Mgr F. Litt, Prorecteur.

Rentrée académique 5 octobre 1964.




Excellences,
M.(M.M.) le(s) Président(s) du Sénat (des Chambres Iégislatives),
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Gouverneur,
Messieurs le Recteur et représentants des Institutions scientifiques,
Messeigneurs,
Mesdames, Messieurs,

En cette séance académique d'ouverture, nous voudrions tout d'abord évoquer pieusement la mémoire de ceux que Dieu a rappelés à Lui, professeurs et membres du corps académique, étudiants et étudiantes : M. Paul Lambin, né à Bruxelles le 26 octobre 1902, Professeur à la faculté de Médecine, décédé à Louvain le 8 décembre 1963.

La pureté, la noblesse, la grandeur de cette figure nous invitent à ne pas nous attarder aux détails d'un curriculum scientifique et académique d'un cursus honorum classique. Paul Lambin réunissait toutes les qualités qui font un professeur d'université de grande classe, c'est-à-dire non seulement un enseignant et un chercheur, mais un maître, un maître à penser et un maître à vivre. Vraiment, il était très près, tout près du type idéal du professeur d'Université, et en particulier du professeur de médecine.

Formation de base large et profonde, développée par toute une vie de recherches, nourrie par une longue expérience clinique, enrichie par d'incessantes lectures, servie par une mémoire encyclopédique, tout cela décanté par un bel esprit de synthèse et s'exprimant dans une langue impeccable. Voilà ke brillant professeur.

Mais ce professeur, ce scientifique se faisait au chevet du malade, médecin au sens le plus noble et le plus complet du terme. Le désintéressement de Paul Lambin était sans ostentation, mais total. L'argent, il ne le méprisait as, il ne l'oubliait même pas, il l'ignorait. Son attitude était d'ailleurs la même à l'égard des honneurs, des distinctions, de la carrière à assurer, attitude de tranquille et serein détachement.

Je voudrais souligner enfin ce qui fut sans doute le plus beau fleuron de cette vie. Arrivé à l'âge de la pleine maturité, il avait compris que sa tache essentielle était de former non plus seulement des élèves, mais de futurs maîtres. Et dans l'accomplissement de cette tâche, il fut vraiment incomparable. Il veillait avec un soin jaloux sur les vocations scientifiques qu'il avait suscitées, avec un soin jaloux, mais discret et singulièrement éclairé, soucieux du tri nécessaire, ne ménageant ni conseils, ni encouragements, mais s'effaçant progressivement pour laisser aux meilleurs la liberté et bientôt l'indépendance nécessaires au plein épanouissement de leur responsabilité. Voilà le maître.

La personne de Paul Lambin était singulièrement attachante par sa culture, sa bienveillance fondamentale, son exquise urbanité souvent teintée d'humour. C'est l'humour qu'il utilisait volontiers pour édulcorer un jugement sévère lorsqu'il estimait de son devoir de le faire connaître. Il m'a dit un jour : "Cela suffit pour les esprits ouverts, et cela permet aux autres de ne pas comprendre, ou de faire semblant." Et si je devais choisir le point le plus marquant de cette très grande figure, ce serait, je crois, la sérénité, la paix. Et c'est dans la sérénité et la paix qu'il nous a quittés.