 - 96 Hommage au Professeur Fernand Malengreau en la séance du4 mai 1958 de l'Association des Médecins sortis de l'Universitéde Louvain Discours du Pr E. Van Campenhout (doyen et secrétaire-trésorierde la FOMULAC) A ses fonctions déjà si absorbantesde professeur et de chef de laboratoire, dont mon collègue De Duvevous a éloquemment parlé, le Professeur Malengreau ajoute dès1926 celle de Secrétaire-Trésorier de la Fondation Médicalede l'Université de Louvain au Congo, plus généralementconnue sous le vocable de FOMULAC. Retracer l'activité de Fernand Malengreau dans ce domaine, c'est raconter l'histoire de cette fondation à laquelle le nom du regretté disparu restera indissolublement lié. Il n'entre nullement dans mes intentions de faire, même d'une manière sommaire, une historiquede la Fomulac, mais, si nous voulons comprendre une part importante du caractèreet des préoccupations de celui qui fut pendant plus de trente annéesSecrétaire-Trésorier de cette oeuvre admirable, nous devonssuivre Fernand Malengreau au milieu de quelques phases de cette histoiredéjà longue et parsemée d'incidents. Comme Fernand Malengreau le raconte lui-même dans la brochure qu'il a publiée en 1941, les conférences de l'Avant données en 1924 par R.Père Charles S.J. aux étudiants de notre Université avaient connu un grand succès. L'éloquence persuasive de l'orateur, sa parole chaude et vibrante avaient soulevé l'enthousiasme de son auditoire et lui avaient communiqué la flamme ardente de son prosélytisme. Ce fut l'origine de l'AUCAM. Quelques. mois plus tard, cette nouvelle Association émit le voeu de voir l'Alma Mater s'intéresser plus directement à la Colonie, A l'instigation des RR. Pères Charles et Guffens, quelques membres de la Faculté de Médecine se groupèrent en une association sans but lucratif, présidée par le Professeur Léon Dupriez. Leur ambition était de " créer une institution universitaire où se formeraient suivant les saines méthodes d'une pédagogie éprouvée des infirmiers et plus tard des assistants médicaux noirs et où des chercheurs auraient à leur disposition le matériel et l'outillage nécessaires à l'étude de la pathologie tropicale ". Le Conseil d'Administration fut constitué le 16 janvier 1926. Son Excellence Monseigneur Ladeuze avait bien voulu accepter un mandat d'administrateur, Lemaire était vice-président, Malengreau et Georges Debaisieux étaient secrétaires-trésoriers, et les autres administrateurs étaient Richard Bruynoghe, Leplas, Nelis et Rufin Schockaert. Sans vouloir minimiser le moins du monde la part de chacun des membres du Conseil, il n'est pas inexact d'affirmer que Fernand Malengreau était la cheville ouvrière de la Fondation. Après de longues et multiples consultations avec ses collègues et avec diverses personnalités du monde colonial, c'est lui en définitive qui décidera de l'emplacement des centres à créer, qui prendra les mesures d'exécution, qui cherchera et trouvera les moyens financiers. Dès 1927, le centre médical de Kisantu admet ses premiers malades et son école d'infirmiers est fréquentée par 5 élèves. En 1931, s'ouvre le centre de Katana sur la merveilleuse rive du Lac Kivu. En 1939, naît le troisième centre à Kalenda, au Kasaï. Dans l'administration et la gestion de la FOMULAC, Fernand Malengreau apportera tout son dévouement et tout son coeur. L'oeuvre dont il fut l'âme agissante a pu vivre et a pu se développer grâce à ses qualités personnelles qui lui attiraient toutes les sympathies. Parmi ces qualités, ce sont peut-être celles du chercheur, de l'homme de laboratoire qui seront les plus utiles. S'il a pu affronter et surmonter les pires difficultés, ce fut d'abord grâce à une remarquable ténacité qu'aucun obstacle ne rebutait. Un jugement objectif et clair, tant sur les personnes que sur les choses, une compréhension généreuse des grands problèmes et une précision méticuleuse pour toutes les questions de détail étaient transposées par lui du milieu scientifique à la Fondation Médicale. Une part très importante de ses activités était consacrée à la FOMULAC et certains ont même dit de lui qu'il vivait pour la FOMULAC. Ce serait cependant réduire l'envergure du philanthrope que de limiter ainsi son activité colonisatrice, digne de nos plus vrais pionniers de l'oeuvre coloniale. En vérité, il voyait plus loin et plus haut. Il entrevoyait l'avenir et ses écrits fourmillaient d'allusions générales et parfois prophétiques. Comment ne pas citer quelques extraits de l'opuscule qu'il consacra en1941 à l'histoire de la FOMULAC ? "La formation d'infirmiers, puis d'assistants médicaux, puis et plus tard de médecins indigènes peut et doit avoir sur le développement de la Colonie une répercussion très forte. L'histoire est là pour montrer l'influence prépondérante des écoles et l'importance de l'instruction comme instrument de la civilisation ". et plus loin, " La Fomulac a toujours estimé que si l'on voulait empêcher le noir, en contact avec une civilisation trop souvent tournée vers l'unique exploitation des richesses, de sombrer dans un matérialisme facilement révolutionnaire, il était temps de préparer une élite indigène foncièrement morale et profondément chrétienne. Tous les cadres de la société dirigeante indigène devraient être remplis par des éléments de choix". et enfin, " Le Conseil n'a jamais voulu brûler les étapeset former d'emblée des médecins indigènes, comme quelquesuns le lui ont reproché. Que Kisantu devienne le siège d'uneUniversité noire dont la Fomulac aura été le berceau,c'est chose fort possible et l'espoir n'est pas chimérique." Ce que son activité cache de dévouement, de préoccupations, de fatigues ressort très incomplètement de ses rapports annuels au Conseil d'Administration. Que d'obstacles n'a-t-il pas rencontrées ! Que de démarches n'a-t-il pas effectuées ! Que d'angoisses n'a-t-il pas éprouvées ! Si parfois il écrivait " les difficultés nous ont paru si grandes à certains moments qu'elles ont failli provoquer l'abandon de nos projets " il ajoute immédiatement " La Fomulac a toujours eu la foi" . Foi d'abord dans la Providence qui l'a soutenue et aidée dans les moments difficiles et parfois tragiques de sa jeune existence, foi dans la générosité des belges, foi dans les amis de l'Université, heureux de s'associer à l'expansion africaine de leur Alma Mater, foiaussi dans les Sociétés Coloniales qui sont indirectement lesbénéficiaires de son activité médico-sociale. Sa confiance n'a jamais été déçue. Fernand Malengreau était d'une modestie extraordinaire. Il aimait s'effacer et reporter sur d'autres la réussite des démarches qu'il effectuait. Combien de fois n'a-t-il pas dit et répété "Si la Fomulac a pu naître et se développer, c'està son personnel d'Afrique qu'elle le doit, au zèle dont ila su montrer l'exemple, à l'idéal chrétien qui l'anime". Certes, le choix des hommes a souvent été heureux ; nombreux sont les médecins en qui il a mis sa confiance et qui s'en sont montrés dignes ; nous pourrions en citer plusieurs qui ont été des pilierssûrs qui ont bien mérité de la FOMULAC et de l'Université; certains sont ici présents et je ne voudrais pas les nommer, maisje tiens à préciser que leurs noms démontrent la sagacitédu choix du Secrétalre-Trésorier de la FOMULAC. Envisagée sous ses multiples aspects, la personnalité duProfesseur Malengreau était singulièrement attachante. Si sonaccueil paraissait de prime abord un peu froid, on décelait immédiatement un coeur d'une richesse inépuisable, qui aimait à se répandre sur les gens qu'il aimait. Au cours des dix dernières années et plus particulièrement au cours des trois dernières années de sa vie, il me manifestait une confiance et une amitié qui m'émouvaient profondément. Lors de son accession à l'éméritat on 1950, il put se consacrer entièrement à la Fomulac et il put aller sur place régler les questions litigieuses. C'est au retour de son dernier voyage qu'il présenta des accidents cardiaques et qu'il dut réduire ses activités. Lorsque en décembre 1956, il voulut bien me transmettre ses fonctions, c'est-à-dire ses responsabilités, j'ai osé accepter parceque j'espérais que longtemps encore il serait pour moi un conseiller sûr, un guide dont j'avais un besoin impérieux. Survient hélas la date du 13 janvier 1958. La mort de celui qui pendant plus de trente années fut le Secrétaire-Trésorier de la FOMULAC est une perte irréparable. Sa disparition crée un vide qu'il n'est pas possible de combler. Sa succession est une charge. qu'il est bien difficile de remplir d'une manière convenable. Il fut une des figures les plus sympathiques, les plus brillantes de notre Faculté. Nous ne pouvons laisser ternir son lustre. Aussi, a-t-il paruopportun de demander à Monseigneur Gillon, Recteur de l'Université Lovanium, de bien vouloir placer dans les murs de la Faculté de Médecine à Kimwenza, le bronze qui rappellera aux générations futures que si Lovanium a pu se développer, si en particulier des indigènesaccèdent au diplôme de Docteur on médecine, c'est àdes hommes comme Fernand Malengreau que le Congo doit manifester sa reconnaissance.Pour nous, membres de l'Alma Mater louvaniste, le devoir est tout tracé.Pour honorer la mémoire du philanthrope, du colonisateur, du secrétaire-trésorierde la FOMULAC, nous devons tout faire pour que la Fomulac qui fut son oeuvrereste florissante. Professeur E. Van Campenhout Secrétaire-trésorier de la FOMULAC Doyen de la Faculté de Médecine. |