Louvain Med. 110 : 605 - 606; 1991

IN MEMORIAM

Il nous a quittés le 1er octobre 1991 comme il a vécu durantvingt ans parmi nous : dans le calme et l'effacement. Toujours disponibleà répondre à nos demandes, nous avions pu apprécierà leur juste valeur ses qualités de chirurgien cardiovasculaire.Nous aimions requérir son avis dans les indications opératoiresqu'il formulait de sa voix rassurante tant chez les enfants que chez lesadultes. Son expérience de centaines d'interventions lui permettaitde juger à leur valeur exacte les ennuis représentéspar les mises au point préopératoires sophistiquées.

Fréquemment, il permettait d'éviter à ses patients lerecours à certains examens désagréables qu'il avaitjugés non indispensables. Il était content de nous annoncerque l'intervention s'était bien déroulée, qu'on avaitpu aider valablement un enfant ou un adulte à envisager une vie ultérieurebien insérée dans la société.

Pour les personnes d'âge avancé tant du point de vue vasculaireque cardiaque, il leur permettait souvent d'ajouter à leur temps devie quelques années encore confortables malgré l'étatcritique de départ. Jamais de forfanterie, il était làpour aider ses patients, non pour s'enorgueillir d'une prouesse chirurgicaleéventuelle. Il était content de pouvoir nous dire laconiquement:« Cela a marché ». Très rarement, il ajoutait:« C'était difficile, mais cela a marché ».

Il replaçait ses malades dans leur contexte, s'intéressantà leur milieu familial, à leur devenir en postopératoire.Ses malades le lui rendaient bien, jugeant à sa juste valeur son abordhumain. La confraternité n'était pas pour lui un vain mot.Il prenait contact avec le cardiologue, le médecin traitant àla maison. Il les jugeait aptes à lui redemander un avis sur l'évolutionlorsque les circonstances paraissaient le nécessiter. Il ne s'imposaitpas. Jamais aucune critique au sujet des confrères dans les momentsdifficiles de cohabitation comme il en existait fréquemment. C'était- et il tenait à le rappeler parfois dans la conversation - un tempéramentd'Ardennais. Dur pour lui-même à l'ouvrage, il appréciaitles qualités humaines dans le travail quotidien, même s'il n'étaitpas toujours payé de retour.

Avec combien de ferveur au coeur ne parlait-il pas des enfants qui étaientdevenus les siens dans un grand geste de générosité.Il était difficile de le rencontrer mécontent, tout au plusle sentait-on parfois écrasé par les contingences exterleuresqu'il tentait toujours d'expliquer en les minimisant.

Le calme tranquille affiché par Pierre Jaumin nous fera défautdans la vie quotidienne aux Cliniques. Il a fait son travail de façontrès correcte, n'en attendant pas d'hypothétiques gratifications.Il nous laisse le souvenir d'un homme de devoir, compétent, humainet consciencieux. Il a disparu trop précocement de notre vie hospitalière.Puissions-nous puiser parfois au comportement de l'homme tranquille, quine s'est pas écarté du droit chemin au cours de son passageparmi nous. La profonde tristesse de sa famille est partagée par tousses amis.

H. MEUNIER