Une destinée forgée par les événements

par J.J. Haxhe

Lorsque, en juillet 1956, le diplôme de docteur en médecinem’est décerné et que je me destine à devenir chirurgien,personne ne peut imaginer les événements qui surviendront aucours des douze années suivantes et me détourneront progressivementde mon orientation initiale. L’Université catholique de Louvain unitairesera divisée en deux universités autonomes, la KUL et l’UCL,et de plus, cette dernière implantera sa Faculté de Médecinedans l’agglomération bruxelloise en la dotant d’un hôpital universitaireultramoderne.

En 1956, pour la formation clinique, la section francophone de la Facultéde Médecine ne peut compter que sur les 307 lits du vieil hôpitalSaint-Pierre ouvert en 1849, propriété de la Commission d’AssistancePublique de la ville de Louvain, comportant encore des salles communes de25 à 30 lits, et sur 250 lits dans la clinique Saint-Raphaël,clinique privée plus moderne de plus de 800 lits occupés majoritairementpar la section néerlandophone. Une nouvelle clinique de quelque 100lits, propriété de la Congrégation religieuse des SœursAugustines, est en construction à Herent, mais elle n’est pas encoreen exploitation ; elle ne le sera qu’en 1960.
 
C’est dans ce contexte que j’entreprendrai ma formation chirurgicale d’unedurée de quatre ans pour laquelle le Pr Jean Morelle m’a promis uneplace dans son service un an plus tôt. Ce service de 115 lits ne compteque six médecins assistants en formation dont seulement deux nouveauxsont acceptés chaque année ; chacun est invité àpasser un an à l’étranger soit en deuxième, soit entroisième année.

Le Pr J. Morelle souhaite que je m’initie à la recherche qu’il estimeindispensable pour envisager une carrière universitaire. C’est pourquoi,un an avant la fin de mes études, il m’introduit auprès duPr Michel De Visscher pour une initiation à l’utilisation des radio-isotopesdans son laboratoire. Pour parfaire cet apprentissage, en avril 1956, aprèsmon stage de quatre mois en médecine interne, avant de commencer lestage en chirurgie, je passe un mois au Guy’s Hospital à Londres auprèsde M. Norman Veall, physicien renommé pour la mise au point d’applicationsde radio-isotopes en recherche clinique, auteur d’un livre qui fera date(Radioisotope techniques in clinical research and diagnosis by N. Veall andH. Vetter - Ed Butterworth - London 1958 - NLM ID : 45611140R).

Après deux années de formation chirurgicale à Louvain(1956 - 58), je passe un an au Peter Bent Brigham Hospital, Harvard MedicalSchool, Boston, dans le laboratoire du service de chirurgie du Pr FrancisD. Moore. Sur le chien, j’y mets au point une méthode originale, multi-isotopique,conçue par N. Veall, pour la mesure de la composition corporelle.Elle servira d’outil pour ma thèse d’agrégation.

La formation chirurgicale étant de quatre ans à ce moment-là,je la termine en 1960. Ensuite, nommé chargé de recherchesdu FNRS (Fonds National de la Recherche Scientifique), je me consacre quasiexclusivement à la recherche, tout en préservant une activitéclinique limitée en chirurgie vasculaire. Préparant l’agrégationde l’enseignement supérieur au laboratoire de chirurgie expérimentaledirigé par le Pr J. Morelle, ce travail est terminé en 1963et me permet de défendre une thèse publiée sous le titre:
" La composition corporelle normale :
ses variations au cours de la sous-alimentation et de l’hyperthyroïdie"
p. 359 -   Ed. Arscia,, Bruxelles,1963.
NLM Unique ID : 08410560R

C’est au cours de l’année suivante que les jeunes spécialistes,qui sont de plus en plus nombreux, commencent à s’inquiéterde leur avenir à Louvain comme on peut le lire dans le livre "Si Saint-Lucm'était conté " (Ed. Racine- Bruxelles- 2001).
Nommé chargé de cours associé en 1964, puis professeurassocié et directeur du laboratoire de chirurgie expérimentaleen 1969 (année de l’éméritat du Pr J . Morelle), lelecteur y découvrira comment un coup de téléphone pourla participation à une commission de programmation (1965), une conversationd’apparence anodine avec un collègue (1966), un décèsinopiné (1971) et une crise économique (1982) influencerontma carrière. Ces événements me porteront successivementaux fonctions de directeur de la programmation hospitalo-facultaire pourle site de Woluwe-Saint-Lambert (1968), puis de directeur médical(1971) et enfin de coordonnateur général des cliniques universitairesSaint-Luc (1982).

Professeur ordinaire en 1972, émérite en 1996, c’est indéniablementune cascade d’événements, liée à l’implantationde la Faculté de Médecine de l’UCL à Bruxelles, qui,de fil en aiguille, me détourna complètement de ma formationde base, mais absolument sans aucun regret…